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Séparatisme islamique et stratégie de l’intimidation : vers des partis politiques islamistes européens ?
©Capture d'écran RTL-TVI

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Le 22 avril, dans le cadre des futures élections communales belges, le fondateur du très controversé parti "Islam", Redouane Ahrouch, a suscité une vive polémique en refusant en direct, sur RTL-TVI, de serrer la main des femmes ou même de les regarder, puis en déclarant que l’objectif de son parti politique n’est autre que d’installer un "Etat islamique" en Belgique…

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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Le 22 avril dernier, dans le cadre des futures élections communales belges, le fondateur du très controversé parti "Islam", Redouane Ahrouch, fondateur du parti et conseiller communal dans la ville d'Anderlecht depuis 2012, a suscité une vive polémique en refusant en direct, dans l'émission de RTL-TVI (« C'est pas tous les jours »), de serrer la main des femmes ou même de les regarder, puis en déclarant que l’objectif de son parti politique n’est autre que d’installer un "Etat islamique" en Belgique… L’islamiste belge avait également refusé d’être maquillé par une femme avant d’entrer sur le plateau. La vive polémique a vite traversé la frontière et a fait coulé beaucoup d’encre en France même, pays dans lequel le « séparatisme » et l’antisémitisme islamiques ont été par ailleurs fortement dénoncés par des centaines d’intellectuels de renom dans des pétitions et tribunes collectives remarquées (au Figaro et au Parisien).

Redouane Ahrouch n’est pas un nouveau venu dans l’islamosphère belge. Ex fondateur et leader du parti Noor, qui fit parler de lui dans les années 1990-2000, Ahrouch, devenu le leader du récemment créé parti islamique belge « Islam », a obtenu en 2012 dans un quartier de Bruxelles le meilleur score de la formation islamiste dans la capitale belge. Le parti « ISLAM » est né à partir de réseaux islamistes implantés dans les quartiers de Molenbeek et Anderklecht ainsi qu’à Bruxelles et à Liège. Officiellement présidé par Abdelhay Bakkali Tahiri, « Islam » a présenté des candidats durant les dernières élections municipales, notamment le converti Michel Dardenne, ancien militant PS, qui a avoué qu’il souhaitait que le scénario craint par Michel Houellebecq dans son roman Soumission devienne réalité. A peine élu, Ahrouch, déclara au cours de sa conférence de presse : ˮ Je pense que nous devons sensibiliser les personnes, leur faire comprendre les avantages d’être musulmans et de vivre sous la loi islamique. Et à ce moment, il sera absolument normal d’appliquer la loi islamique et la Belgique deviendra tout naturellement un pays musulman »[1]. Suite aux attentats du mardi 22 mars 2016 à Bruxelles, Ahrouch ne publia aucune condamnation sur sa page Facebook, se limitant à citer un sondage qui donnant le parti Islam à 10.4% lors des prochaines élections communales de 2018. Selon Ahrouch, l'objectif à terme du parti est tout bonnement de faire de la Belgique un État islamique. L’essentiel du programme est issu de celui du parti Noor, qui prévoit notamment le « rétablissement de la peine capitale pour les crimes odieux » ; « le mariage dès l'adolescence » ou encore « la pénalisation de l'avortement et de l'euthanasie »[2]. En avril 2018 les partis politiques belges N-VA, l’Open VLD et le CD&V ont dénoncé plusieurs points du programme du parti qui appellent « sans complexe à l'introduction de la charia [qui] est en violation avec les droits de l'homme. Les partis pour la charia sont donc antidémocratiques ». Le co-fondateur du parti, Redouane Ahrouch, a notamment préconisé de séparer les hommes des femmes dans les transports public. Certains partis politiques comme le MR ont réagi en appelant à interdire ce parti qui va « à l'encontre de nos libertés et droits fondamentaux inscrits dans la Constitution ». q

