Voilà pourquoi le gouvernement ne semble pas comprendre ce dont a vraiment besoin la police<!-- --> | Atlantico.fr
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Des policiers à Avignon, le 5 mai. Un des leurs est mort lors d'une opération antidrogue dans cette ville.
Des policiers à Avignon, le 5 mai. Un des leurs est mort lors d'une opération antidrogue dans cette ville.
©CLEMENT MAHOUDEAU / AFP

Après le choc d’Avignon

Les syndicats de police ont décidé de suspendre leur participation le 17 mai au "Beauvau de la sécurité", après la mort de leur collègue tué à Avignon sur un point de deal. Un symbole du schisme qui se crée entre les policiers présents sur le terrain et les autorités.

Jean-Louis  Arajol

Jean-Louis Arajol

Jean-Louis Arajol est major de police à la retraite. Aujourd’hui consultant, il a exercé dix ans à la préfecture de Police avant de devenir secrétaire général du Syndicat général de la police et de la Fédération autonome des syndicats de police. Il est l’auteur de Mais que fait la police ? et Police, une affaire d’État.

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Atlantico : Aujourdhui, la Police nationale semble ne plus avoir de direction et se perdre dans un grand nombre d’injonctions contradictoire. Linstitution est-elle en pleine déshérence ? A-t-elle perdu sa vision ?

Jean-Louis Arajol : Lorsque l’on regarde le cas du collègue décédé à Avignon, on se demande comment l’État a pu laisser une telle violence se propager. La réponse simple à cette question reste son manque d’implication dans un domaine régalien depuis de nombreuses années. Depuis des années, le service public de sécurité a été affecté négativement par des politiques et la situation s’est aggravée au sein même de la profession.

Cela se traduit sur le terrain par des policiers qui reçoivent des ordres contradictoires car la haute hiérarchie qui les donne est complètement coupée de la réalité du terrain. Les interlocuteurs des organisations syndicales des policiers, se situant au plus haut niveau de l’État, ne perçoivent pas ce qui est nécessaire pour les policiers de terrain. Il y a donc une contradiction entre ce que souhaiteraient les policiers de terrain pour remplir leur mission et les ordres qu’ils ont.

Lorsque l’on regarde le premier maillon de la chaîne judiciaire l’officier de police judiciaire, il y a un problème. Ils sont de moins en moins nombreux. Personne ne veut être OPJ. Être OPJ aujourd’hui, c’est des heures et des heures de travail à gérer de la paperasse sans passer une minute sur le terrain. Les services croulent sous les procédures et on demande aux OPJ de faire de plus en plus vite car il y en a beaucoup en attente et hélas parfois elles sont bâclées. Quand hier être OPJ était un poste gratifiant, à l’heure actuelle ce n’est plus le cas.

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Les policiers sont de plus en plus excédés par les mots du gouvernement. Les précédents présidents et ministres de l’Intérieur sont-ils responsables de la situation actuelle ?

Depuis les années 80-90, il y a eu deux parenthèses dans la Police Nationale. La parenthèse Pierre Joxe avec le fameux plan de modernisation de la Police Nationale en 1986 et celle de Pasqua avec la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité. Depuis, on colmate, on recrée une police de proximité au quotidien (PSQ) qui n'est ni plus ni moins qu'une nouvelle Police de proximité. On déshabille Pierre pour habiller Paul… et on mutualise. On ne donne pas de signe fort pour les policiers et la sécurité de tous.

La loi de 2011 « performance de la police nationale » n’a fait par exemple qu’entériner la politique du chiffre. Les fonctionnaires sont désormais évalués à la quantité du travail qu’ils font et non à la qualité. Le travail est parfois précipité, bâclé au bénéfice du nombre… Le management n’est plus à visage humain, le personnel encadrant de la Police nationale est formé à la gestion et non plus au terrain. Encore une fois, il faut revoir toute la formation et la maison de Police de fond en comble.

Après le Ségur de la santé, le gouvernement actuel organise le Beauvau de la Sécurité. L’intérêt de ce dernier est à nuancer car il est sûr que cela ne va accoucher de rien. Des organisations, et à travers elles des policiers, n’ont pas été associées à la réflexion. La sécurité est l’affaire de tous, nous aurions pu écouter les services pénitentiaires, le personnel de justice, mais cela n’a pas été fait. À l’arrivée, cela explique que ce Beauvau de la sécurité risque d'accoucher d'une souris. C’était pourtant l’occasion unique de changer de chemin et de ligne.

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Que faire alors, est-ce une question de moyen ? La bureaucratie grippe t-elle la machine ?

On entend souvent dans les médias que le problème vient des moyens, il ne vient pas uniquement de là. Quand on voit que 6000 agents sont mobilisés tous les jours à des tâches indues, que des services entiers qui sont sensés être spécialisés dans la lutte sur les stupéfiants sont détournés de leur mission pour assurer celle de contrôle social, il y a un souci. Si ils sont affectés à une autre mission, ils sont beaucoup moins disponibles pour combattre les problèmes liés au trafic. Il y a donc un problème de répartition des tâches et d’emploi des effectifs. Il y a urgence, il faut changer de cap et de modèle.

Comme à l’hôpital, la bureaucratie est bien le problème. On fait de plus en plus de tableaux Excel, on travaille sur de la gestion, mais plus sur celui de terrain avec des relations humaines entre hiérarchie et le personnel. Vous pouvez recruter des centaines de psychologues, mais la première personne à laquelle un policier va se confier c’est à son gradé. Il n’y a plus de confiance et d’autorité.

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