Quand le vote FN s'explique par l'effet "billet de loterie" ; Poutine : Hollande lui a tout pardonné ; Etat d'urgence : les dérapages <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Quand le vote FN s'explique par l'effet "billet de loterie" ; Poutine : Hollande lui a tout pardonné ; Etat d'urgence : les dérapages
©Reuters

Revue de presse des hebdos

En vue des élections régionales, nos hebdomadaires affichent quasiment tous les visages des candidates Front National du Nord et du Sud de la France… Tous, sauf un, qui nous montre que la France post-attentats mute au point de rebattre totalement certaines cartes.

Sandra Freeman

Sandra Freeman

Journaliste et productrice, Sandra Freeman a animé des émissions sur France Inter, LCI, TF1, Europe 1, LCP et Public Sénat. Coautrice de L'École vide son sac (Éditions du Moment, 2009), elle est la fondatrice du média internet MatriochK.

 

Voir la bio »

La lutte contre Daech a rebattu les cartes : « Poutine, notre nouvel ami » 

Dis moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es.

Le vieil adage fonctionne à merveille. La France à un «  nouvel ami » et c’est « une volte-face spectaculaire », telle le décrit « Le Point » qui propose la photo de l’ami Poutine en pleine couverture de son numéro cette semaine. Fini les vieilles rancueurs. Comme l’explique le journal, « depuis le 13 novembre, Poutine est presque le meilleur ami de la France. L’Ukraine ? Le soutien inconditionnel à Bachar El Assad ? Les discours anti européens ? L’Elysée les a oubliés. Au nom de la guerre contre le terrorisme ».

Le journal recadre qu’aujourd’hui, « à Paris beaucoup, estiment que la Russie, depuis qu'elle a déployé des hommes au sol (ce que les Français ne sont pas prêts à faire) est en position de force et que désormais rien ne se fera plus dans les pays sans elle. Et ce, d’autant plus que les États-Unis semblent totalement absents du dossier (…) et que Barack Obama rechigne à jouer un rôle de premier plan. La lutte contre Daech a  rebattu les cartes », contextualise l’hebdomadaire.

Mais qu’on ne se sente pas seule girouette. Côté Russe, c’est la même chose, dirait-on… « La jubilation en plus ! Personne ne se souvient du rocambolesque feuilleton des Mistral et des sanctions européennes qui - quoi qu'en disent le Kremlin - plombe l'économie russe ». Désormais, on s’admire plutôt. « Les Russes sont impressionnés par les guerres que mène François Hollande, au Mali, en Centrafrique, et désormais en Syrie. Ils savent aussi que sur le plan technologique et militaire, c’est avre les français que les partenariats sont possibles. Pas avec les Américains, ni avec les Britanniques. Pas non plus avec les Chinois, voisinage oblige. »

Cette nouvelle alliance va même au-delà de la simple stratégie politique. Selon « Le Point », on est déjà dans l’action de fond au niveau des services secrets des deux pays. « Ils n'ont plus besoin de se cacher : ils ont désormais officiellement carte blanche pour se parler et échanger les informations collectées sur le sol syrien. Le revirement est impressionnant » commente l’hebdo.

Car en effet, même si Poutine s’est « essuyé les pieds sur le droit international », « la France a compris qu'on ne pouvait pas se fâcher définitivement avec lui ». Pour petit rappel (lecture commerciale, cette fois), en 2013, juste avant l’intervention en Ukraine, la France était le huitième fournisseur du pays. La Russie, elle était le troisième investisseur international en France (hors pays de l’Union Européenne).

Bleu-blanc-rouge : « la cocarde effectue un retour consolateur ».

Car la France qui a été choquée, abasourdie, la France qui a pleuré à la suite des attentats, se révèle aujourd’hui particulièrement battante. Pour preuve, comme disait au 19ème siècle le  journaliste et homme politique Emile De Girardin, “Un drapeau qu'on cache dans sa poche, ce n'est pas un drapeau, c'est un mouchoir.” Les mouchoirs sont mis de côté, et le drapeau incroyablement dressé. La France a réinvesti ses couleurs et pour cela, « L’Obs » propose une brève histoire de notre drapeau, « signe de ralliement de tous les amis, tous les enfants de la liberté », selon le révolutionnaire Mirabeau.

L'histoire du drapeau est « ancrée dans les premiers jours de la révolution », nous conte le magazine, au départ, « simple cocarde accrochée à son chapeau, parce que c'était la mode », le drapeau s’affirma dans les grands moments de notre Histoire. Comme en 1848, quand « La Martine retourne la foule qui envahit l'hôtel de ville, dans un discours improvisé devenu fameux : « le drapeau tricolore a fait le tour du monde, avec le nom, La gloire, et la liberté de la patrie » ! ».

Et puis il y a 1944, les couleurs de la libération, à Paris. Il y a juin 1968, les soixante-huitards qui Conchie le drapeau. Il y a 1958 et cette question « l'Algérie, c'est la France ? » sur fond bleu blanc rouge. Il y a aussi 1998, et sa France « black, blanc, beur ».

Enfin, il y a le 26 novembre 2015 : « les trois couleurs de la république honorent les victimes des attentats de Paris ».

« La marée  FN », « l’espèce invasive » : Le Front National se répand

La France reprend ses couleurs, mais quel est désormais son visage ? « Charlie hebdo » propose en couverture une foultitude de visages identiques (dans un dessin de Riss inspiré de l'affiche du film « dans la peau de John Malkovich »). Ils sont tous inspirés des traits de Marion Maréchal Le Pen (avec un air dur et renfrogné). Le titre : « Nouvelle espèce invasive en PACA », « bientôt dans toute la France ! ».