La Ligue arabo-européenne

En Belgique les provocations et outrances exprimées par des leaders de partis islamistes ouvertement hostiles aux valeurs du royaume belge et de la civilisation occidentale dans son ensemble ne sont pas une nouveauté. Déjà, dans les années 1990-2000, la Ligue arabo-européenne (LAE) avait constitué un cas d’école de la « stratégie d’intimidation » et de radicalisation séparatiste poursuivie par les mouvances de l’islamisme. Créée en Belgique en 2000 par un libanais membre du Hezbollah, Dyab Abu Jahjah (qui créera plus tard le Mouvement X), la LAE prétendait « protéger » la communauté arabe et musulmane d’Europe des exactions racistes » en « surveillant les policiers » et en intervenant sur le terrain. Dans les années 2000, Jahjah avait défrayé la chronique en qualifiant les attaques du 11 septembre 2001 de « douce revanche ». Le 12 septembre 2001, Jahjah aurait même dit, juste après les attentats du World Trade Center, que ce jour-là, tous les musulmans ont éprouvé une « joie et une sublime sensation de revanche ». Quelques années plus tard, invoquant la « liberté d’expression » et « en réponse » aux premières caricatures de Mahomet en 2005, la LAE et Jahjah publièrent des dessins ouvertement antisémites et négationnistes. Bien que le ceux-ci soient illégaux en Belgique, les autorités belges ne menèrent alors aucune action judiciaire dans le cadre d’une déjà ancienne « politique d’apaisement ». La LAE déclarait lutter pour trois revendications : « L’enseignement bilingue (arabe/français ou arabe/flamand) pour tous les enfants arabophones, le recrutement par quotas, afin de protéger les musulmans, et le droit de conserver leurs coutumes culturelles ».

Cas unique en Europe, la Ligue Arabe européenne était une véritable milice-parti, prônant violence politique et intimidation. curieusement, elle a longtemps bénéficié d’autorisations d’organiser des manifestations et fut longtemps tolérée par les autorités. En 2002, lors d’une manifestation de la LAE à Antwerp qui avait dégénéré en violences antisémites, la LAE avait exigé que « la communauté juive d’Antwerp cesse son soutien à l’État d’Israël et prenne ses distances avec lui. Sinon, des attentats à Antwerp ne pourront être prévenus »[3]. Le 11 septembre 2007, jour d’anniversaire des attentats du World Trade center, la Ligue organisa une campagne qui incitait ses membres à manifester à Bruxelles le 11 septembre « contre l’islamophobie et le racisme en Europe ». L’évènement était en fait une démonstration de force du Hezbollah en Belgique, sous couvert de la LAE qui lui était lié. La manifestation fut autorisée bien que réunissant des personnalités radicales faisant l’apologie du Hezbollah, officiellement en « riposte » à la demande du mouvement européen « Stop the islamisation of Europe » (SIOE) d’organiser une autre manifestation, le 11 septembre, devant le bâtiment de l’Union Européenne (UE), à Bruxelles, pour protester contre l’introduction de la charià et de l’islamisme en Europe. En toute logique de paxislamica, la manifestation de SIOE avait été interdite par Freddy Thielemans, le maire de Bruxelles, qui l’accusait d’inciter « à la discrimination et à la haine » en dénonçant l’islamisme radical et la Charià, bien que les statuts de la SIOE n’aient aucun caractère raciste, en revanche, la manifestation bien plus subversive et hostile aux valeurs belges de la Ligue fut autorisée. Loin de lâcher du lest, en 2017, la LAE récidiva dans la provocation anti-juive en « réagissant » à un attentat islamiste commis à Jérusalem contre des civils : au lieu de condamner l’acte,. Jahjah déclara que pour que la Palestine devienne libre, il convient d’utiliser « tous les moyens possibles ». Comme Erdogan et en conformité avec les consignes de l’ISESCO et de l’OCI, il déclara également qu’il assimilait à un « viol culturel » l’idée d’« intégrer les musulmans en Occident. Durant cette même année 2017, Dyab Abou Jahjah créa en Belgique néerlandophone un nouveau parti islamiste, le Mouvement X. Mais contrairement à ses premières expériences, ses provocations ne seront plus tolérées comme dans le passé, ceci dans le contexte du traumatisme des attentats terroristes de Bruxelles de mars 2016. En réaction à de nouvelles provocations verbales, le journal où il travaillait, le quotidien flamand De Standaard, décida finalement de le licencier.

