La génération Z est la plus verte de toutes sauf sur un point… et pas des moindres<!-- --> | Atlantico.fr
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Des jeunes participant à une marche pour le climat.
Des jeunes participant à une marche pour le climat.
©JASPER JACOBS / BELGA / AFP

Atlantico Green

La génération Z est très préoccupée par le réchauffement climatique. Pourtant l'un de ses modes de consommation est potentiellement très néfaste pour l'environnement.

Jean-Paul Oury

Docteur en histoire des sciences et technologies, Jean-Paul Oury est consultant et éditeur en chef du site Europeanscientist. com. Il est l'auteur de Greta a ressuscité Einstein (VA Editions, 2022), La querelle des OGM (PUF, 2006), Manifester des Alter-Libéraux (Michalon, 2007), OGM Moi non plus, (Business Editions, 2009) et Greta a tué Einstein: La science sacrifiée sur l’autel de l'écologisme (VA Editions, 2020).

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Atlantico : Sil est une génération qui semble plus préoccupée par le dérèglement climatique que les autres, cest bien la fameuse Génération Z. Celle-ci est de toutes les marches pour le climat et sinquiète de linaction écologique des gouvernements à travers le monde. Pour autant, nombreux sont ses membres et ses représentants qui demeurent adepte de la "fast fashion", laquelle repose sur une production de vêtements en masse, peu chers et potentiellement très néfaste pour l’écologie. Ne sagit-il pas là dun étrange paradoxe, à tout le moins ?

Jean-Paul Oury : Que la jeunesse soit remplie d’idéaux et qu’elle adopte une attitude contraire à ses aspirations cela n’a sans doute rien de nouveau et c’est même ce qui la définit. La réaction contre la société de consommation et contre les gadgets remonte aux années 70. Les manifestations des soixante-huitards contre la-dite société de consommation n’a pas empêché la suprématie de celle-ci et, fait paradoxal, ceux qui s’y sont opposés le plus y ont participé activement. A l’époque les motivations idéologiques étaient d’origine marxistes. Aujourd’hui, les aspirations sont liées à l’écologisme (défini ici comme idéologie politique).

Pour comprendre il faut s’interroger sur la particularité de cette génération Z dont vous parlez. Je dirais tout d’abord que née dans un monde totalement digitalisé, elle est entourée de prothèses algorithmiques qui lui permettent d’aller plus vite que ses ancêtres - ce d’autant plus qu’elle les maitrise plus facilement - mais qui la handicapent par rapport à son emprise sur le monde réel et lui font croire que tout doit lui être donné tout cuit dans la bouche. Au lieu de se confronter à l’effort, elle va spontanément avoir recours aux outils que lui fournissent le digital pour obtenir ce qu’elle demande et ce phénomène ne fera que s’accroître avec des outils de type ChatGPT… c’est ainsi, par exemple, que chaque année des jeunes lancent des pétitions en ligne pour se plaindre de la difficulté des épreuves du baccalauréat et revendiquer un passe-droit. Il n’y a même plus l’effort de tenir un sit-in comme en 68 pour obtenir l’examen. On peut voir dans ce genre de démarches revendicatives le symptôme d’une coupure avec la réalité et le refus de se frotter à celle-ci…Difficile dans ces conditions de se dire qu’on va faire émerger une nouvelle classe de génies : imagine-t-on une Marie Curie lançant une pétition pour qu’on l’aide à découvrir le polonium ? Le plus grave pour cette génération est qu’elle incarne parfaitement le mauvais serviteur de la parabole des Talents du Nouveau Testament (voir Greta a ressuscité Einstein). On en trouve une bonne illustration dans les mouvements des diplômés des jeunes écoles, inaugurés par les « bifurqueurs » d’Agro-Paris-Tech qui choisissent délibérément de ne pas mettre leurs diplômes au profit de la société. Rappelons au passage que c’est cette parabole qui a inspiré Kant dans le Fondement de la métaphysique des mœurs. Le philosophe allemand décrit le cas où un homme « trouve en lui un talent qui, grâce à quelque culture, pourrait faire de lui un homme utile à bien des égards. Mais il se voit dans une situation aisée, et il aime mieux se laisser aller au plaisir que sefforcer d’étendre et de perfectionner ses heureuses dispositions naturelles.»

