Rendez-nous Reagan ! Et si les baisses d'impôts drastiques étaient une solution pour l'Europe<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président Reagan a relancé l'économie américaine grâce à une "politique d'offre".
Le président Reagan a relancé l'économie américaine grâce à une "politique d'offre".
©Reuters

Le Nettoyeur

L'idée de Reagan était de couper massivement les impôts pour relancer l'économie américaine (et de profiter de ce climat plus favorable pour entreprendre les réformes de structures et de dépenses sur le plus long terme). Et ça a marché.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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S'il y a une politique économique qui n'est plus au goût du jour aujourd'hui, c'est l'idée qu'il faut baisser très fortement et brutalement les impôts, connue des économistes sous le nom de "politique d'offre".

C'était la marque de fabrique de Reagan. Même aux Etats-Unis, les républicains ne proposent plus de baisses d'impôts à l'échelle de celles qu'a connues le pays dans les années 80. En Europe, la gauche promeut la sortie de crise par la hausse de la dépense dans le cadre d'une “politique de demande” et la droite promeut plutôt les “réformes structurelles” et l'austérité budgétaire. Si la droite veut baisser les impôts, elle veut le faire de manière mesurée et progressive, coordonnée avec une baisse de la dépense afin de maintenir les déficits faibles.

L'idée de Reagan est de couper massivement les impôts pour relancer l'économie (et de profiter de ce climat plus favorable pour entreprendre les réformes de structures et de dépenses sur le plus long terme).

Si cette politique de l'offre est souvent opposée au "keynésianisme", d'un point de vue macroéconomique, c'est faux. Qu'on augmente la dépense ou qu'on baisse les impôts, dans les deux cas l'Etat, en augmentant son déficit, contribue à augmenter la dépense totale, et donc le PIB. Une relance fiscale qui propulse l'économie à une “vitesse supérieure” est une des bases du keynésianisme.

Cette absence de politique d'offre de notre débat économique est surprenante pour une raison qui devrait faire réfléchir tout le monde : ça a marché. Après la terrible crise des années 1970, l'économie américaine sous Reagan a connu une propulsion vertigineuse et une période, connue sous le nom de “Grande Modération” de 30 ans de prospérité unique au monde. Il est illusoire de penser que la politique d'offre de Reagan a été le seul critère, mais il est aussi illusoire de penser qu'elle n'a pas eu d'impact. L'économie est un mécanisme décentralisé de transmission de l'information et de co-création, et les baisses d'impôts décentralisent les décisions de dépense en les mettant en les mains d'individus, et ainsi contribuent à plus de création économique. Les baisses d'impôts de Reagan ont non seulement eu un effet salutaire “keynésien” d'augmentation de la dépense totale, mais aussi un effet “hayékien” de libération de l'économie, créant une dynamique auto-renforçante de croissance.

La meilleure critique que j'aie vue de la politique de l'offre est offerte par l'économiste Mark Dow. Écrivant au sujet des Etats-Unis, Dow dit que, oui, la politique de l'offre a marché dans les années 1980, mais qu'elle ne pourrait plus marcher aujourd'hui. A la fin des années 1970, les Etats-Unis sortaient d'une période de crise énergétique et d'inflation galopante. Des tendances séculières - l'arrivée des baby boomers à leur période de consommation la plus importante, l'entrée massive des femmes sur le marché du travail, le début de la révolution informatique - avaient créé une énorme demande de consommation et de création de la part du secteur privé, frustrée par l'appareillage fiscal et réglementaire datant du New Deal et de l'après-guerre. Les baisses d'impôts subites et drastiques ont, pour ainsi dire, brisé le barrage et permis à toute cette demande latente de créer un tsunami économique. La politique de l'offre était bonne pour les Etats-Unis dans les années 80, écrit Dow, mais à cause de circonstances particulières qui ne s'appliquent plus à l'Amérique d'aujourd'hui.

Que Dow ait raison ou tort à propos des Etats-Unis aujourd'hui, il me semble que, fondamentalement, la situation qu'il décrit - une frustration énorme des énergies créatrices du secteur privé - s'applique parfaitement à l'Europe aujourd'hui.

Aujourd'hui, l'Europe est dans une impasse.L'austérité budgétaire produit ses effets prévisibles : chômage de masse et récession. Les réformes structurelles difficiles sont vues à la fois par leurs promoteurs et par leurs détracteurs comme une punition céleste douloureuse à infliger. Et surtout, l'austérité monétaire est un démon qui nous tient par la gorge.

Etant donné le niveau des charges sociales en France - par exemple - il est vraiment difficile de penser qu'une baisse - pas une baisse partielle, pas un crédit d'impôt, pas une mesurette, pas une TVA sociale, mais une baisse drastique, globale, assumée- ne mènerait pas à de nouvelles créations d'emploi et, de là, à une relance. Pendant ce temps, l'impossibilité politique de passer des réformes structurelles au fouet est avérée, mettant en jeu la structure même de l'Europe et notre démocratie.

Nous avons à tout prix besoin d'une porte de sortie, et de sortie par le haut. Le Japon nous en offre une. Mais, depuis la tombe, Reagan aussi nous en offre une belle et grande.

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