De la coalition Resist au parti Noor

En 2003 une coalition politico-électorale proche de la LAE, « Resist », qui évoque la coalition Respect de Londres (liste électorale islamiste-trotskiste précitée, voir supra), fut créée. Fruit d’un accord entre le Parti des Travailleurs de Belgique et la LAE, Resist recueillit des scores insignifiants, mais fit beaucoup parler d’elle. Il est vrai qu’en Belgique, les Islamistes sont conscients que la communauté musulmane représente un enjeu électoral considérable pour les politiques, notamment les élus locaux. Ils ont donc entrepris un quadrillage de certaines banlieues, souvent avec l’aide de jeunes reconvertis, afin d’être progressivement en mesure de « monnayer » cette représentativité électorale auprès des élus, le plus souvent mais non exclusivement situés “ à gauche ”. Tel est l’objectif du premier parti politique islamique belge, Nour (la lumière, en arabe), créé en novembre 1999 par Redouane Ahrouch. Les fameux 40 points du programme de Nour suscitèrent dès sa fondation une intense polémique, notamment le point 11, rétablissement de la peine de mort ; le point 15, visant à favoriser le mariage dès l’adolescence et une grande sévérité pour les divorces : le point 16, qui invite à revoir la mixité dans certains milieux publics (milieu scolaire, sportif, etc) ; ou encore le point 36, qui dénonce l’homosexualité comme étant « aussi dangereuse que le racisme pour l’avenir de la société », etc. On peut également signaler un tract diffusé à la sortie des Mosquées et par internet dans toute la Belgique par le Secrétariat général du mouvement, intitulé : “ Avis aux quelques 145.000 électeurs musulmans de Belgique ” : “ En réponse à un appel lancé par la communauté musulmane de Belgique qui représente plus de 400.000 membres, un mouvement islamique a été fondé en février 1999. […]. Pour les élections communales et provinciales du 8 octobre 2000, Nour reporte sa participation électorale en attente que notre mouvement islamique soit mieux compris et rejoint par l'ensemble des membres de la communauté musulmane. Nous conseillons à tous les électeurs de confession musulmane d'invalider leur voix en votant Blanc. Les votes blancs ne vont à aucun parti et cela est en conformité avec les préceptes islamiques dans la mesure où les membres de la communauté musulmane ne peuvent soutenir les formations politiques d'inspiration laïque… »[4].

La progression des formations islamistes et de la stratégie de ghetto volontaire ailleurs en Europe

En Europe, la logique de ghetto volontaire, fondée sur un objectif de « désassimilation » et de séparatisme confessionnel, consiste, au nom de la «  défense du droit des minorités « , à revendiquer, pour les membres de la Oumma désireux de ne pas être « contaminés », la constitution de partis politiques islamiques ou, si cela n’est pas encore applicable techniquement, des listes et programmes électoraux destinés à relayer les revendications communautaristes séparées.

