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La mise au vote des amendements est un enjeu plus politique que législatif.
La mise au vote des amendements est un enjeu plus politique que législatif.
©Bertrand GUAY / AFP

Chroniques parlementaires

Chaque texte de loi comporte son lot d’amendements dont le but est de demander au gouvernement de rendre un rapport sur un sujet précis.

Samuel Le Goff

Samuel Le Goff

Ancien assistant de députés, ancien journaliste parlementaire et aujourd'hui consultant, Samuel Le Goff fréquente le palais Bourbon et ses environs depuis 20 ans.

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Depuis plusieurs années, chaque texte de loi charrie son lot d’amendements dont le but est de demander au gouvernement de rendre un rapport sur un sujet précis. Cela devient parfois très envahissant : plus d’une centaine de ces amendements ont été déposés en séance à l’Assemblée, sur le projet de loi Industrie verte, examiné en ce moment.

Cela suscite des réactions diverses, qui vont de l’amusement au franc agacement. Le rapporteur du projet de loi Industrie verte, Guillaume Kasbarian a déposé un amendement pour se moquer du phénomène, où il demande au gouvernement de faire rapport, sur tous les rapports qui ont déjà été rendus, afin de ne pas perdre de temps à discuter d’amendements demandant des rapports qui sont déjà disponibles !

Les sénateurs sont beaucoup plus durs, et suppriment en masse de telles dispositions quand elles sont adoptées par les députés. Ils partent du principe que si un sujet est intéressant, les assemblées parlementaires ont les moyens de faire eux-même les rapports, sans avoir à les demander au gouvernement. Cela ne les empêchent pas d’en déposer de temps à autre, mais bien moins que les députés.

Tout est fait pour décourager ces amendements. Ils sont bien entendus soumis aux règles de recevabilité, et sont éliminés si le rapport n’a pas de lien avec le thème du texte de loi étudié. Plus insidieux, mais plus efficace aussi, ces amendements de demande de rapports sont systématiquement renvoyés à la fin du texte. Cela oblige ceux qui les déposent à rester jusqu’à la fin des débats s’ils veulent les défendre. Si l’auteur d’un amendement n’est pas présent dans l’hémicycle au moment où son amendement est évoqué, il est considéré comme “non soutenu” et n’est pas discuté.

Cela n’empêche pas ces amendements de continuer à proliférer, même si le taux de remise des rapports reste faible (entre 21 et 36%) selon les années. Il y a en effet beaucoup d’avantages à déposer de tels amendements.

Ils ne sont pas compliqués à rédiger, et permettent d’évoquer des sujets qui ne pourraient pas être discutés en hémicycle. On peut ainsi contourner les règles de recevabilités financières (qui interdisent à un parlementaire d’augmenter les dépenses ou baisser les recettes publiques) ou encore de soulever des points qui ne relèvent pas de la loi, et où il n’existe pas de texte législatif où raccrocher un amendement. Si on veut quand même interpeller politiquement le gouvernement (sans avoir à passer trop de temps sur une rédaction technique), il faut bien trouver un subterfuge et celui-ci fonctionne plutôt bien..

Le but premier de ces amendements de demande de rapport n’est donc pas d’être adopté,mais d’obtenir une prise de position publique du gouvernement, avec une réponse du ministre dans l’hémicycle. C’est une forme détournée de question, et la mise au vote de ces amendements est un enjeu plus politique que législatif. Quand ils sont adoptés, c’est un message envoyé par les parlementaires au gouvernement, indiquant qu’il faut se pencher sur le sujet, de préférence en le traitant au fond, et pas juste en rendant un rapport…

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