Vue de Pologne, l'élection française fait rêver !<!-- --> | Atlantico.fr
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Il n’existe pas d’autre pays au monde où on joue autant avec les émotions. Le taux de participation bat des records mondiaux.
Il n’existe pas d’autre pays au monde où on joue autant avec les émotions. Le taux de participation bat des records mondiaux.
©Flickr/Abode of Chaos

Amoureux des campagnes

Pour notre correspondant polonais, Eryk Mistewicz, l'élection française fait rêver. De grands récits politiques, des meetings regroupant des dizaines de milliers de personnes, des communicants créatifs, le web comme terrain de débats pour les militants... Cette effervescence reste rare, y compris dans les plus grandes démocraties.

Eryk  Mistewicz

Eryk Mistewicz

Eryk Mistewicz est polonais francophone, consultant politique et conseiller en communication institutionnelle et politique en Europe de l’Est.

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Cela fait depuis 1991 que je suis les élections en France, pays où j’ai commencé mes études en marketing politique. Je suis resté amoureux des campagnes électorales. 

Il n’existe pas d’autre pays au monde où on joue autant avec les émotions. Le taux de participation bat des records mondiaux. Un taux de participation auquel peuvent seulement rêver les américains en dépensant des milliards de dollars ; les Polonais, quant à eux, regardent ce taux de fréquentation dans l’incrédulité. Il faut dire qu’en Pologne, le taux de participation tourne autour de 55 à 60% .

La campagne en France est toujours pleine d’émotions. Je pense que l’interdiction des publicités politiques oblige les «spin doctors» à être beaucoup plus créatifs. Les nombreuses interdictions ont au final un aspect positif sur la campagne, bien que les agences de pub n’ont pas grand chose à gagner pendant la campagne.

Vues par les étrangers, les présidentielles, ce sont surtout d’énormes meetings avec plus de 200 000 personnes comme dernièrement, j'ai pu voir Place Trocadéro. Dans aucun autre pays il n'est possible de réunir un si grand nombre de personnes qui s’intéressent à la pays.

Un autre détail qui m’a beaucoup amusé, ce sont les plateaux télévisés si bien préparés qu’on va jusqu’à négocier la température du plateau. On assiste quasiment à la préparation "des héros". Ainsi, le Media Training de Hollande était vraiment très professionnel avec ses "Moi, le Président de la République" dit 16 fois. C’était ma remise des oscars pour les «marketeurs politiques».

Les élections en France, c’est toujours la guerre des récits, des narrations. Ce ne sont pas des chiffres, des arguments rationnels, mais surtout des récits qui peuvent être compris par une population dont le dictionnaire est limité entre 350 et 500 mots. "Manger", "Coucher", "Aller", "Jouer au foot", "Faire l'amour" - C’est dans cet environnement si pauvre d’un point de vue intellectuel, que les candidats doivent gagner les élections. Ne pas oublier d’ajouter le mot : "Voter", "Voter pour...". Alors comment ? Par les narrations bien sur ! Dans mon dernier livre sur le marketing narratif "Marketing narracyjny" je cite de nombreux exemples tirés de la France.

Cette campagne, c'est aussi la guerre des récits et c’est à ce niveau qu’elle sera gagnée ou perdue.

Les deux adversaires sont de grands professionnels en la matière. Ils préparent leurs récits de manière très précise. Pendant que l’un parle de 700 mosquées qui soutiendrait l’autre, l’autre fait du bruit autour des contraceptifs pour les jeunes et l’accord des parents. La valeur de vérité n’a aucune importance. A peine les calomnies sur les affaires de financement illégales en 2007 font-elles la une, qu’un autre récit prend déjà la place sur le web avec la participation de DSK à l’anniversaire de Julien Dray. Je compte bien m’inspirer de cette guerre des récits pour les campagne que je dirige en Europe de l’Est.

Et maintenant une partie des Français va aller voter avec comme principale motivation de punir Sarkozy autant pour ses liens avec Kadhafi que la détérioration de la vie politique.  L’autre partie des français, quant à elle, est persuadée qu’il faut voter contre Hollande autant pour le punir de ses liens avec DSK que de la mauvaise politique qu’il risque de mener.

Voila, ce que je retirais de la campagne en France. Et ce que je compte bien appliquer dans mes autres campagnes à venir.

C'est grâce aux politiciens et aux experts de la communication français que j’utilise Twitter et ai propagé son utilisation en Pologne chez les politiques. Maintenant après mes expériences en France je peux dire très sérieusement que Twitter a pris le pouvoir en Pologne.

Les présidentielles 2012 donnent donc des exemples exceptionnels, avec le duel Sarkozy - Hollande relayés par plus de 355 000 Tweets. Il faudra biensûr ajouter le rôle de Twitter dans les dernières heures de la campagne. C’est grâce a Twitter que 5, 5 millions des Francais, mais aussi, des gens partout dans le monde ont pu apprendre les résultats bien avant le 20 heures.

J'adore les élections en France pour tout ce spectacle, ses récits, ses héros, ses duels, ses meetings, ses énormes foules et ce flux d’émotions. A mon avis, tout cela est dû à votre "aristocratie politique" - chose qui n’existe plus dans les pays d'ex-URSS et de bloc de l'Est à cause de la II guerre mondiale, pendant laquelle nous avons perdu une grande partie de notre intelligentsia -  et aussi au fait que vous avez interdit les publicité politique. C’est grâce à cela que votre campagne est si intéressante, si créative, si inspirante pour les consultants politiques des autres pays.

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