L’islam italien et l’objectif de conquérir le pays de l’Église catholique 

En Italie, l’initiative de constituer un parti islamiste ayant pour but explicite l’islamisation de la société et la défense des intérêts des Musulmans, a été inaugurée au début des années 2000 par l’extrémiste très médiatique Adel Smith, alors Président de l’Union des Musulmans Italiens, à l’origine du Parti Islamique Italien (PII), lequel s’est fait notamment connaître pour ses manifestations en faveur du voile dans les lieux publics, la lutte contre les œuvres de Dante, le retrait des crucifix des lieux publics, et les appels à la conversion de Jean Paul II à l’Islam et de toute l’Italie (aslama taslama). Répondant à une polémique concernant l’islamisation progressive de l’Italie, un autre représentant de l’islamisme des convertis italiens, Hamza Piccardo, membre de l’Union des Communautés et Organisations Islamiques d’Italie (UCOII= Frères musulmans), avait lancé devant l’auteur de ces lignes, en 2001 : “ En 2025, nous, Musulmans, nous serons 5 ou 6 millions. Ce seront les Musulmans qui fabriqueront votre pain (...). Nous aurons notre parti politique et nos parlementaires ”[5]. Ces propos rappelaient ceux de l’ancien guide spirituel du Hezbollah libanais, Hussein Moussawi, qui avait déclaré, répondant à une question sur les perspectives d’islamisation de l’Europe : « Vous Français, vous ne connaîtrez peut-être pas dans votre génération la République islamique de France. Mais, c’est sûr, vos petits-fils ou encore vos arrière-petits-fils la connaîtront. Inch’Allah ! Car l’Islam, c’est bon pour tout le monde »[6]. Ou encore ceux de l’ex-Président de l’exécutif des Musulmans de Belgique, le converti Yacine Beyens, proche des Frères musulmans, qui déclarait dans L’Express du 18 février 1999 : “ L’islamisation se fera progressivement (…) Les Musulmans doivent faire preuve du plus grand pragmatisme (…). Le Coran dit qu’il faut procéder par étapes et tenir compte du contexte ”.

En fait, il faudra attendre le 21 janvier 2017 pour que la première étape vers la création d’un parti islamique italien soit franchie à l’initiative de Hamza Piccardo, qui a entre-temps quitté l’UCOII et dénoncé le « Pacte national pour l'Islam italien » que l’organisation avait co-signé et que Hamza Piccardo jugeait trop minimaliste. Dans cette annonce, Piccardo jugeait « inadéquat le processus de 25 ans de dialogue avec l'Etat italien » (« Intesa »), d’où la réunion officielle, le 2 Juillet 2017, à Milan, de « l'Assemblée constituante islamique » qui avait pour but de « donner une représentation démocratique à environ 2,6 millions de musulmans italiens » et qui a donné naissance au premier parti musulman italien. Le premier point du programme propose la signature d’un accord avec le gouvernement italien afin de « donner un cadre juridique aux musulmans », la première des revendications étant sans surprise la pénalisation du droit de critique de l'islam et des « sanctions spécifiques pour ceux qui expriment des opinions négatives ou contraires à la religion de Mahomet », bref le rétablissement du délit de blasphème. Les autres revendications sont des jours fériés spécifiques pour les musulmans, « si l'Etat prend en compte le respect du Sabbat (…) il devrait au moins reconnaître les deux fêtes les plus importantes de l'islam »[7], déclare Piccardo, qui exige aussi la reconnaissance de la polygamie en Italie au nom du multiculturalisme : « Moi et des millions de personnes ne sommes pas d’accord avec le mariage homosexuel, et pourtant celui-ci est légalisé, et nous respectons ses acteurs, qui sont comme nous une minorité, de sorte que les polygames devraient être reconnus y compris par ceux qui ne partagent pas cette vision. La société tout entière peut les accepter »[8]… En Italie la Constituante islamique est surtout implantée dans le Nord du Pays, essentiellement entre Milan et Turin. Mais des communautés islamiques importantes sont également en train de s’organiser à Naples, à Rome, à Bologne et en Sicile.