De façon moins caricaturale mais toute aussi explicite, « L'express » alerte en Une de « la marée FN » qui menace nos élections ce weekend. « Ce sont des élections régionales, mais la campagne fut ponctuée d'événements nationaux voir mondiaux » recadre le journal : « À la rentrée, la crise des migrants leur fait gagner 1 à 3 points, selon les instituts de sondage et selon les régions. Après le 13 novembre, les attentats entraînent une nouvelle hausse, y compris dans des zones où ils étaient jusqu'à présent moins fort, comme Aquitaine Limousin Poitou-Charentes. Après les graines de la peur, les moissons de l'horreur ». En effet, le Front National attend aujourd'hui, selon les sondages, jusqu’à 40 % de votes dans certaines régions.

Causes du vote massif FN : les migrants, les attentats… et « l’effet billet de loterie » !

Dans un long entretien, « l’Express » interroge l’historien Herve Lebras, qui  est Directeur d'études à l’EHESS.  Il explique que les Français, « sans espoir », parient sur une vie meilleure en votant pour le Front National : « En moyenne, à la loterie, vous gagnez moins que ce que vous avez visé. Mais vous jouez quand même car, si vous remportez le gros lot, vous pourrez changer de vie. Le vote FN relève de la même logique. Les électeurs frontistes n’ont plus d'espoir de modifier la situation par la voix des partis politiques traditionnels. Même si les probabilité d'un véritable changement sont faibles, le Front National leur ouvre une toute petite fenêtre » !

FN : De la réalité de la télé à la température sur les marchés

« Télérama » est allé faire son marché dans le nord, une région où le Front National « risque de porter », et particulièrement sur le Marché de Hénin Beaumont, en ce vendredi 20 novembre. Il est 10 heures. « Il pleut des cordes, le marché est quasi désert et le tractage - auquel une militante qui soutient « le Rassemblement » - devait participer, vient d'être annulé ». Elle témoigne : « Les gens sont affolés et rivés à leur télé. Ça part dans tous les sens, je l'entends à la friterie. Il aurait fallu décaler les élections, ce n'est pas un climat pour voter. Là, nous avons un énorme travail de décryptage à mener, pour faire le tri entre les craintes légitimes et les peurs irrationnelles. »

Du côté de « l’Express », on a préféré aller vers le Sud. Témoignage : "Sur les marchés, j'ai l'impression d'être dans l'émission de Marcel Béliveau, « Surprise sur prise » assure le maire de Cogolin dans le Var, Marc Étienne Lansade, « l'accueil est tellement incroyable depuis les événements, qu'on se demande où se trouve la caméra cachée ».

« Cette fois, ça pouvait être nous » ! : Monsieur tout le monde, visé ; le vote FN, activé.

Face à cette « marée », « l’Obs » s’alarme et titre (en Bleu Blanc Rouge) sur « L'autre État d’urgence » ! Un titre éloquent parce qu’illustré par la photo de Marine Le Pen, tout sourire, en Une. Le journal a pris le parti de se plonger « dans la tête des nouveaux électeurs du Front National » ; dans la tête de ceux qui pensent : « Marine… Qu'est-ce qu'on risque À l'essayer ? ».

« L’Obs » l’assure : Fini « l'effet Charlie », la tragédie du 13 novembre n'a pas eu le même impact que les attentats de janvier. « Cette fois, ce n'était ni des journalistes, ni des juifs, ni des policiers mais Monsieur tout le monde qui était visé. Et ça, ça change tout »,  balance d'entrée Fabrice, 50 ans, fonctionnaires.

L’hebdomadaire propose plusieurs « Paroles de lepénistes » qui n'avaient jamais voté FN et s'apprêtent à le faire pour la première fois. « Cette fois, ça pouvait être nous » ! Ce serait donc ça qui permettrait aux derniers conquis de basculer dans le vote FN.

Cette peur, plus encore depuis le 13 novembre, pour eux a un visage, celui du musulman : « comme dit Jean-Marie Le Pen, c'est la technique du voleur chinois, commente Alban. Les musulmans arrivent petit à petit, ils avancent un peu, d'un mètre, de 2 mètres, et à la fin, on ne s'en est pas rendu compte, mais ils sont au cœur de la maison. L’Islamisme, c'est un peu ça. Ils virent les sapins, les crèches, ils prennent le pouvoir. C’est une question de rapport de force et de soumission » ! Et à « l’Obs » d’en conclure le propos  sous-entendu selon lequel, avec Marine Le Pen présidente, « fini la soumission ».

1800 perquisitions et 312 assignations à résidence : les « dérives liées à l'instauration de l'état d'urgence ».

« Les inrockuptibles » proposent en couverture une carte de France puzzle, morcelée, démantelée : « une France en morceaux ». Si, là encore plane « l'ombre du FN », le magazine met en avant « les dérapages de l'état d'urgence ».

Le journal consacre ainsi quelques pages à aux militants d'extrême gauche qui n’avaient pas le droit de manifester – à la suite des attentats de Paris – alors même qu’en marge de la Cop21, les opposants auraient voulu le faire savoir. « Sale temps pour les militants ». « Les inrockuptibles » accordent une attention particulière aux « assignations à résidence abusives », aux « perquisitions musclées », aux « manifestations sous haute tension », mais surtout « aux dérives liées à l'instauration de l'état d'urgence ». 1800 perquisitions et 312 assignations à résidence auraient été réalisé depuis le 13 novembre. Mais attentions, « les militants climatiques ne sont qu’un petits bout de l'iceberg ».

« On est entre la chasse à l'opposant et la tentative d'intimidation » avance le journal qui diffuse la photo d’un manifestant déguisé en pigeon, portant une pancarte : « Je suis le pigeon de la COP 21, de l'état d'urgence, des banques, des multinationales, du nucléaire ».

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !