Pôle Emploi, la machine infernale<!-- --> | Atlantico.fr
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"Problème, j’ai déménagé, je dépend donc d’une nouvelle agence, j’ai un nouveau numéro de chômeur"
"Problème, j’ai déménagé, je dépend donc d’une nouvelle agence, j’ai un nouveau numéro de chômeur"
©Reuters

Revue de blogs

L'émotion provoquée par l'immolation d'un chômeur en fin de droits devant un Pôle Emploi a tendu d'un cran la prise de conscience de la crise, et de la machine infernale que peut devenir Pole Emploi. Le témoignage d'une blogueuse sur les conséquences d'un simple retard de dossier est éloquent.

Il n'est pas besoin d'être en fin de droits, et peut-être au bord de l'expulsion, et peut-être en dépression clinique, pour prendre conscience de la rigidité et d'une volonté d'écarter que l'engorgement a provoqué dans l'institution de 'protection sociale', Pôle Emploi. Une jeune et déjà ex-chômeuse, car elle a retrouvé entre temps un emploi, a réagi à l'annonce du drame de l'immolation d'un chômeur en publiant son témoignagesur son blog sur les conséquences d'un simple retard de dossier, pour faire prendre conscience de ce que peut être une procédure de fin de droits. Etre pugnace, bien informée, et revendiquer ses simples droits, ne suffit presque plus. Voici l'histoire de son "simple' retard de dossier. 

Deux semaines pour un identifiant

"Début décembre, me retrouvant sans emploi comme une bonne partie de la population, je m’inscris via le site de ton soi-disant meilleur ami (Paul Emploi) pour trouver du boulot J’ai acquis des droits qui me donnent, selon calcul, à une allocation chômage assez sympa courant sur presque six mois. De quoi subsister, donc, le temps de trouver un nouveau travail."

"Problème, j’ai déménagé, je dépend donc d’une nouvelle agence, j’ai un nouveau numéro de chômeur (oui, c’est quand même plus sympa que de m’appeler par mon nom, hein…) et surtout un nouveau code secret pour accéder au site Internet de pôle emploi sur lequel je dois récupérer le document à renvoyer avec mes justificatifs. Sauf que, 10 jours de traitement, je ne recevrai mon nouveau code que plus de deux semaines après mon inscription, alors qu’il faut renvoyer les documents au plus vite. Dont acte. (...) Une semaine, deux semaines… Non, ma sœur Anne ne voit rien venir. J’écris."

« Non, votre dossier n’est pas encore traité »

"Réponse très courte par mail (et bonjour, c’est pour les chiens ?) sauf que c’est les fêtes et que la fin du mois c’est dans quelques jours et que j’ai un loyer à payer, ma grande… Dans le même temps, un mail automatique arrive dans la rubrique courrier du site de Pôle Emploi « votre demande est rejetée. » Je réécris en demandant pourquoi. On me répond, en disant bonjour cette fois, que c’est une réponse automatique qui part à chaque contact tant que le dossier n’est pas traité. Effectivement, le même message est renvoyé juste après ce contact. Psychologiquement, ça joue. Et si je n’avais pas eu la démarche de demander après mes droits en croyant que ce message était « vrai » ?"Les fêtes passent, la fin du mois aussi Le kiné accepte de poser le chèque des séances plus tard parce qu’il comprend la situation. On est le 5 janvier et toujours pas de nouvelles. J’appelle."

« Vous comprenez, il y a eu les fêtes. »

"Ouais, mon grand, je comprends bien, d’ailleurs j’aurais bien aimé toucher mes sous de décembre pour faire des plus beaux cadeaux ou acheter une bonne bouteille en plus du cadeau quand j’ai été invitée chez ma copine  pour le jour de l’an sans me retrouver à découvert… Seulement, c’était pas possible.Plus d’un mois après mon inscription, toujours rien à l’horizon. Mi janvier, je reçois mon dossier complet. Une attestation coince (...)Ce serait une photocopie et pas l’originale."

