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COP24  : un échec écologique malgré la participation et les fonds alloués
©DAVID MCNEW / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Atlantico Green

Les négociations de la COp24, qui devaient s'achever vendredi, ont été prolongées d'une journée pour tenter de parvenir à un accord. Preuve que les négociations ont patiné face à la volonté des Etats d'obtenir des exemptions.

Jean-Pierre Riou

Jean-Pierre Riou

Jean-Pierre Riou est issu de l'Éducation nationale et s'est spécialisé dans la problématique des énergies renouvelables depuis plusieurs années. Après de nombreux échanges avec des spécialistes de la question, économistes, ingénieurs, chercheurs, experts, il a publié de nombreux articles, dans L'Expansion, la Revue de l'Institut de Recherche Économique et Fiscale (IREF Europe) et Contrepoints.

Jean-Pierre Riou tient également un blog.

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La  24ème Conférence des parties (COP24) vient de s’achever à Katowice, en plein cœur du pays minier de Haute-Silésie.

Deux enfants en resteront le symbole par leur lecture du vibrant Appel de Talanoa.

Dun côté Timosi Naulusala le petit fidjien dont l’État insulaire, symbolise les victimes du « réchauffement climatique » et de l’autre Hannah Wojdowska la petite polonaise dont le pays, dépend encore à 80% du charbon et se classe parmi les plus gros pollueurs.

C’est la République des Fidji qui avait initié le Dialogue de Talanoa, que conclut cet appel,  lors de la précédente Conférence  (COP 23) dont elle était l’hôte.

Et c’est sous la présidence polonaise de Michal Kurtika que repose la rédaction du Rulebook qui doit déterminer les modalités de mise en œuvre des ambitions de l’Accord de Paris.

D’un côté les accents lyriques de nature à débloquer les fonds, et de l’autre la pression du puissant syndicat de mineurs Solidarnosc dont la présence à Katowice manifeste l’opposition.

La déclaration de Silésie

Pourtant la Pologne vient d’effectuer un travail considérable pour réduire son charbon,  Katowice est le lieu d’une intéressante transition grâce à sa reconversion dans un tourisme original.

Et le message clé envoyé dès l’ouverture de la Conférence par son président Michal Kurtyka, est celui de la justice sociale en appelant les 196 pays participants à signer la « Déclaration de Silésie pour une transition juste et solidaire ».

Un échec malgré la participation et les fonds alloués

Cette Conférence aura été marquée par la participation massive des pays les moins avancés (PMA) au sein de laquelle la délégation de 406 participants guinéens est supérieure en nombre à celles des États-Unis, de l’Espagne, du Royaume Uni, de l’Italie et de la France réunis, comme l’indique la représentation des délégations.

La composition de ces délégations comporte plus de 1000 pages.

Un signal fort a été donné dès l’ouverture des débats, par la décision de la Banque mondiale de mobiliser 200 milliards de dollars pour le climat.

L’Accord de Paris avait entériné l’objectif collectif de mobiliser 100 milliards de dollars par an d’un financements public et privé, réputé aider les pays les plus pauvres à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) et à renforcer leur résilience aux conséquences d’un réchauffement du  climat. 

Et la COP24 marque le début d’une nouvelle campagne d’appel de fonds.

Mais trois ans après l’adoption de principe de l’Accord de Paris, le constat est sévère, avec des émissions reparties à la hausse en Europe.

Et le 5ème rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur le changement climatique (GIEC,) qui doit servir de base aux négociations, dénonce une situation alarmante.

Des négociations difficiles et un manque d’ambition

De nombreux blocages, notamment des États-Unis et des pays pétroliers, ont ralentit les débats  et des difficultés sont aussitôt apparues sur la façon de rédiger la prise en compte de l’alerte du GIEC. Un bras de fer entre États-Unis et Chine a prolongé les négociations, celle-ci souhaitant continuer à bénéficier de la flexibilité accordée aux pays en développement.

Rappelons que c’est à ce titre qu’avec 189 millions de tonnes de crédits carbone par an, la Chine bénéficiait encore en 2010 de 48% de leur volume mondial accordé, grâce au mécanisme de flexibilité de « développement propre » (MDP), qui permettait d’ailleurs aux parties prenantes de ces projets d’utiliser les certificats de réduction d’émission (CERS) ainsi générés, pour polluer à moindre coût dans les pays considérés développés.

