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Zynga réussira-t-il à tous nous faire jouer sur les réseaux sociaux ?
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FarmVille & Mafia Wars entrent en Bourse

FarmVille, Mafia Wars ou Zynga Poker… L’éditeur de ces jeux sociaux (social game) a été introduit en bourse à New-York sur une valorisation record de 8,9 milliards de dollars. Portrait de Zynga, l’entreprise qui fait jouer les femmes, les enfants et même les seniors en prenant jusqu'à 40% du temps qu'ils passent Facebook.

Jean-Pierre Govekar

Jean-Pierre Govekar

 Jean-Pierre Govekar est consultant en médias sociaux. Co-fondateur de l'agence LeWebLab, qui accompagne les marques dans leur développement sur les réseaux sociaux, l'acquisition des bonnes pratiques du web social et la construction de stratégies social media et éditoriales. 

 

 

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Atlantico : Le géant du jeu social (social game) a été introduit en bourse sur une valorisation annoncée de 8,9 milliards de dollars. Le grand public joue avec des produits Zynga sans le savoir sur Facebook, notamment. Pourriez-vous nous brosser le portrait de ce géant de San Francisco ?

Jean-Pierre Govekar : Vous avez sans doute déjà joué à FarmVille ? Derrière ce jeu se trouve Zynga, un éditeur de jeux qui a très rapidement perçu le potentiel des réseaux sociaux. A ses débuts, voilà cinq ans, on le voyait également sur Myspace car Zynga a vite saisi l’opportunité d'engager les utilisateurs en proposant une scénarisation de jeu construite autour du réseau social de chaque joueur, et profiter ainsi de leur viralité.

Justement, qui s’est plus servi de l’autre : Zynga a profité de Facebook ou ce dernier s’est-il développé grâce aux jeux ?

C'est une relation gagnant-gagnant. L'arrivée de Facebook et de sa plateforme orientée vers l'utilisateur a permis de créer des réseaux autour des individus, que ces derniers pouvaient inviter à rejoindre dans des applications de jeu. Zynga s'est complètement inspiré de l'interface de Facebook pour créer un système redoutablement efficace pour enrôler de nouveaux utilisateurs parmi ses amis mais aussi les amis de son réseau. En scénarisant ses jeux autour des réseaux sociaux, Zynga a aussi révolutionné la façon d'engager les utilisateurs et les amener à développer leur communauté, si bien que la gamification est un concept aujourd'hui intégré dans d'autres sites. Les intérêts de Facebook et Zynga ont longtemps convergé, chacune des sociétés ayant intérêt à avoir une communauté forte, croissante et active. Aujourd'hui, 40% du temps passé sur Facebook l'est sur les jeux sociaux. L'essor de Facebook est, sans conteste, lié aux jeux sociaux proposés par Zynga et réciproquement.

On a l’impression que ces jeux séduisent bien plus largement les femmes, les enfants ou les séniors que les jeux vidéo joués sur console ?

En effet, les études montrent que ces jeux touchent plus les femmes que les hommes, principalement la fameuse « ménagère de moins de cinquante ans ».

Si l'âge moyen des joueurs se situe autour de 40 ans, cela varie selon les régions. 20% des joueurs sociaux aux États-Unis ont plus de 60 ans. Avec 300 millions de joueurs mensuels sur les jeux sociaux, il est difficile de définir des segments mais plutôt des dynamiques comme l'addiction ou le besoin de jouer au sein d'une communauté. 

Quel est le business model de Zynga ?

Le premier business model a été d’occuper le terrain ! Car la dynamique des jeux sociaux nécessite une certaine masse critique d'utilisateurs. En termes de monétisation, les jeux sont gratuits, en mode « free to play », c'est-à-dire que vous pouvez y évoluer sans solliciter ou inviter vos amis.

