Esther Duflo (sans t) : la nouvelle star de l'équipe d'Obama<!-- --> | Atlantico.fr
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Esther Duflo, spécialiste mondiale de la pauvreté, va conseiller Obama sur le développement.
Esther Duflo, spécialiste mondiale de la pauvreté, va conseiller Obama sur le développement.
©DR

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Un pays obnubilé par l'exil fiscal de Depardieu à l'est n'a pas vu partir Esther Duflo à l'ouest. Cette économiste française spécialiste des politiques de réduction de la pauvreté vient d'intégrer l'équipe de Barack Obama comme conseillère pour le développement.

Le blog L'avenir n'attend pas annonce la promotion avec quelques regrets de voir fuir un nouveau cerveau. "Esther Duflo, citée maintes fois par L’avenir n’attend pas pour sa contribution décisive à la réflexion sur le genre et sur l’innovation sociale, entre à la Maison Blanche où elle va conseiller le président des Etats-Unis. Tant mieux pour Barack Obama, et dommage pour la politique française".

En France, Esther Duflo(1 158 J’aime sur Facebook) est beaucoup moins connue que Cécile Duflot(12 940 J’aime), mais cette chercheuse en économie était déjà avant sa nomination à la Maison Blanche une  jeune star (moins de 40 ans) de l'économie du développement, une franc-tireuse dont on peut écouter les conférences au Collège de France sur iTuneet dont le cœur de spécialité est : les pauvres.

Le journal du MIT, son université, égrène d'abord un luxueux parcours de chercheuse : "Duflo est une économiste de réputation internationale, dont les travaux ont contribué à changer la façon dont les gouvernement et les organisations de coopération font face à la pauvreté dans le monde. Son travail révolutionnaire, utilisant des essais aléatoires pour déterminer quelles politiques sociales fonctionnent le mieux pour diminuer la pauvreté a reçu de nombreuses distinctions. Tout récemment, elle a été nommée l'une des "Top 100 penseurs” de 2012 par Foreign Policy magazine. Ses autres prix comprennent la médailleJohn Bates Clark  (2010), une bourse MacArthur (“genius grant” 2009), et le prix du livre de l'année du Financial Times/Goldman Sachs (2011), pour Repenser la pauvreté  (avec Abhijit V. Banerjee, également professeur d'économie au MIT).

La diplômée de Normale Sup' pourrait devenir très vite une chouchou de la haute administration américaine, parce qu'elle est nature et très frenchie. Dans sa conférence TED (vidéo ci-dessous), elle l'annonce sans complexes : "Je suis petite et je parle (anglais) avec un fort accent français".


Vidéo de la conférence TED de Esther Duflo (sous-titrage disponible en français)

La méthode Duflo

Que préconise-t-elle en économie ? De tenter des expériences contre la pauvreté (à la manière des laboratoires pharmaceutiques face à une nouvelle molécule), et de voir ce qui se passe en se voilant les yeux pour ne s'en tenir qu'aux faits et données des études. Qu'est-ce qui marche ? Qu'est-ce qui ne marche pas ? Le micro-crédit marche-t-il si bien que ça ? Non, dit-elle. Comment réduire les inégalités entre les sexes ?En favorisant les femmes, longtemps.

Les études de cas se sont multipliées pendant 15 ans autour du globe.  expliquela méthode Dufloet les résultats à contre-courant que l'équipe a obtenu. Par exemple : "Si les pauvres se trouvent en possession de plus d’argent, ils ne l’utiliseront pas pour acheter plus de nourriture, mais pour acheter des aliments qui ont plus de goût, comme des sucreries. Ce n’est pas pour des raisons religieuses que des parents n’amènent pas leurs enfants se faire vacciner, mais par manque de commodité et procrastination. Les limites du micro-entrepreneuriat ne viennent pas de l’incapacité des pauvres à penser stratégiquement mais de l’incompatibilité entre la rigidité du microcrédit (qui impose un système "zéro erreurs" à ses bénéficiaires)  et les risques inhérents à l’entrepreneuriat".

Gai-Assouline est ravi de la promotion de la chercheuse : "Elle préconise au contraire des mesures très simples et très petites, validées par une sorte de 'A/B testing'. Elle donne l’exemple d’une initiative pour immuniser les enfants au Rajasthan. Pour trouver le modèle idéal, elle a expérimenté 3 solutions de manière aléatoire sur une région donnée. Cela paraît simple mais personne n’avait appréhendé ce sujet avec autant de bon sens et de finesse."

Dommage qu'Hollande ne lui ai rien proposé

Sur le blog de François d'Alençon, sur le site de La Croix, un lecteur remarque : "Les grandes idées sont souvent étonnamment peu… révolutionnaires : E. Duflo doit sa notoriété à la mise en œuvre d’études randomisées pour tester les hypothèses économiques, ce que les scientifiques font depuis… la fin de la dernière guerre; étonnant, non ? Dommage qu’Hollande ne lui ait rien proposé ; il est vrai qu’elle n’a pas fait HEC !"

"La pauvreté peut être éradiquée" Photo Howard Lake

La nouvelle star a des détracteurs, aussi. Cédric Durand et Charlotte Nordmann ont écrit un article inquiet et critique sur cette vogue des tests grandeur nature de recettes de développement, Misère de l’économie du développement.

"Parce que Banerjee et Duflo conçoivent le 'développement' comme un processus univoque, et par essence positif, ils ne peuvent envisager qu’il puisse être la cause de la destruction de modes de vie qui étaient possibles avant l’intégration au capitalisme mondialisé (comme ils ne peuvent pas envisager le désastre écologique qu’il induit). Ce qui est constamment dénié ici, c’est la possibilité d’une économie de subsistance, qui ne passe pas par le marché globalisé, c’est le fait que la violence de l’exploitation ait pu être aggravée par la destruction de cette économie sous l’effet des politiques néolibérales, et par la transformation de la 'pauvreté' en 'misère' (...)".

Amaury Bessard regrette surtout que les moyens manquent, en France, pour se livrer à ces comparatifs aléatoires de politiques contre la pauvreté.

" Il me semble que cet état d’esprit est partagé par de nombreux acteurs issus de l’entrepreneuriat social. Toutefois, cette vision nécessite de déployer des moyens financiers et humains importants dans des dispositifs d’évaluation régulière des initiatives. En France, les dispositifs d’évaluation des expérimentations manquent souvent de ressources (financières, matérielles et/ou humaines) et sont les premières victimes des arbitrages budgétaires. La priorisation est alors donnée à la conception et à la réalisation du programme (voire à sa communication). L’évaluation et l’éventuelle optimisation de l’action sont alors relayées en arrière plan illustrant une nouvelle fois le règne du court-termisme dans nos prises de décision".

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