En Suède, un reportage effectué par Judith Bergam pour le Think Tank américain Gatestone Institute, dans le cadre de la couverture des élections de 2018, a mis en évidence l’émergence d’un nouveau parti islamique, Jasin, fondé par l’islamiste iranien Mehdi Hosseini et dirigé par Sheijh Zoheir Eslami Gheraati, un imam de Teheran. En dépit de son radicalisme et de son projet communautariste et sécessionniste manifeste, Jasin se présente comme d’autres partis du même acabit comme une formation « multiculturelle, démocratique et pacifique » et affirme vouloir « unir toutes les populations orientales et diverses sur le plan ethnique, linguistique, religieux ou de de la couleur de peau » au nom de la « défense de la laïcité ». En réalité, Jasin n’est ni multiculturaliste ni laïque, et on peut lire sur son site qu'il « prônera et suivra d'abord exactement ce que dit le Coran, et ensuite ce que disent les imams chiites ». Jasin se déclare comme une « organisation non-jihadiste et missionnaire, qui répandra le visage réel de l'Islam, lequel a été oublié puis assimilé à une religion belliqueuse ... »[9]

Aux Pays-Bas, Tunahan Kuzu et Selçuk Öztürk, deux Turcs qui ont été élus députés depuis de nombreuses années dans les rangs du parti travailliste des Pays-Bas, ont fondé le parti Denk, par lequel ils escomptent faire obstacle au  supposé « racisme »  des Néerlandais et même créer, sur le mode de la Ligue arabe européenne en Belgique, une « Police de l’antiracisme », ceci alors que dans ce pays, le plus ouvert et tolérant de la planète, qui a accordé des droits extraordinaires aux minorités et où l’Etat finance le culte, y compris musulman, ce sont les hommes politiques néerlandais, Pym Fortuim et Theo Van Gogh, tués par des islamistes ou pro-islamistes, ou Ayan Hirsi Ali et Geert Wilders, menacés de mort et condamnés par des fatwas, qui sont les cibles de la violence islamiste. Le Denk a réussi à obtenir un tiers des voix musulmanes du pays et trois sièges au Parlement hollandais. Le chef du parti, Tunahan Kuzu, a déclaré à ce propos qu’il s’agit là « du début d’un nouveau chapitre de notre histoire. Les nouveaux Pays-Bas se sont exprimés à la Chambre »[10]. Denk défend ardemment la Turquie néo-islamiste d’Erdogan ; se présente comme une « plate-forme contre l'intégration des immigrants dans la société néerlandaise » et préconise, face à l’intégration-assimilation, une « acceptation mutuelle », euphémisme pour justifier - au nom du droit à la différence - une société musulmane parallèle. Comme le parti pro-Erdogan PEJ en France, Denk nie farouchement l’idée même qu’un génocide ait pu être commis en Turquie sous la fin de l’Empire ottoman contre les Arméniens et les Chrétiens assyro-chaldéens. Il exige en revanche qu’en Hollande, les termes comme « immigrés » et « intégration » soient « bannis ».

En Allemagne, de nombreux Turcs d’origine se sont investis depuis des années dans les partis politiques traditionnels, majoritairement à gauche ou écologistes. Mais les candidats élus grâce à ces partis ayant accepté des Kurdes hostiles à Ankara et des Turcs « trop intégrés » ou anti-islamistes et hostiles au négationnisme du génocide arménien, Ankara tenta d’influencer directement la politique allemande depuis l’extérieur. C’est ainsi que l’ Allianz Deutscher Demokraten (« Alliance des démocrates allemands », ADD), fondé en 2014 par Remzi Aru, en réaction à la reconnaissance par le Parlement allemand du génocide arménien, a été créé. L’ADD est un relais du pouvoir islamo-nationaliste d’Erdogan dans le pays et il s’efforce de fédérer les communautés musulmanes susceptibles de voter afin de voir émerger un lobby « turco-musulman » en Allemagne. Ses dirigeants ont eu des difficultés pour réunir les 1000 signatures nécessaires pour participer aux élections de mai 2017 en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Mais en parallèle, un autre parti musulman d’Allemagne, le Bündnis für Innovation und Gerechtigkeit (« Alliance pour l’innovation et la justice », BIG), a été créé en 2010. Il est vrai que la loi allemande interdit tout financement étranger des partis politiques, ce qui est d’ailleurs une importante pierre d’achoppement entre Erdogan et Angela Merkel ainsi qu’on l’a vu en mars-avril 2017, lorsque la chancelière allemande a fait interdire la venue de prédicateurs et hommes politique pro-Erdogan qui voulaient participer à des meetings en faveur du oui pour le référendum donnant les pleins pouvoir au président turc dans le cadre de la réforme de la constitution et de sa dérive autoritaire en « réaction » au coup d’Etat manqué de juillet 2016 contre lui.