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Cette analyse sommaire de ses présupposés idéologiques nous montre que cette génération Z dont vous nous parlez ne semble pas se donner les moyens de ses ambitions, ce qui rend son comportement paradoxal. Elle crie sur tous les toits qu’il faut agir maintenant pour le climat, qu’on n’en fait pas assez, qu’il nous reste que quelques années etc (quand elle ne fait pas d’action terroriste)… et se faisant, elle privilégie un argumentaire typique de récupération de la science par la politique : car il s’agit ici d’un sophisme qui consiste à invoquer systématiquement la démesure, au lieu de se plonger véritablement dans la science et réfléchir aux solutions effectives qui lui permettront d’atteindre son idéal.

Alors, rattrapée par le principe de réalité et bien obligée de s’habiller, votre génération Z se retrouve sans le sou pour pouvoir incarner ses idéaux….et « victime » de la « Fast Fashion » qu’elle exècre…. Mais elle devrait alors peut-être revoir ses ambitions et soit se donner les moyens d’atteindre ses idéaux en inventant de nouveaux moyens de révolutionner lindustrie vestimentaire, soit s’estimer heureuse qu’il y ait des entrepreneurs géniaux pour lui apporter des vêtements à la mode peu chers.

Que traduit, selon-vous, ce genre de paradoxe dans le rapport à la consommation quentretiennent les membres de la Génération Z dont certains figurent dailleurs parmi les plus fervents défenseurs de la décroissance ? Quest-ce que cela peut dire de leur rapport au confort personnel ; à ce que lon doit être prêt ou non à sacrifier pour le bien de la planète ?

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Comme je viens de le rappeler les membres de la générations Z se heurtent au principe de la réalité et notamment au fait qu’aucune société ne peut se passer de mobile économique. Or la décroissance est sans doute l’un des pires présupposés de l’écologisme, d’autant plus qu’il est toujours présenté comme l’antidote d’une vision simpliste d’un capitalisme entaché de clichés. N’oublions pas que pour 2 milliards d’individus dans le monde, croître c’est encore tout simplement passer d’un mode de chauffage (ou de cuisson de son alimentation) à base de bouses séchées, ou de charbon de bois au charbon, voire, pour les plus chanceux à l’électricité. Insuffler dans l’esprit de nos jeunes cerveaux qu’ils doivent impérativement adopter des attitudes sacrificielles pour sauver la planète est donc une aberration que seule une idéologie politique peut imaginer. Et c’est le cas, puisque nous disposons désormais d’une science auto-proclamée la collapsologie qui a posé pour principe premier que notre civilisation était mauvaise et en manipulant le cherry picking de catastrophes, démontrer ce présupposé. Dans Greta a ressuscité Einstein je montre comment la collapsologie relève de l’idéologie (et non de la science) et comment elle débouche sur une Collapsocratie :un régime qui applique certaines règles pour arriver plus vite à la catastrophe.

Cela peut d’ailleurs être tout à fait piloté par la mise en place d’un algorithme qui nous détournerait de nos aspirations consuméristes. Il y en existe certains qui sont déjà tout à fait au point. La société suédoise Doconomy a mis en place un lifestyle simulator qui permet de mesurer notre empreinte carbone. Ils envisagent d’implémenter ce système dans les cartes de crédit ce qui permettrait aux Etats de mettre en place une forme de ticket de rationnement virtuel. Ainsi, ce simulateur de comportement quotidien vous délivre une note après que vous ayez renseigné différentes questions : votre pays d’origine, l’énergie que vous utilisez, votre mode de transport … et ce qui nous intéresse ici particulièrement « votre style vestimentaire » la question étant « achetez-vous des vêtements neufs ou d’occasion ?». Ceux qui choisissent la seconde alternative ayant une empreinte inférieure et donc une meilleure note. J’ai démontré que l’algorithme en question comportait des biais méthodologiques et idéologiques. Notamment la croyance évoquée plus haut qu’il est vertueux de privilégier les attitudes sacrificielles afin de décroître. Tout d’abord rien de me dit que les-dites attitudes seront efficaces (comme l’ont montré de nombreux auteurs, il y a toujours un effet rebond) Ensuite la décroissance passant par l’abandon des mobiles économiques mènera la société qui choisis cette voie, à la pauvreté, et aura pour conséquence une moins grande faculté d’adaptation à notre environnement et une moins grande capacité de prendre soin de celui-ci. Tout le contraire du but recherché.

