"C'est mon candidat qui a gagné !" : du débat des primaires au débat des commentaires, le confort des certitudes<!-- --> | Atlantico.fr
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Le quatuor des candidats jugés les plus convaincants par les Français ressemble à s’y méprendre au quatuor en tête des derniers sondages : 1/Juppé 2/ Sarkozy /3 Fillon 4/ BLM.
Le  quatuor des candidats jugés les plus convaincants par les Français ressemble à s’y méprendre au quatuor en tête des derniers sondages : 1/Juppé 2/ Sarkozy /3 Fillon 4/ BLM.
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Rhétorico-laser

Le 2ème débat des primaires de la droite a donné lieu, comme le premier, à un florilège de commentaires, où les préférences personnelles servent trop souvent de critère d’analyse.

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Le sondage à chaud réalisé par Elabe juste après le débat du 3 novembre n’a pas causé une grande surprise : le quatuor des candidats jugés les plus convaincants par les Français ressemble à s’y méprendre au quatuor en tête des derniers sondages : 1/Juppé 2/ Sarkozy /3 Fillon 4/ BLM. Et l’on peut poursuivre le constat pour les autres candidats : l’ordre de conviction des téléspectateurs correspond à leur ordre de préférence avec, dans l’ordre NKM, Copé et Poisson. Bref, ils ont jugé la prestation des candidats à l’opinion qu’ils en avaient déjà.

De quoi mesurer une fois de plus la force de la CROYANCE, du "wishful thinking" comme disent les Anglais, l’un des plus sûrs ressorts des comportements électoraux. Mais aussi des comportements médiatiques, tant les "enseignements du débat" ont varié d’un journaliste à l’autre, certains allant, contre l’évidence, jusqu’à trouver Copé "très bon" et Sarkozy "mauvais". La plupart, il est vrai, ont placé Alain Juppé en tête : traduction d’une certaine préférence ?

Rien que de très humain là-dedans : l’on entend vraiment que ce que l’on veut entendre, loi vérifiée jadis par le psychosociologue danois, Lund. Celui-ci avait ainsi calculé que dans 88% des cas nous n’acceptons un jugement que s’il correspond à notre attente. Dur de faire évoluer l’opinion dans de telles conditions ! Et l’on comprend l’idée (reçue) que "ce genre de débat ne change rien, sauf grosse catastrophe" ou que "l’on n’a rien à y gagner mais seulement à y perdre".

Mais ces clichés reposent sur la confusion entre deux choses très différentes : la prestation TECHNIQUE des candidats d’une part, leur positionnement STRATEGIQUE de l’autre. L’on mesure la différence avec la situation de NKM. Celle-ci a fait preuve de clarté et de concision, de vivacité dans la répartie (on l‘a vu face à son ancien patron) et surtout d’une argumentation percutante et pertinente, fait très rare à droite comme à gauche : ainsi de sa distinction limpide entre métier et statut à propos des fonctionnaires (certes on a besoin d’infirmières mais pourquoi donc d’infirmières fonctionnaires ?). Mais cela ne retire rien à l’obstacle fondamental de la candidate : son positionnement stratégique "libéral-écolo" est en total décalage avec les attentes de l’électorat de droite. Ses qualités combatives la conduiront donc à un succès d’estime.

Tel n’est évidemment pas le cas d’Alain Juppé qui, de fait, gère bien son avance avec une attitude sereine et enjouée qui convient à un discours "rassembleur". Il sait souvent trouver LA bonne réponse. Ainsi à la question très biaisée des journalistes : "pourquoi vous présenter CONTRE Nicolas Sarkozy ?" : "Je ne me présente pas contre lui, mais contre Hollande et le FN".

Mais, sur le fond, et quoi qu’on ait dit partout, Alain Juppé n’a pas tranché le "cas Bayrou". Davantage, l’agacement du candidat sur ce sujet était visible et peu "raccord" avec l’image qu’il veut donner. Or le repoussoir Bayrou est très fort pour l’électorat de droite, non seulement à cause de la "trahison de 2012" mais aussi de son ministère aussi long qu’immobile à l’Education nationale dans les années 1990.

Qu’on en ait dit, là encore, Nicolas Sarkozy a plutôt marqué un point dans cette séquence. Il a su instiller "l’ombre d’un doute" sur la résolution d’Alain Juppé. De même qu’il a su résister, au prix de grosse ficelles rhétoriques, aux assauts de NKM et BLM ; et profiter enfin du statut enviable de victime, cible de tous les tirs. Mais il souffre toujours de son erreur initiale : ne pas avoir fait le bilan honnête et complet de son quinquennat, qui lui revient toujours en boomerang. Y compris, on l’a vu, dans son propre camp.

Dès lors, le vrai vainqueur de ce débat aurait-il été François Fillon ? Son style rhétorique concis et clair (et plus calme que celui de NKM), son refus d’entrer dans les polémiques personnelles ont été en adéquation avec son message de loyauté, d’autorité et de vérité. Adéquation qui le conduira à un bon score final. Mais qui se heurte à une redoutable considération : les Français, même de droite, veulent-ils VRAIMENT de la vérité et de ses douloureuses conséquences pour leur cher Etat-Providence ? Veulent-ils de même VRAIMENT du changement de la classe politique que leur propose Bruno Le Maire ? Une classe politique qui finalement leur ressemble tant…

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