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Tolérants, généreux et de gauche... ? Ce que pensent vraiment les jeunes Français
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Comment pensent les jeunes Français ? Sont-ils plus ouverts vis-à-vis de certaines minorités que leurs ainés ? Quelle est leur rapport à la politique ?

Eric Deschavanne

Eric Deschavanne

Eric Deschavanne est professeur de philosophie.

A 48 ans, il est actuellement membre du Conseil d’analyse de la société et chargé de cours à l’université Paris IV et a récemment publié Le deuxième
humanisme – Introduction à la pensée de Luc Ferry
(Germina, 2010). Il est également l’auteur, avec Pierre-Henri Tavoillot, de Philosophie des âges de la vie (Grasset, 2007).

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Atlantico: D’après un récent sondage publié par Opinion-Way, près d’un tiers des 18-24 ans disent ressentir de l’antipathie pour l’islam, tandis que 43% de cette même tranche définissent les juifs comme un "groupe replié sur lui-même". Comment expliquer ce surplus de méfiance des plus jeunes vis-à-vis des juifs et de l’islam par rapport aux autres générations ? Doit-on y voir un rejet de systèmes idéologiques perçus comme communautaristes, ou une antipathie plus large envers le fait religieux en soi de la part des jeunes ?

Éric Deschavanne : Il n'y a en réalité aucune différence notable entre l'opinion des jeunes et celle de leurs aînés sur ces questions, comme d'ailleurs sur bien d'autres. Il n'existe aucune singularité idéologique de la jeunesse. Les jeunes reflètent l'opinion et les valeurs communes, de manière souvent légèrement plus accentuée. La question du mariage homosexuel a mis en évidence une fracture intergénérationnelle, mais toute relative. La reconnaissance publique de l'amour homosexuel est une donnée récente : la "normalité" n'est donc sur ce sujet pas la même pour les anciens et pour les jeunes. Il n'existe cependant pas de différence profonde entre les générations en matière de système de valeurs. L'individualisme libéral, qui progresse dans l'ensemble de la société, est logiquement plus particulièrement marqué chez les nouvelles générations.

S'agissant des communautés religieuses, on retrouve sans surprise chez les jeunes la même défiance dont font montre les Français d'une manière générale vis-à-vis du communautarisme. Dans une société où la sécularisation ne cesse de progresser, les marques d'appartenance à une communauté religieuse, lorsqu'elles sont visibles et omniprésentes, sont perçues comme une forme de séparatisme. Cela n'implique pas l'intolérance vis-à-vis de ces communautés, mais l'a rend possible. Seul l'islam suscite une forme d'hostilité : cela s'explique par le fait que sa greffe sur l'identité française n'a pas encore tout à fait prise. Les musulmans ont importé en France les conflits qui traversent le monde musulman sur la question du rapport à la modernité démocratique et libérale. Cela génère une défiance spécifique mais qu'il faut relativiser puisque les deux tiers des Français n'éprouvent pas d'antipathie pour l'islam en dépit du fait que cette religion ne leur paraît pas particulièrement tolérante.

Source : Opinion-way
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Plus largement, de nombreuses études soulignent un désintérêt des jeunes pour la politique institutionnelle et partidaire. Ils seraient ainsi plus nombreux à faire preuve d’abstention et à ne pas militer dans des partis classiques. Est-ce que cela signifie que les jeunes n’ont pas l’esprit militant, ou alors que leurs engagements peuvent prendre d’autres formes ?

Là encore, il faut se garder des idées reçues sur la jeunesse. Il y a à mon sens deux idées reçues également fausses : l'idée qu'il y aurait une défiance propre à la jeunesse vis-à-vis de la politique ; et celle selon laquelle il y aurait une politisation de la jeunesse qui prendrait des formes nouvelles et différentes. Le retrait vis-à-vis de l'engagement classique au sein d'un parti politique ou d'un syndicat est un phénomène général, simplement plus accentué chez les jeunes. Au déclin des idéologies s'ajoute bien éviemment l'éloignement des enjeux politiques qui caractérise la jeunesse : la prise au sérieux des questions politiques vient avec les engagements professionnels et familiaux.

Le grand classique de l'engagement politique des jeunes, c'est la manifestation protestataire : les jeunes étaient même en première ligne lors des manifestations contre la réforme des retraites du précédent quinquennat ! Ce type d'engagements n'est toutefois qu'un leurre. L'indignation, feinte ou réelle, est une posture générale, du reste tout à fait compatible avec l'absence de réflexion et d'esprit de responsabilité : elle ne génère aucune mobilisation à long terme en faveur de la réalisation d'un projet politique. Les jeunes manifestent plus aisément et systématiquement que leurs aînés parce qu'ils sont disponibles. Ils bénéficient à cet égard d'une licence de la société : il est possible, en France, de manifester durant trois mois sans que cela ait la moindre conséquence sur le cours de la scolarité. Il n'y a donc pas de fracture entre les générations : la défiance à l'égard des institutions et des partis politiques est la même, ainsi que la tendance protestataire - laquelle s'exprime le plus souvent avec la bénédiction et sous les applaudissements des adultes.

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