La France a deux incroyables talents : un pour innover et un autre pour mettre des bâtons dans les roues de ceux qui le font<!-- --> | Atlantico.fr
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La France a de très bons chercheurs et les relations avec les entreprises se passent beaucoup mieux qu'il y a dix ans.
La France a de très bons chercheurs et les relations avec les entreprises se passent beaucoup mieux qu'il y a dix ans.
©Reuters

Le Nettoyeur

Le groupe informatique américain Adobe va racheter l'entreprise française de haute-technologie Neolane pour 600 millions de dollars, soit 460 millions d'euros.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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Le rachat de la startup française Neolane pour plusieurs centaines de millions d'euros par le géant américain du logiciel Adobe prouve aux broyeurs de noir -dont votre auteur fait parfois partie - qu'il y a encore en France des ressources d'innovation et d'entrepreneuriat inespérées.

Cette opération est certainement une bonne chose pour la France et pour toutes les parties en question. Mais les unes donnent l'impression que ce genre d'évènements arrivent en isolation, alors que toute économie d'innovation est en réalité un système complexe et délicat, avec de nombreux éléments à prendre en compte. Si cet événement nous rappelle les bénéfices d'une économie d'innovation, il devrait aussi nous rappeler pourquoi il est essentiel de s'orienter dans une telle direction.

Voici les éléments principaux pour un bon écosystème entrepreneurial :

    • Une forte densité de gens talentueux et motivés. Les entreprises ce sont avant tout des femmes et des hommes qui collaborent ensemble. Et pour innover, il faut du talent. Le paradoxe français est que nous avons beaucoup de capital humain et produisons des gens très compétents, mais nous faisons tout pour mal les employer. Nous encourageons l'aversion au risque par un marché du travail trop rigide. Nous rendons difficile le fait de s'établir en ville en gardant l'offre immobilière artificiellement insuffisante. Nous maintenons la taille de nos grandes écoles à portion congrue, nous n'investissons pas dans l'enseignement du 21ème siècle, et nous exilons nos meilleurs établissements en banlieue au lieu de les garder au cœur de Paris. Avec tous ces obstacles, c'est un petit miracle à chaque fois que quelqu'un rejoint une startup.
  • La recherche. Là, la France ne s'en sort pas mal, bien qu'il y ait - évidemment - une marge de progrès. Nous avons de très bons chercheurs. Les relations avec les entreprises se passent beaucoup mieux qu'il y a dix ans.
  • Des acquéreurs. Une économie entrepreneuriale, on le verra ci-dessous, c'est une économie où le capital circule : où le succès d'une entreprise va en financer beaucoup d'autres en enrichissant les entrepreneurs et investisseurs. Pour cela, le rôle des acquéreurs de startups est essentiel, en rajoutant de la liquidité dans le système. C'est un gros déficit en France. Nos entreprises hexagonales ont absolument peur de toute innovation, bloquées qu'elles sont dans la logique d'un capitalisme d'héritiers, et ayant été amochées par la bulle internet. Et les acquéreurs étrangers potentiels sont dissuadés par nos réglementations (et, parfois, nos ministres).
  • Du capital qui circule et qui a envie de prendre des risques. Avec le talent, c'est l'élément essentiel. Je l'ai gardé en dernier, parce que c'est celui où la France a le plus de problèmes. Le capital, c'est le carburant de l'économie, mais particulièrement de l'économie entrepreneuriale et d'innovation : tout l'objectif est de prendre des risques, et pour cela il faut des investisseurs qui soient prêts à prendre des risques. Un des apporteurs de capitaux sont les acquéreurs dont on a vu qu'ils sont trop peu présents. Un autre apporteur potentiel est les marchés financiers. L'Etat aussi pourrait jouer un rôle en récompensant les innovations de rupture. Un autre apporteur sont bien sûr les business angels, si essentiels parce qu'ils sont au tout début. Mais le problème est qu'en France tout est fait pour éloigner le capital de la prise de risque. La forme d'investissement la plus récompensée par le code des impôts est l'immobilier. Et oui, les impôts sur les plus-values dissuadent des investissements risqués. Comprenez-moi bien : il y a une différence entre le capital qui prend des risques et le capital qui cherche des rentes. En France, on subventionne la rente en disant du mal du capital et on refuse d'encourager le capital qui prend des risques parce qu'on pense que le capital c'est mal (alors même qu'on subventionne la rente). L'ISF pourrait être un outil pour encourager le capital qui prend des risques parce qu'il impose un stock et pas un flux, mais pour cela il faudrait arrêter d'exempter les investissements non productifs et imposer moins les flux afin justement de créer cette circulation. Nous avons un cercle vicieux où seul le capital rentier est rentable ce qui fait que personne ne veut prendre de risques ce qui fait qu'il n'est pas rentable de prendre des risques, ce qui fait que seul le capital rentier est rentable.

L'acquisition de Neolane montre que la France a un énorme potentiel dans l'économie entrepreneuriale. Il ne faut pas l'oublier. Mais il faut aussi garder à l'esprit les bâtons que nous nous mettons dans les roues.

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