"Forte de ma bonne foi, je renvoie tout le dossier (les timbres ne sont pas remboursés, bien entendu) avec une photocopie de l’attestation, explication à l’appui « sur la photocopie, on ne voit pas très bien le cachet alors qu’on le voit très bien sur le document précédemment envoyé, ce qui prouve bien qu’il s’agit de l’original. »"

"Comme d’habitude, le traitement prend 15 jours, voire plus et là, impossible de payer le loyer. Je me retrouver à manger pâtes, pommes de terre, riz, lentilles et pois cassés à tous les repas. Je descends peu à peu les stocks. Parfois je saute aussi des repas. Comment faire autrement ? Mais même avec ça, impossible de payer le loyer. Les lenteurs administratives de Pôle Emploi vont me mettre à la rue.  Je pense à ceux qui ont des enfants à nourrir. Comment font-ils ? Peut-être qu’ils vont s’immoler devant un pôle emploi…"

"Une seconde fin de mois passe, un second prélèvement pour le loyer.J’ai été sauvée de justesse par Marilyne, une collègue de travail (...) Ce n’était que l’affaire de quelques jours puisque je venais de renvoyer ce dossier.Alors je me suis assise sur ma fierté et j’ai pris le chèque."

"J’ai pu payer le loyer, refaire les stocks de riz et rajouter des carottes dans la purée. Mais rien n’était encore joué. Fin janvier passe, toujours pas de signe de vie de Pôle Emploi jusqu’à ce courrier. Encore une fois, une énorme enveloppe, mon dossier complet. Cette fois-ci, il est précisé (non, il ne pouvaient pas le faire dans le précédent envoi, voyons…) que l’attestation  doit être signée de la main de la responsable RH, toute attestation doit être signée…(...) on n’a qu’à l’enlever du dossier, les autres attestations suffisent à me faire accéder à mes droits.Oui, ce sont MES DROITS auxquels on me refuse l’accès, l’argent issu de MES COTISATIONS SOCIALES prélevées sur MES FICHES DE PAIE."

Non, c’est Pôle Emploi qui décide et Pôle Emploi veut un gribouillis de la dame

"Je prends le téléphone, sans grand espoir et appelle la responsable du personnel (...). Surprise, elle « comprend tout à fait » et je passe quand je veux« entre 8h30 et 20h, je suis toujours là… » Enfin quelqu’un de sympa dans toute cette histoire de paperasse administrative alors que je suis au bord de la crise de nerfs.(...)

Rétroactivité zéro

"Je me confonds en excuse, lui expliquant de nouveau la situation. Elle me sourit (Madame, je vous kiffe). Elle me raconte qu’elle en voit passer très souvent des comme moi. En fait, devoir présenter des attestations signées est assez récent. (...) Pôle Emploi est hors du temps et même si ton attestation t’a été délivrée il y a quelques années à l’époque où ce papelard n’était pas hors la loi, et bien il doit correspondre aux critères d’aujourd’hui. Quid des boites qui ont fermé et dont on ne retrouvera ni tampon ni RH ? Leur dossier est bloqué ? Ils ont un refus sans plus d’explication ? Parce que oui, les 15 jours de délai maximum, c’est un peu court pour retrouver un RH perdu, non ? Et si la boite était dans une ville loin d’ici ? J’aurais du payer un aller-retour en train pour faire signer mon RH ?"

"La dame sourit, donne un coup de tampon sur le papier, attrape un stylo pour signer, puis se ravise. « Ah, non, attendez, je vais prendre un stylo bleu, comme ça, ils ne pourront pas vous dire que c’est imprimé et vous faire encore des problèmes. »Alors elle a signé en bleu."

"Je suis ressortie, je souriais aussi. Je me disais que j’aurais du lui apporter une boite de chocolats, à Madame RH. Je suis retournée à la poste le lendemain avec mon gros dossier, mon timbre cher et mon espoir sous le bras. Des fois que, en février, je puisse enfin toucher mon argent.Entre temps, j’ai retrouvé du travail, sans l’aide de Pôle Emploi qui pratique aujourd’hui les entretiens téléphonique pour ne plus recevoir les chômeurs. J’ai trouvé un boulot qui me plait où j’apprends plein de trucs avec toute une équipe qui vous tire vers le haut."

La guerre est finie

"Nous sommes le 15 février et je viens juste de recevoir un message me disant je vais accéder à mes droits… de décembre. La guerre est finie. J’ai gagné sur tous les plans, mais j’en sors lessivée, un peu plus consciente de là où se trouvent mes amis. La guerre… Aujourd’hui, il faut lutter pour accéder à ses propres droits. Combien n’en n’ont pas la force morale ?"

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