Le Mississippi est aux Etats-Unis ce que la Grèce ou l'Espagne sont à l'Europe (mais eux ne songent pas à l'exclure)<!-- --> | Atlantico.fr
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Alors que certains pays européens s'interrogent sur la possibilité d'exclure la Grèce de l'UE, il apparaît impensable pour les États-Unis de se débarrasser des États très gourmands en aides fédérales.
Alors que certains pays européens s'interrogent sur la possibilité d'exclure la Grèce de l'UE, il apparaît impensable pour les États-Unis de se débarrasser des États très gourmands en aides fédérales.
©Flickr / lavacavegetariana

It's the economy stupid !

Les États américains les plus pauvres, comme le Mississippi ou le Nouveau Mexique, reçoivent d'énormes transferts budgétaires issus des taxes fédérales pour des montants comparables à ceux que l'Europe accorde à la Grèce et à l'Espagne.

Et si la Grèce était à l'Europe ce que l’État du Mississippi est aux États-Unis ? Tout comme l'Etat du Mississippi outre-Atlantique, la Grèce hier et aujourd'hui l'Espagne sont des boulets au pied de l'Union Européenne. C'est en tout cas le raisonnement que tient un journaliste du site The Atlantic, avec une pointe d'ironie. Là où les Européens parlent de "sauvetage financier permanent", aux États-Unis, on préfère le terme "Medicaid", du nom du programme créé pour fournir une assurance maladie aux personnes à faibles revenus.

Selon The Atlantic, voilà la raison pour laquelle la "dollar zone" fonctionne, contrairement à l'euro zone.

Si on regarde ce graphique de The Economist, on constate que les États les plus pauvres comme le Mississippi, le Nouveau Mexique et la Virginie-Occidentale (en rouge) comptent sur d'énormes transferts des taxes fédérales, que ce soit sous la forme d'allocations chômage ou des aides provenant de Medicaid. Selon The Atlantic, ces transferts d'argent sont comparables en volume aux montants que l'Europe accorde à la Grèce, l'Irlande, et autres "gouffres financiers".

Pour autant, à situation comparable, les remèdes proposés par les États-Unis et l'Union européenne diffèrent radicalement. Alors que certains pays européens, Allemagne en tête, s'interrogent sur la possibilité d'exclure la Grèce ou l'Espagne de l'UE, il apparaît impensable pour les États-Unis de se débarrasser des États très gourmands en aides fédérales, comme le Mississippi ou le Nouveau Mexique.

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Comme les États-Unis, la zone euro dispose d'une monnaie unique. Mais contrairement aux États-Unis, la zone euro ne recueille qu'une part minuscule de l'ensemble des taxes collectées au niveau européen, et n'hérite jamais des transferts fiscaux permanents en provenance des pays les plus riches (comme l'Allemagne) vers les pays les plus pauvres (comme la Grèce).

"Aux États-Unis, les États comme le Nouveau-Mexique et l'Alabama sont toujours en difficulté financière, mais c'est n'est pas nouveau", souligne The Atlantic. Au cours de ces 20 dernières années, les sept États en rouge et en orange sur le graphique ont accepté de recevoir de l'argent fédéral dont la valeur correspond à environ 200% de leur PIB annuel.

The Atlantic se demande donc si la situation d’États comme New York, la Californie, le Texas ou le Massachusetts (en vert) serait meilleure s'ils avaient leurs propres devises. Ces quatre États sont à court d'excédents depuis 20 ans, selon l'Internal Revenue Service (IRS). En d'autres termes, ils continuent de payer plus d'impôts qu'ils ne reçoivent d'argent dans leurs caisses. A eux seuls, ils pourraient dépenser bien plus d'argent, alors qu'en l'état actuel de choses ils ne peuvent pas emprunter d'argent.

A eux seuls, les États les plus riches pourraient êtres capables d'emprunter assez d'argent, et à bon marché, pour éventuellement utiliser un petit déficit permanent pour compenser en infrastructures, en éducation et en dépenses de santé ce qu'ils recevaient de Washington. "Une fois intégrés dans l'ALENA, ils pourraient commercer librement avec les autres États, à mesure que la zone dollar se désintègrera", ajoute The Atlantic.

Morale de l'histoire : avoir un grand pays est un gigantesque avantage, lorsque les différents États qui le composent ont des gains externes leur permettant de mettre en commun leurs ressources - "par exemple pour déployer une vaste armée contre les Soviétiques" note avec ironie le journaliste. Mais en temps de paix, ne serait-il pas plus sensé que New-York soit une nation plutôt qu'un État ? Pour The Atlantic cette question, jugée aberrante, ne se pose même pas, alors que ces transferts d'argent aux États pauvres coûte autant aux États-Unis qu' à l'Europe pour sauver la Grèce.

3 questions à Christine Rifflart économiste senior au département Analyse et Prévision de l'OFCE, spécialiste des Etats-Unis et de l'Amérique Latine.

Atlantico : Les Etats américains excédentaires sur le plan budgétaire peuvent-ils financer directement les Etats déficitaires à des niveaux comparables à ceux des plans d'aide adoptés au sein de la zone euro ?

Christine Rifflart : Il n'y a pas de système de compensation entre Etats outre-Atlantique. Chacun détient ses propres ressources issues des prélèvements fiscaux qu'ils effectuent. Les recettes sont alors reversées au budget de l'Etat en question et, en partie, au budget de l'Etat fédéral. Ce dernier peut, par la suite, reverser à son tour une enveloppe pour différents types de dépenses comme l'entretien des fonctionnaires du gouvernement fédéral qui agissent dans les Etats.

Mais si un Etat est en situation de déséquilibre, il lui revient de couper dans ses dépenses et d'assumer seul ses difficultés financières.

Comment expliquer que les Etats en difficultés, comme l'Illinois par exemple, ne déstabilisent pas la "zone dollar" au même titre que l'Espagne et la Grèce font vaciller la zone euro ?

Il s'agit de deux zones géographiques ayant des structures différentes. Les Etats-Unis sont une fédération, chaque Etat gère ses recettes et peut émettre des titres obligataires pour s'endetter.

Mais la dette extérieure des Etats n'est pas élevée. Elle l'est vis-à-vis de l'Etat fédéral, mais pas par rapport aux marchés financiers ou le reste de la sphère privée. L'Etat fédéral ne renfloue pas, mais peut octroyer des prêts sous condition de remboursement.

Les transferts budgétaires automatiques ne constituent-ils pas la principale force des Etats-Unis par rapport aux européens ?

Effectivement, il s'agit d'une très grande différence entre les deux zones. Les Etats-Unis sont une fédération dotée de compétences bien établies. Un Etat peut être en faillite, mais le créancier principal étant l'Etat fédéral, le risque d'instabilité de la zone est beaucoup plus faible.

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