Comme l'utilisateur évolue dans le jeu grâce à un type d’énergie caractéristique, qui se recrée progressivement, il existe deux façons d'accélérer son évolution : se connecter le plus souvent possible ou effectuer des achats « in game » qui  permettent d’acquérir des accessoires afin d’être plus rapide ou plus fort. Dans le cas de Mafia Wars, par exemple, des micro-achats permettent d’acheter des armes. Dans Poker Zynga, vous pouvez aussi acheter des jetons pour participer à des championnats de Poker.

90% des revenus de Zynga proviennent des biens virtuels. Ils font de plus en plus partie de la consommation des internautes sur les réseaux sociaux. Des grands-mères ont ainsi offert des équipements à leurs petits-enfants, un âne dans FarmVille, par exemple.

Cela génère-t-il beaucoup d’argent ? 

Entre 2009 et 2010, le chiffre d'affaires de Zynga a été multiplié par 5, pour atteindre près de 600 millions de dollars. Les résultats des trois premiers trimestres 2011 indiquent que ce chiffre devrait doubler cette année.

3% des joueurs achètent des biens virtuel sur Zynga. Ils s'agit de packs de quelques dizaines de dollars, convertibles en biens virtuels. Mais certains joueurs auraient payé jusqu'à 10 000 dollars par mois pour évoluer dans les jeux !

La relation Facebook/Zynga est-elle gagnante/gagnante ?

Certainement : 50% des personnes qui se connectent sur Facebook y vont pour… jouer. Les jeux sociaux constituent pour Facebook un moteur d'activité et d'acquisition de nouveaux utilisateurs. Rappelons que pour évoluer dans certains jeux, il faut recruter, élargir son réseau pour être plus fort en acquérant de nouvelles armes, par exemple… 

Et Zynga maîtrise l'art de générer de l'addiction. Par exemple en proposant à ses utilisateurs de gagner des biens virtuels s'ils atteignent un "niveau 10" dans un autre jeu de Zynga. Une manière d'engager ses utilisateurs à plus de jeu, plus de connexions et d'interactions avec les autres joueurs. Et aussi d'inciter les joueurs à inviter leurs amis à les rejoindre sur le réseau.

Pour Facebook, qui a lancé sa monnaie virtuelle, les Facebook credits, l'existence d'applications payantes permet aussi de percevoir un pourcentage sur les paiements des utilisateurs.

Quelles sont les perspectives de Zynga ?

Malgré sa position dominante sur Facebook, Zynga devra continuer à se développer à l'international pour éviter de voir ses parts de marché diminuer. Sa stratégie passera nécessairement par un développement cross-plateformes et une présence sur l'ensemble des réseaux sociaux. La société a commencé sa stratégie de présence vers l'Asie, visant les pays émergents et le marché hyper-connecté de la Chine. Certains jeux ont aussi été portés sur Google+, et l'éditeur vient d'annoncer la création de son propre réseau social de jeu, project Z. Son objectif : s'émanciper de Facebook, dont elle dépend actuellement.

Êtes-vous optimiste quant à l’entrée en bourse de Zynga dans un climat assez morose après le semi échec de valeurs internet telles que Groupon ?

Courant 2011, lorsque la rumeur évoquait une possible introduction en bourse, une évaluation entre 15 et 20 milliards de dollars avait été évoquée. On peut penser qu’une entrée en bourse à moins de la moitié attirera les investisseurs. 

Malgré le dynamisme de Zynga et la croissance du marché des biens virtuels, la société doit faire face à l'émergence de concurrents solides, à l'instar d'Electronic Art qui a racheté Pop Cap, et de réseaux comme Tencent ou Renren qui vont commencer à se développer hors de Chine.

Le moment semble être propice pour Zynga d'ouvrir son capital alors que l'éditeur figure encore en tête des jeux sociaux. La question est de savoir si cette valorisation n'est pas surestimée. Les marchés trancheront.

Propos recueillis par Antoine de Tournemire

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