Obtenir une commission d’enquête, c’est une chance au tirage, une chance au grattage<!-- --> | Atlantico.fr
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Le ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin, lors de son audition par la Commission des lois de l'Assemblée nationale, le 19 juillet 2023, sur sa gestion des émeutes.
Le ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin, lors de son audition par la Commission des lois de l'Assemblée nationale, le 19 juillet 2023, sur sa gestion des émeutes.
©EMMANUEL DUNAND / AFP

Chroniques parlementaires

Une fois par session ordinaire, chaque groupe d’opposition, ou groupe minoritaire de la majorité, à le droit de demander une commission d’enquête.

Samuel Le Goff

Samuel Le Goff

Ancien assistant de députés, ancien journaliste parlementaire et aujourd'hui consultant, Samuel Le Goff fréquente le palais Bourbon et ses environs depuis 20 ans.

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Les commissions d’enquêtes sont très faciles à créer à l’Assemblée nationale. Si l’objet entre dans le cadre prévu (elles portent sur des politiques publiques, et ne peuvent pas traiter de sujets où la justice enquête déjà), un simple vote suffit. Une proposition de résolution est déposée, examinée en commission puis en séance publique, et la commission peut se mettre au travail.

Dans les faits, c’est un peu plus compliqué, car pour que le vote soit positif, il faut que la majorité soit d’accord. Or, une commission d’enquête risquant de gêner le gouvernement, elle est rarement d’accord, à moins de subir une importante pression politique et médiatique. Pendant longtemps, l’outil n’a que peu servi, au point que l’une des grandes avancées de la réforme constitutionnelle de 2008 a été la création d’un droit de tirage.

Une fois par session ordinaire (sauf la dernière année de la législature), chaque groupe d’opposition, ou groupe minoritaire de la majorité, à le droit de demander une commission d’enquête. Si elle respecte les conditions de recevabilité, la majorité n’a pas le droit de s’y opposer sur l’opportunité. Mais ce nouveau système n’a pas supprimé, pour autant, la procédure ordinaire. Rien n’interdit à un groupe parlementaire de faire usage de son droit de tirage, puis ensuite, de demander une autre commission d’enquête par la voie ordinaire. C’est ce que le groupe LFI vient d’obtenir ce 28 novembre.

En juin 2022, un scandale a éclaté à la suite de la mort d’un jeune enfant dans une crèche. Un rapport de l’Inspection générale des Affaires sociales, rendu en mars 2023, a montré que le problème est structurel, ce qui a amené le groupe LFI à demander une commission d’enquête déposée le 24 avril, dans un contexte de forte médiatisation. Le groupe LFI ayant déjà utilisé son droit de tirage (pour une commission d’enquête sur les UberFiles) l’affaire en est resté là. Toutefois, la pression politique et médiatique restant forte, à la rentrée, la majorité a été obligée de concéder la création d’une commission d’enquête transpartisane, mais en renvoyant son examen à la fin du mois de novembre, après le budget.

La majorité, sentant le danger, s’arrange pour qu’une mission flash soit lancée dans le cadre de la délégation aux droits des enfants. Le but est que le rapport sorte avant la fin novembre, afin de désamorcer le sujet, en montrant qu’une commission d’enquête serait inutile, puisque le travail avait déjà été fait. Même si le rapport a été publié le 8 novembre, la manœuvre a échoué, car l’opposition a demandé que l’engagement d’inscrire la résolution de création d’une commission d’enquête à l’ordre du jour soit tenu.

Entre-temps, le groupe LFI s’est empressé, dès le 17 octobre, d’utiliser son droit de tirage pour une commission d’enquête, ultra-politique, sur les attributions de fréquences aux chaînes de télévision de la TNT, et la manière dont l’Arcom y fait la police.

Le processus pour les crèches est lancé, alors même qu’il n’est plus possible de pousser le groupe LFI à utiliser son droit de tirage sur ce sujet. La majorité gouvernementale n’ayant qu’une majorité relative, elle est à la merci d’une convergence des oppositions, qui a eu lieu sur ce dossier des crèches. Même si l’exposé des motifs de la proposition LFI a donné quelques aigreurs aux élus LR, ils l’ont quand même voté en commission. Lors de l’examen en séance publique, le groupe LR décide finalement de voter contre, mais c’est le groupe Horizons, en votant pour, qui fait passer la création de la commission d’enquête, par 178 voix contre 161 !

Le groupe LFI ne semble pas vouloir s’arrêter là, car il a inscrit, en première position dans sa niche du 30 novembre, une demande de commission d’enquête sur la gestion par l’Etat des risques naturels majeurs en Outre-Mer. Un sujet techniquement recevable et absolument pas polémique. Il va être intéressant de voir comment le gouvernement et la majorité vont gérer ce texte, pour éviter que LFI ne décroche trois commissions d’enquête en moins de deux mois.

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