En Autriche, des turco-musulmans ont également formé un nouveau parti, le NBZ (New Movement for the future), créé en janvier 2017. Selon son fondateur, Adnan Dincer, la NBZ n'est pas un parti islamique ou un parti turc, bien que composé principalement des musulmans turcs. Se plaignant de « l’exclusion » des musulmans en Autriche, Adnan Dinçer estime que « les acteurs politiques prennent des décisions concernant les minorités qui travaillent ici, mais nous ne sommes pas impliqués dans ce mécanisme décisionnel ». Le NBZ affiche son soutien total au président turc Erdogan et il a nettement condamné le « mouvement Gülen » que le gouvernement d’Ankara a accusé avoir fomenté un coup d’Etat en juillet 2016 contre le président turc.

En Bulgarie, où la population musulmane, en partie composée de Turcophones, de Pomaks, de chiites bulgares et de Roms, représente environ 7-8% de la population totale, trois partis politiques musulmans - essentiellement animés par des Turcs - sont actifs.  L’un d’entre eux est le Mouvement pour les droits et libertés (HÖH), fondé en 1990 par Ahmet Doğan. En 2014, le HÖH a envoyé 38 élus au Parlement (15%) et a obtenu quatre sièges au Parlement européen (PE). Comme dans de nombreux pays européens, le HÖH est politiquement allié de la gauche multiculturaliste, en l’occurrence le Parti socialiste bulgare (BSP). Récemment, Erdogan, qui n’était pas satisfait du HÖH, car pas assez contrôlable selon lui, a cherché à aider d’autres partis pro-turcs en Bulgarie.

En Grande Bretagne, un premier parti islamique ayant comme unique programme la charià, l’« Islamic Party of Britain», fut créé à la fin des années 1990. Toutefois, face à la stratégie concurrente, plus payante, visant à faire élire d’influents candidats musulmans au sein des partis traditionnels, il a cessé son activité en 2006, après 17 ans. Entre juin 2003 et janvier 2004, une nouvelle expérience, plus fructueuse, vit le jour lorsque des islamistes britanniques et des trotskistes anglais du SWP créèrent ensemble, en vue des élections locales et européennes, une coalition rouge-verte d’une rare radicalité : Respect[11]. Celle-ci militait pour le droit au port du voile, le « respect de la religion musulmane » et contre les guerres en Afghanistan et en Irak, puis accusait les armées anglo-américaines d’être les « vrais terroristes » et « bourreaux des peuples ». Cette coalition islamo-troskiste intégrait des syndicalistes, des écologistes, des travaillistes en rupture de ban et la puissante et très intégriste Muslim Association of Britain (MAB, affiliée aux Frères musulmans), souvent alliée aux représentants des Talibans en Europe, le mouvement Deobandi. Depuis, la stratégie des islamistes anglais consiste plus à infiltrer les partis de gauche et d’extrême-gauche afin d’élire plus efficacement des candidats islamistes, plutôt que de perdre du temps dans des partis islamistes groupusculaires et sous surveillance de la police.  