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Enfin une petite note philosophique : pour revenir au sujet vestimentaire on voit à quel point le débat actuel, à vouloir réduire tous les enjeux à des quotas d’émission de CO2, souffre d’hyper-matérialisme. En effet, le costume ou la robe que l’on porte devraient pouvoir continuer de faire sens et d’évoquer des valeurs esthétiques et non être réduits à une variable climatique. Je pense que ce réductionnisme voulu par la Climatocratie est vraiment dangereux, car cela contribue à affaiblir le spectre des valeurs et donc du sens… ce qui nous mène vers des comportements absurdes et une forme de nihilisme.

Sur le plan politique, pensez-vous que ce type de comportement est susceptible de fragiliser la crédibilité de leur combat ? Certains dentre eux ont-ils identifié un tel problème ?

L’auteur qui montre le plus l’absurdité d’un tel combat c’est sans doute Bjorn Lomborg. Le statisticien danois auteur du sceptique résolu (2004) et du plus récent False Alarm (2020) pose la question qui tue : « voulez-vous vous faire du bien ou voulez-vous faire le bien ? » Sachant que selon lui ceux qui veulent se faire du bien font du signalement de vertu (vertu signaling) en adoptant des attitudes sacrificielles sans se poser la question de savoir si cela contribue vraiment à faire le bien. Or la thèse principale de Lomborg est que les politiques climatiques coutent des fortunes et qu’on n’a jamais fait d’études coûts bénéfices pour calculer leur rentabilité. La conséquence terrible de cette zone d’ombre étant qu’on a sacrifié de nombreuses politiques humanitaires. Dans un podcast enregistré avec le psychologue canadien Jordan B Peterson, il a listé 12 chantiers prioritaires pour lesquels l’argent investi pourrait avoir un rendement efficace et générer des avantages pour l’humanité et la planète… Pour n’en citer que quelques-unes : luter contre la mortalité infantile en équipant les maternités, apporter des tablettes tactiles dans les écoles des pays les plus démunis, soigner la tuberculose…. les jeunes de la génération Z qui se cherchent devraient se pencher sur ces douze causes… Ca a tout de même une autre allure que d’imaginer sauver la planète en enfilant son pantalon… il ne faudra pas s’étonner qu’un jour alors on reproche à cette génération de n’avoir rien fait de concret à part dessiner des pancartes et saccager des œuvres d’art.

Est-il possible de produire autrement, en matière vestimentaire ? Sommes-nous contraints de polluer ainsi ou des alternatives existent-elles ?

Personnellement je fais confiance aux entrepreneurs (industriels ou agriculteurs) et aux ingénieurs et pas aux politiques pour mettre en place une filière responsable et optimisée pour produire des vêtements, tout en préservant lenvironnement. Je ne vous citerai qu’un exemple : les australiens cultivent du coton BT depuis 1996… Aujourd’hui 99% du coton australien est génétiquement modifié. Et l’introduction de ce coton qui produit lui même son propre insecticide « BT » (pour Bacillus thurengiensis, un insecticide employé dans l’agriculture bio) a eu pour conséquence la baisse de 97% des insecticides depuis 1992. Le coton en question a comme principaux traits qu’il est à la fois résistant aux herbicides et produit son propre insecticide contre la chenille nuisible Helicoverpa… Ainsi les agriculteurs ont une empreinte carbone moins importante, puisqu’ils utilisent moins leurs tracteurs pour arroser leurs champs avec des intrants, ce qui leur procure un meilleur rendement également. Les avantages de cette technologie sont environnementaux, sociaux et économiques … Une technologie qui devrait redonner foi en la science et en la technologie à notre génération Z… encore faut-il bien évidemment que celle-ci ait envie de s’en sortir et qu’on lui donne la possibilité de le faire sans l’endoctriner en lui laissant croire qu’elle fait du bien à la planète en achetant des vêtements tissés avec du coton bio non OGM…

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