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De WikiLeaks à SafeHouse :
des fuites jusqu'à plus soif ?
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Zone franche

Un site de dénonciation anonyme et de publication de secrets d'État, ça va encore. C'est quand il y en a plusieurs que ça devient vraiment n'importe quoi.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Au commencement était WikiLeaks, le « whistleblower » original, celui qui faisait trembler les puissants. Ou les confortait par ricochet : le débat continue de faire rage entre théoriciens du complot d’obédiences divergentes.

Julian Assange promenait sa crinière cendrée sur toutes les télés de la planète, séduisait de naïves petites suédoises et dispensait les audiences aux journalistes des plus grands quotidiens venus mendier l’autorisation de publier des câbles d’ambassades sous son logo…

C’était « la nouvelle frontière du journalisme », s'enthousiasmait-on. Bon, c’était surtout une nouveauté pour la presse anglo-saxonne, plus habituée à enquêter qu’à attendre qu’un type en gabardine ne dépose un scoop à l'accueil (« Oh non, ne me remerciez pas, c’est pour la défense de la démocratie et je n’ai évidemment rien à y gagner »), mais quelle formidable reconnaissance pour la méthode française d’investigation !

Dans un second temps, les plus malins ont tout de même fini par se demander s’ils avaient vraiment besoin, pour alimenter la boîte à buzz, de l’adoubement d'un australien mégalo-sexiste : inciter un fonctionnaire indigné à faire suivre les mails de son chef en CCI, on devait pouvoir le faire tout seul.

Accouchement de scoops sous Leaks

C’est ainsi que sont nés, dans le désordre et sans garantie d'exhaustivité : OpenLeaks (bébé d'un ancien collaborateur d’Assange devenu son ennemi. On attend qu’il publie quelques infos croquignolettes sur son ancien boss) ; BrusselsLeaks (tout ce que vous avez toujours voulu savoir des coulisses de l'UE) ; TradeLeaks (la défense du consommateur version 2.0) ; BalkanLeaksThe Balkans are not keeping secrets anymore ! ») ; IndoLeaks (« Sebab informasi adalah hak asasi ! ») ; RuLeaks (« Русский WikiLeaks » ; PSOLeaks (l'arrière-cuisine du parti socialiste espagnol) ; AlJazeeraLeaksThe Al-Jazeera Transparency Unit ») ; FrenchLeaks (un service de salut public brought to you by Mediapart)...

Ultime avatar de cette étrange épidémie : SafeHouse, rejeton des amours électroniques du Wall Street Journal et de l'indice Dow Jones et dont on imagine qu'il va mettre le monde de la finance à feu et à sang !

Ce qui passait pour, pourquoi pas, un complément ― à manipuler avec précaution, certes, mais tout de même ― aux moyens traditionnels de collecte de l’information (du contact, du terrain, du temps, de l’expertise…) est en train d'en devenir LA source. On comprend d'ailleurs l’intérêt de rédactions print exsangues (Le Monde ne compterait plus qu’une grosse centaine de rédacteurs, soit moins que le staff rémunéré du Huffington Post ) ou de sites d’infos aux moyens dérisoires pour ce changement de « paradigme », comme on aime dire dans les écoles de marketing...

Mais on se demande aussi à quoi ressemblera une société dont la presse se contente de relayer des « secrets », soit à peu près n’importe quel document n’ayant pas vocation à être rendu public. WikiLeaks, c’était simultanément positif et déstabilisant pour la démocratie. Des dizaines de sites de dénonciation, c’est clairement la course au n’importe quoi.

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