En Finlande, depuis 2007, l’association « Finnish Islamic Party » (en finlandais : « Suomen islamilainen puolue), cherche à se faire reconnaître comme parti politique. Dans son programme, on peut lire : « L’islam est à la fois une religion et une idéologie politique ». L’objectif est de créer une société finlandaise fondée sur la charià. L’un des points clefs du programme est l’abolition de l’alcool pour tous et pour les enfants ; puis l’apprentissage du coran au lieu de la musique. « Nous voulons des écoles pour enseigner les valeurs islamiques de la famille aux enfants musulmans », peut-on lire dans le programme politique de cette association[12]. Très engagé géopolitiquement en matière de « défense de la Oumma », le parti défend les droits des « Tatars islamiques en Crimée persécutés par les Russes » et des « Palestiniens qui devraient développer un état islamique efficace auquel Israël devrait se soumettre ». Ceux-ci devraient d’ailleurs « produire des roquettes précises et une véritable artillerie car elles pourraient avoir une réelle signification militaire ». Le site de présentation du parti conclut en précisant que « notre but est de promouvoir un bien-être matériel et spirituel sain en Finlande et ailleurs dans le monde selon la foi et les valeurs islamiques. Le parti veut avoir un effet sur la politique, la législation et l'éducation à travers les valeurs islamiques. (…). Nous protestons contre les choses dans la législation finlandaise qui ne sont pas islamiques et qui ne sont pas bonnes pour les Finlandais »[13].

En Autriche, un « parti des Immigrés musulmans » s’est présenté aux élections en 2016. Devenu le « Nouveau Mouvement pour le Futur (NBZ), cette formation, dont le président-fondateur est Adnan Dincer, austro-turc originaire d’Anatolie, s’est déclarée prête à présenter des candidats dans toute l’Autriche pour les élections nationales dès la fin de l’année 2017. Le mouvement, essentiellement animé par des immigrés turcs de la ville de Voralburg, a également annoncé qu’il transfèrera bientôt son quartier général dans la capitale, Vienne, idée hautement symbolique qui n’a pas échappé aux commentateurs autrichiens. Côté irrédentiste « néo-ottoman » comme côté autrichien sceptique, ce choix de capitale autrichienne de l’islam politique, 334 ans après l’échec de la prise de Vienne par les Ottomans, ressemble à une revanche historique et géopolitique. Les conquérants turco-ottomans échouèrent en effet par trois fois à prendre la capitale du très catholique empire austro-hongrois, enjeu stratégique crucial dans la vision néo-ottomane » d’Erdogan et de ses partisans islamistes d’Europe.

Articles conçu à partir d’extraits du dernier ouvrage d’Alexandre del Valle, « La stratégie de l’intimidation », paru aux éditions l’Artilleur début avril 2018.

FIN – SUITE au prochain épisode



[1] « Le parti "Islam" espère que la Belgique deviendra un jour un état islamique », 29 octobre 2012, émission TV, entretien TV,https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_le-parti-islam-espere-que-la-belgique-devienne-un-jour-un-etat-islamique?id=7865358.

[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Islam_(parti_politique_belge).

[3] https://fr.timesofisrael.com/la-belgique-peut-elle-proteger-sa-communaute-juive/.

[4] « La création du parti musulman agite la classe politique », Le Figaro, 12 février 2015,

[5] Hamza Piccardo, cité in « Le richieste dei Musulmani, La nostra legge è il Corano », La Gente,  6 janvier 2001.

[6] Cité par Philippe Aziz, Le Paradoxe de Roubaix, Plon, 1996, p 91.

[7] « Un partito islamico? Abbiamo avuto la Dc per 50 anni, ma non è il nostro obiettivo », 20 giugno 2017.

[8] Entretien avec le journal online Today.it. Voir aussi Gianni Carotenuto, « Il Partito anti Islam di Meluzzi e il Partito musulmano: due programmi a confronto », Il Giornale, 4 juillet 2017.

[9] http://www.prophecynewswatch.com/article.cfm?recent_news_id=1653#xpj8ZxA9OPGyzD0T.99.

[10]https://www.express.co.uk/news/world/779891/dutch-election-turkish-dutch-party-denk-win-first-seats-netherlands-parliament.

[11] RESPECT est l’anagramme de « Respect, égalité, socialisme, paix, environnement, communauté, Trade-unions ».

[12] http://www.suomenislamilainenpuolue.fi/etuen.html.

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