Portrait
Zemmour, le moraliste politique
Pour des générations de jeunes Français, Zemmour aura été le grand frère intellectuel, un pôle de résistance à la bêtise, à la censure et au conformisme. Mais toutes ses positions ne se vérifient pas.
Pour des générations de jeunes Français, Zemmour aura été le grand frère intellectuel, celui qui s'attaque uniquement à plus fort que lui, et qui fait chaud au cœur, car il permet de penser ce que l'on pense, à tout le moins de se croire fondé à observer ce qu'on observe. Talentueux, mais complexé, intellectuellement, de ne pas avoir la double casquette de journaliste et d'universitaire (comme Jacques Julliard), il occupe néanmoins un espace laissé vacant par la mort des Raymond Aron, Annie Kriegel, François Furet et Jean-François Revel, celui d'un pôle de résistance à la bêtise, à la censure et au conformisme.
Il participe aux débuts de l'hebdomadaire Marianne et, avant d'y être persona non grata, signe un billet intitulé "Pourquoi la droite doit retourner... à droite", où il dénonce une droite volage toujours prête à céder aux avances de la gauche : "qui n'a de cesse de complaire à la gauche médiatique et culturelle". Puis il signe un "Livre noir de la droite" où il endosse une critique du centrisme Giscardien déjà formulée par le journaliste Éric Branca, tout en élargissant la focale dans une vision d'ensemble les rapports de force idéologiques et des lignes de fracture politiques. Ce n'est pas seulement un journaliste mais aussi un mémorialiste, qui dépeint les travers de ses contemporains, et un moraliste politique, qui approfondit l'analyse des conditions de la prise, de l'exercice et de la chute du pouvoir.
À la présidentielle de 2002, entre les deux tours, il résiste à la propagande anti-lepeniste par un papier intitulé "Le Retour du Vieux lion". Dans les colonnes du Figaro, l'historien américain Eugen Weber, issu de l'immigration juive roumaine, est le seul autre auteur à raison garder, en estimant qu'il n'y a pas péril en la demeure, que les loups du fascisme ne sont pas aux portes de la Cité, ce qu'avouera Lionel Jospin par la suite.
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Il recherche l'appui d'Alain Finkielkraut en choisisant en exergue de son roman "Petit frère" une citation du philosophe, comme quoi l'anti-racisme serait le communisme du 21e siècle. Il est propulsé sur le devant de la scène médiatique en débattant avec Christophe Barbier, puis dans une émission tout publics tard le soir, tout en faisant régulièrement la Une des hebdo Valeurs actuelles et le Figaro magazine.
Il scandalise en écrivant que, sinon le régime de Vichy, du moins la zone libre, a sauvé des Juifs, mais c'est la position de grands historiens comme Annie Kriegel et Fred Kupferman. Sur certains sujets toutefois, il apparaît quelque peu dogmatique.
Deux de ses positions ne paraissent pas toujours vérifiées. Celle selon laquelle l'appel de Cochin, le gouvernement Chirac de 1986 (avant l'affaire Malik Oussekine), ou encore les programmes du RPR de 1990 et de Sarkozy en 2007 incarneraient une sorte de tradition de droite de toujours, trahie par des barons centristes. C'est oublier que ces séquences suscitèrent déjà des oppositions en leur temps. La seconde affirmation contestable consiste à affirmer l'existence d'un bloc d'idées et de convictions sur la sécurité, l'immigration, l'islam, qui reccueillerait 70% d'approbation. Peut-être est-ce sous-estimer la variété des opinions, ses oscillations, caprices, paradoxe. En résulte une alchimie complexe des reports de voix.
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