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Zika, paludisme, l’espoir ? Une  nouvelle manipulation génétique pourrait éradiquer tous les moustiques porteurs de maladies
©Reuters

Suceurs de sang !

Une manipulation génétique pourrait réduire la fertilité des moustiques femelles de 75%. Cela pourrait en théorie éradiquer des espèces de moustique portant des virus tels que la malaria ou le virus Zika.

Olivier Roux

Olivier Roux

Olivier Roux est avocat depuis 2000. Il intervient essentiellement en droit de la propriété intellectuelle (marques, brevets, droit d’auteur), en conseil et contentieux et en particulier en matière de systèmes d’informations (logiciels, internet, données personnelles, infogérance…). Auteur de plusieurs articles sur la responsabilité des acteurs du web 2.0. Janvier 2015, marque la création, avec ses associés intervenant dans d’autres branches du droit (corporate, environnement) , du cabinet dénommé TESLA .

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Frédéric Simard

Frédéric Simard

Frédéric Simard est directeur de recherche à l'IRD (Institut de recherche pour le développement)

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Atlantico : Selon une étude menée par le parasitologue italien Andrea Crisanti de l'Imperial College de Londres et publiée en septembre 2015, une manipulation génétique pourrait réduire la fertilité des moustiques femelles. Que nous apprend l'étude ? En quoi consiste cette manipulation ? A quel stade en sont les recherches ?

Olivier Roux : Ils ont identifié 3 gènes différents qui lorsqu'ils sont modifiés peuvent être transmis de façon très efficace à la descendance. Comment peuvent-ils être transmis s'ils affectent la fertilité? Ils sont récessifs, cela signifie que pour qu’un individu soit totalement stérile, il doit porter 2 copies de ce gène (1 provenant du mâle et 1 provenant de la femelle. La descendance a, en théorie, 1 chance sur 4 d’être stérile). Mais lors d’expériences en laboratoire, ils ont montré que ces gènes se transmettaient jusqu'à 99% de la population de moustique en 4 générations. Virtuellement, la méthode CRISPR-cas9 permet d’éditer n’importe quel gène avec pas mal d’aisance. Éditer signifie aussi bien altérer, qu’insérer, supprimer une partie de l’ADN constituant les gènes. C’est une méthode très prometteuse dans tous les domaines mais qui soulève pas mal de questionnements éthiques. Concernant les moustiques, je pense qu’on en est seulement au stade essai en laboratoire, viendront ensuite les essais en mésocosme (très grandes cages) puis des essais sur le terrain à très petites échelles avant d’être opérationnels. Mais ces essais sur le terrain ne sont pas pour demain en raison de questionnements éthiques.

Frédéric Simard : L'étude utilise une technique génétique révolutionnaire, le système CRISPR-Cas9, pour transformer génétiquement les moustiques afin de rendre leur descendance non viable : ces mâles transgéniques, après avoir été relâchés dans la nature vont s'accoupler avec des femelles sauvages. Ces femelles pondront des œufs qui ne se développeront pas. L'idée est d'arriver ainsi à éliminer les populations de moustiques dans un endroit donné. Les recherches sont purement fondamentales pour le moment, réalisées exclusivement au laboratoire. Le système semble tenir ses promesses dans les conditions de laboratoire. La prochaine étape consiste à tester l'efficacité de la stratégie en conditions semi-naturelles, dans de grandes cages dans lesquelles les conditions se rapprochent des conditions naturelles. Ensuite, éventuellement, les premiers essais pilotes directement sur le terrain pourront avoir lieu.

En quoi les moustiques peuvent-ils constituer un danger pour l'être humain ? Quels types de maladies les moustiques peuvent-ils propager ?

Olivier Roux : Le moustique est décrit comme étant l’animal le plus dangereux pour l’homme. Mais tout ça est bien injuste car une fois de plus on tire sur le messager et non le véritable responsable. En effet, on n'a jamais vu un moustique dévorer un homme ou le vider de son sang. Le problème c’est qu’il est le vecteur de pathogènes qui eux sont dangereux pour l’homme.

Les moustiques ne transmettent que des maladies dites vectorielles, c’est à dire des pathogènes qui ont besoin d’un autre animal pour être transmis vers un nouvel hôte. Ils y font une partie de leur développement avant de pouvoir être transmis. Parmi ces pathogènes, le paludisme, Zika, la fièvre jaune, la fièvre de la vallée du Rift, la dengue, le chik et bien d’autres. Tous les moustiques ne sont pas capables de transmettre. Certaines espèces ne transmettent aucune maladie. Bien souvent une maladie dépend d’un seul type de moustique. Par exemple, le paludisme est transmis par quelques espèces d’anophèles, la dengue par quelques espèces d’aèdes (moustique tigre). En effet, le parasite ou le virus a besoin d’être capable de se développer dans le moustique. S'il n’y parvient pas, il ne peut pas être transmis.

