Méthode
Voilà pourquoi la France ne sera jamais la puissance européenne qu’elle entend être si elle ne change pas d’approche stratégique
Après l'annulation du "contrat du siècle" sur la vente de sous-marins à l'Australie, le positionnement de la France en tant que puissance à l’international est remis en question. Les autres pays de l'Union européenne peuvent-ils réellement faire confiance à la France ? Quelle stratégie devrait adopter la France afin de maintenir son statut de puissance ?
Atlantico : Au lendemain de l'annulation du "contrat du siècle", le positionnement de la France en tant que puissance à l’international est remis en question dans le débat public. Au sein même de l'Union européenne, la volonté des autorités françaises d'être une grande puissance ne joue-t-elle pas contre elle ? Quelle est l'attitude de notre pays vis-à-vis de ses alliés européens ?
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Ceci a été particulièrement ressenti avec la perte du contrat du siècle avec l'Australie. N'importe quel autre pays en UE ne se serait pas opposé à la décision de Washington, pour la simple raison que Canberra doit effectivement se doter de sous-marins à propulsion nucléaire pour faire face aux changements militaires dans le Pacifique (influence croissante de la Chine). Pour autant, la France a raison de s'offusquer car d'une part c'est un pays directement présent dans cette région (Polynésie française), mais aussi parce qu'elle a la capacité technique de produire des sous-marins à propulsion nucléaire, et aurait pu être une alternative à l'option américano-britannique.
Dans ce contexte, Paris devrait repenser son approche vis-à-vis des Etats-Unis et tenter de réaffirmer son statut de grande puissance. Pour ce faire, Paris pourrait proposer à Washington d'être le fournisseur de sous-marins nucléaires de l'Australie (changement de contrat). En cas de refus, la France pourrait adopter une attitude plus amicale envers la Russie et la Chine, pour la simple raison qu'une puissance internationale construit ses alliances en fonction de ses enjeux nationaux et non de ceux de ses partenaires. C'est ce que les Etats-Unis viennent de faire avec l'Australie, sans se préoccuper de Paris, il n'y a donc aucune raison pour que la France ne fasse pas de même en proposant en réponse un rapprochement avec la Chine ou la Russie pour compenser cette perte financière.
La France dispose également d'un levier qu'elle a sous-estimé depuis plusieurs années, celui de la reconnaissance diplomatique. À cet égard, Paris pourrait réaffirmer son statut de grande puissance en reconnaissant des territoires comme l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud sur la base de la convention de Montevideo, dans une démarche similaire à celle de De Gaulle lorsqu'il a reconnu la République populaire de Chine en 1964 et ce malgré les pressions de Washington. Une puissance internationale innove et agit en fonction de ses intérêts, et n'a pas peur de froisser ses alliés parce qu'elle a les ambitions de son autonomie. Telle était l'approche de la diplomatie de Napoléon et de De Gaulle, l'histoire nous dira si ce sera celle de Macron.
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Les autres pays de l'Union peuvent-ils réellement faire confiance à la France, tant sur le plan psychologique que matériel ? Les pays à l'est de l'Union comprennent-ils cette attitude ?
Au regard de la puissance militaire française contemporaine, Paris pourrait certes se substituer à l'Otan pour assurer la protection de l'Europe, mais elle ne serait pas en mesure de maintenir les mêmes standards que l'Otan. Dans ce contexte, il est plus pertinent pour les Etats membres de l’UE de rester proches de l'Alliance, pour ceux qui le souhaitent.
Les pays d'Europe centrale et orientale auront du mal à comprendre cette approche, elle sera même perçue comme une forme de rébellion, mais encore une fois la France et ces pays ne partagent pas les mêmes enjeux. Pour les Européens de l'Est, Moscou reste la principale préoccupation, alors que c'est désormais la Chine qui est prioritaire pour les nations de dimension internationale. Cela montre, une fois de plus, les divergences d'opinion entre un pays présent sur plusieurs continents et ceux qui ont une influence régionale.
La France va bientôt prendre la présidence tournante de l'Union européenne pour quelques mois. Est-ce le bon moment pour que le pays adapte une nouvelle stratégie ? Quelle stratégie devrait-elle adopter afin de maintenir son statut de puissance ?
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L'Union européenne est absente sur la scène internationale ou, au mieux, sa présence est limitée à l'économie. Pour survivre, Bruxelles n'a aujourd'hui que l'option suisse, c'est-à-dire commencer à repenser son approche sur un modèle politique, économique et militaire similaire à celui de Berne, qui est le seul exemple de coopération constructive entre plusieurs territoires aux religions, langues et cultures différentes.
En ce qui concerne la France, et au vu de l'état actuel de l'Union, il semble pertinent d’envisager de parler d'un retrait tout en maintenant une participation dans l'espace Schengen, ce que font la Suisse, la Norvège et l'Islande. Autrement dit, conserver les bons aspects de l'UE (circulation des biens et des personnes) tout en éliminant les mauvais (administration). Le choix de la Grande-Bretagne de se retirer de l'UE sans participer à Schengen a été son principal défaut, la France aurait intérêt à envisager de devenir une grande Suisse en Europe, en combinant le meilleur des deux mondes, voire en suggérant que toute l'UE s'inspire du modèle suisse pour son avenir. Si l'Union européenne ne s'inspire pas de la Confédération, elle continuera à perdre en influence jusqu'à son implosion.
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