L’éternel retour des lois de simplification<!-- --> | Atlantico.fr
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Le gouvernement vient de présenter un projet de loi de simplification.
Le gouvernement vient de présenter un projet de loi de simplification.
©LUDOVIC MARIN/ POOL / AFP

Chroniques parlementaires

Le gouvernement vient de présenter un projet de loi de simplification. Une thématique récurrente dans le débat public, qui se retrouve dans une production législative abondante, avec des cures d’amaigrissement régulière, mais dont l’effet concret semble limité.

Samuel Le Goff

Samuel Le Goff

Ancien assistant de députés, ancien journaliste parlementaire et aujourd'hui consultant, Samuel Le Goff fréquente le palais Bourbon et ses environs depuis 20 ans.

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Le sujet est ancien et récurrent, avec des rapports qui se succèdent depuis au moins les années 1990, avec un premier rapport du Conseil d’Etat en 1991, puis un autre en 2016. Toute une littérature s’est développée sur l’inflation législative et normative, décrite et décortiquée, avec un dernier avatar qui vient de paraître ce mois-ci, “L’inflation normative”. Ecrit par un conseiller, Christophe Eoche-Duval, il revient longuement sur les symptômes quantitatifs et le coût de cette dérive. 

Le plan présenté par Bruno Le Maire le 24 avril, avec notamment un projet de loi, n’est donc qu’une étape, presque rituelle par sa ponctualité, dans la longue chaîne de la simplification du droit. 

Beaucoup d’éléments, dans notre système juridico-administratif, concourent à cet alourdissement et à cette complexification. La toute-puissance du pouvoir exécutif laisse libre cours à l’administration, dont une partie de l’activité, et de la raison d’être, est de produire des normes. La demande est d’autant plus importante que la France est marquée par un culte de la loi, où le moindre fait divers appelle une loi, quand bien même le sujet est déjà traité par le droit existant. Le dernier exemple en date est la proposition de loi sur la discrimination capillaire, qui a permis un débat très politique sur les discrimination vécue par les personnes ayant des coiffures “Afro”, mais qui ne rajoute strictement rien au droit déjà existant. 

Ce constat a déjà amené de nombreux rapports législatifs, en particulier au Sénat, très attentif à tout ce qui peut perturber le fonctionnement des collectivités locales et grever leurs budgets. Le dernier en date est paru le 26 janvier 2023, sous la plume de Françoise Gatel et Rémy Pointereau, de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat. Les députés ne sont pas en reste, avec un rapport encore plus récent (15 février 2024) de Louis Margueritte, axé sur les simplifications à destination des entreprises. 

Les textes législatifs sont aussi nombreux. Entre 2007 et 2012, sous la houlette de Jean-Luc Warsmann, alors président de la commission des Lois de l’Assemblée. Ces propositions de loi, véritables fourre-tout, sont devenues à chaque fois, au fil des débats, de véritables monstres législatifs. Le deuxième texte, en 2011, comprenait 200 articles à la sortie, et celui de 2012, 134. Lors de la précédente législature, Guillaume Kasbarian (aujourd'hui ministre du Logement) avait porté un texte dont l’acronyme “ASAP” (pour accélération et simplification de l’action publique) résume bien l’état d’esprit. 

Derrière un aspect très technique, la simplification du droit est en fait un sujet hautement politique. Si des normes ont été mises en place (et votées par les députés), c’est parce qu’il y avait de très bonnes raisons. L’excuse de la complexité est parfois le masque d’une tentative pour les détricoter. Le projet de loi relatif à l’agriculture, qui va bientôt être discuté par les députés, contient quelques articles où, sous couvert de simplification, on revient sur un certain nombre de normes protégeant l’environnement ou la biodiversité, qui ont pour tort de rendre plus difficile ou coûteuse l’activité des agriculteurs. 

Si la volonté semble évidente, les résultats ne sont pas nécessairement au rendez-vous, car il est arrivé que les lois de simplifications aient créé de nouvelles complexités. Ainsi, lors de l’examen d’une proposition de loi portée par Jean-Luc Warsmann, une réécriture d’articles du code pénal a eu pour effet d’empêcher de dissoudre l’église de scientologie, cette peine ayant été malencontreusement supprimée sans que personne ne le remarque, sauf le juge chargé d’instruire un procès en escroquerie contre cette secte, qui n’a pas pu prononcer sa dissolution.

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