Frédéric Simard : Les moustiques, par les agents infectieux qu'ils transmettent à l'homme (parasites, pour le paludisme, ou virus tels que Fièvre Jaune, Dengue, Zika ou Chikungunya) sont les animaux auxquels l'humanité paye le plus lourd tribu en termes de vies humaines, loin devant les requins ou autre fauves. Ils transmettent des agents infectieux qui provoquent des maladies aux conséquences souvent mortelles. Mais, sur plus de 3500 espèces de moustiques différentes qu'on connait aujourd'hui, seule une poignée sont effectivement importantes en termes médicaux : ce sont des moustiques extrêmement bien adaptés à l'homme et qui se développent dans l'environnement domestique (villes, villages, jardins...) et qui piquent l'homme. De nombreux moustiques ne piquent pas l'homme, et la capacité à transmettre des agents pathogènes reste l'exception plutôt que la règle chez les moustiques.

Est-il éthique d'éradiquer les moustiques responsables de la propagation de maladies, voire l'espèce toute entière, si la manipulation génétique parvenait à être efficace ? Quels rôles jouent les moustiques dans l'écosystème ?

Olivier Roux : C’est un grand débat. Certains considèrent que remplacer les moustiques naturels par des moustiques modifiés est sans conséquence, d’autres pensent que les pathogènes qu’ils transmettent pourraient évoluer et pourquoi pas devenir plus virulents. Le débat est le même quant à leur éradication. Certains disent qu’il n’y aura aucune incidence, d’autre disent que la nature ayant horreur du vide, l’espèce éliminée pourrait être remplacée par une autre, peut-être plus dangereuse car jusqu'ici limitée par la compétition avec cette espèce éliminée. Certains vont jusqu'à parler de “droits des moustiques” à disposer d’eux-mêmes.... les moustiques ont un rôle important dans les écosystèmes, ils sont pollinisateurs, et servent de nourriture à de nombreux organismes aquatiques lorsqu'ils sont à l’état de larves (notonectes, têtards, poissons, ...). A ce stade ils filtrent également l’eau en se nourrissant de matières organiques diverses : pollen, bactéries, algues et peuvent donc empêcher leur prolifération. A l’état adulte, oiseaux, lézards, araignées, chauve-souris, libellules s’en nourrissent. Donc oui, leur élimination pourrait avoir un impact sur le reste de l’écosystème mais ce n’est pas certain vu qu’aucun animal ne se nourrit exclusivement de moustiques et qu’aucune plante n’est pollinisée que par des moustiques.

Frédéric Simard : Il est illusoire de penser que nous sommes capables d'éradiquer les moustiques de la surface de la terre. Ils étaient là bien avant nous (on date leur apparition à environ 250 millions d'années), et ils seront probablement encore là après nous. Seules quelques espèces (moustique tigre et anophèles vecteur de paludisme) sont dans le viseur de la santé publique. Souvent, comme dans le cas du moustique tigre, il s'agit d'espèces invasives. Dans ce cas, éliminer ce moustique d'une région où il n'était pas présent quelques temps auparavant ne pose pas de problème éthique : il s'agit de revenir à la situation d'avant l'invasion. Il n'est pas non plus question d'éradiquer une espèce, mais plutôt de limiter sa pullulation dans les zones où les hommes sont présents (villes par exemple). Les moustiques ont bien sûr un rôle dans l'environnement, notamment celui de servir de nourriture à leurs prédateurs. Mais dans les villes, les environnements urbains sont défavorables aux prédateurs et le moustique est roi.

Avez-vous des exemples d’espèces éradiquées par l'homme pour se préserver des dangers qu'elles représentaient ?

Olivier Roux : Parmi les maladies il y a la variole qui a été totalement éradiquée grâce à une grande campagne de vaccination. Des maladies, des moustiques, ou des mouches par exemple ont été éliminées de certaines régions mais pas éradiquées de la planète. J’imagine qu’à l’échelle locale, et pour de plus grosses bêtes, on peut penser au loup et à l’ours en France par exemple qui avait disparu mais qui reviennent. 

Frédéric Simard : A part le virus de la variole, aucun, et ce n'est pas faute d'avoir essayé. Par contre, nous faisons disparaître de nombreuses espèces chaque jour, des espèces qui paradoxalement ne nous gênent pas, voire pourraient nous défendre contre certaines invasions biologiques...

Propos recueillis par Thomas Gorriz

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