La rédaction de l’article concernant ce marché du carbone a concentré les plus grandes difficultés.

Le député européen Yannick Jadot, déçu par l’attitude polonaise, a illustré la complexité de ce marché en lançant : « L’UE a déjà abandonné des milliards à la Pologne dans le cadre du marché du carbone, ca suffit ».

En effet, un différend avait opposé la Pologne à l’U.E. en 2016 en raison d’un excès d’émissions disponibles sur le marché (ETS) estimé à 2 milliards de quotas.

La réponse polonaise a été l’engagement à réduire sa dépendance énergétique au charbon à 50% d’ici 2040, au lieu de presque 80% aujourd’hui.

Et à supprimer toute énergie éolienne d’ici là

Car tandis que la France est déjà engagée à hauteur de 121 milliards d’euros, selon la Cour des Comptes, pour les seuls contrats déjà conclus pour des énergies renouvelables supposées réduire les émissions de CO2 d’un parc électrique qui n’en émet déjà pas, la Pologne, qui a déjà obtenu des résultats concrets dans la réduction de sa dépendance au charbon, prévoit de prolonger la décarbonation de son économie par l’ambitieux projet de la mise en service de 6 nouvelles centrales nucléaires, à raison d’une tous les 2 ans dès 2033.

Le mécanisme de transparence par lequel les États devront rendre compte de la réalité de leurs progrès a également suscité de nombreux débats.

Et parallèlement à cette difficulté d’accoucher de cette transparence, l’ambition n’a plus semblé au rendez vous.

Pas même celle de la France qu’aucun ministre ne représente plus dans la phase finale des négociations.

Une Coalition pour une haute ambition avait bien été lancée mercredi, mais sans grand succès, avec seulement 11 pays européens signataires et 70 en tout.

Le financement en question

La période 2012 - 2020 prévoit désormais de concentrer les avantages du financement obtenu sur les pays les moins avancés (PMA) et les petits États insulaires.

Ce qui met d’ailleurs en perspective l’importance de leurs délégations à Katowice.

Dans Contrepoints, Fritz Vahrenholt et Dr. Sebastian Lüning s’interrogent sur la présence parmi les invités à Katowice d’un « grand nombre d’employés d’ONG, des représentants de l’administration des eaux… »

Un intéressant rapport des Nations Unies de décembre 2015 illustre notamment la destination potentielle des investissements du Fonds vert pour le climat vers la République des Fidji.

Pour répondre au risque pris par les investisseurs ce rapport propose de « réduire le rôle de l’État dans l’économie »  (p 57) et suggère notamment le renforcement du réseau routier, la privatisation du secteur de distribution de l’eau, la suppression de la règlementation technique du secteur de l’électricité fidjien, ainsi que le développement d’un « projet de terminal à conteneurs et à conteneurs polyvalents Rokobili de Fidji Ports, dans le cadre d’un partenariat public-privé et d’encourager les opérateurs internationaux de qualité à investir dans le projet en renforçant les processus de passation des marchés publics. »

A l’évidence, ce rapport mérite mieux que ce survol distrait.

Et le propos n’est pas de prétendre que l’une ou l’autre de ses suggestions ne serait pas de nature à permettre à la République des Fidji de mieux affronter les conséquences d’un réchauffement climatique, car, à l’évidence, la robustesse des communications et la fiabilité de l’alimentation en eau potable seraient déterminants en cas de cataclysme. Mais d’attirer l’attention sur la nécessité de la plus grande vigilance des Nations Unies sur les effets et motivations qui peuvent objectivement être attendus de tout financement en ce sens.

Transparence et justice sociale

Après les prolongations, la COP 24 se sera soldée, samedi, par un succès en demi-teinte qui consacre l’accord de toutes les parties sur des règles d’application des Accords de Paris, mais qui devrait décevoir par le manque d’ambition de ses objectifs.

Deux mots clés auront marqué le sens de ses débats :

Le premier est « transparence », que le texte final a tant peiné à définir, le second est « Justice », qui doit interdire d’oublier qu’aucune cause ne saurait justifier la dichotomie entre les investisseurs qui s’orientent vers un nouveau créneau et des travailleurs qui en supportent le fardeau.

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