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Voilà comment se passe le déconfinement à Wuhan (et ce que ça nous apprend sur la réalité de la violence de l’épidémie)
©NOEL CELIS / AFP

Règles strictes

Wuhan vit désormais au rythme de la levée progressive du confinement. Dans cette ville où la pandémie a commencé, le confinement est levé peu à peu. La population est enfin autorisée à sortir de chez elle. La ville de 11 millions d’habitants tente de revenir à la vie.

Emmanuel Lincot

Emmanuel Lincot

Professeur à l'Institut Catholique de Paris, sinologue, Emmanuel Lincot est Chercheur-associé à l'Iris. Son dernier ouvrage « Le Très Grand Jeu : l’Asie centrale face à Pékin » est publié aux éditions du Cerf.

 

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Atlantico.fr : Depuis le 28 mars dernier, date de fin du confinement, la vie reprend son cours à Wuhan. Mais, des règles strictes demeurent en place. Quelles sont ces règles ? Comment se déroule cette période de dé-confinement ?

Emmanuel Lincot : Elle est graduelle, par quartiers et secteurs d’activités avec des distances sociales entre ouvriers à l’heure des pauses déjeuners très strictes. Les ouvriers de la ville étant, eux, et pour les comparer aux employés et ouvriers français, masqués. Historiquement, j’y vois un double symbole: il y a un siècle, c’est l’ouvrier européen qui donnait le la d’une certaine idée du progrès social, de la responsabilité collective sur la base de laquelle, rappelons le, s’était construit le socialisme humaniste d’un Jaurès ou la social démocratie inspirée du message des Évangiles  d’un Marc Sangnier. Aujourd’hui, l’ouvrier modèle est Chinois et national-confucéen ! A Wuhan même, les opinions divergent: certains vivent le dé-confinement en louant l’effort du gouvernement, commotionnés par la perte de leur famille, disparue en un temps record et dont il ne reste plus que le souvenir traumatisant d’une urne que l’on vous remet à la hâte, sans cérémonie, sans explication...Tandis que d’autres contiennent leur colère sachant que les délateurs sont légions et qu’un mot prononcé trop haut peut à tout moment vous envoyer au bannissement social, en prison. Hasard du calendrier, ce retour progressif à ce que nous pourrions qualifier le retour - relatif - à une vie normale coïncide avec la fête des morts (qingming en chinois). Cette célébration qui durera durant les quinze premiers jours d’avril par tout le pays sera très contrôlée. Le Parti craignant d’éventuels débordements.

Wuhan demeure encore coupée du reste de la Chine. Le gouvernement chinois a-t-il annoncé combien de temps cette période de retour à la normal progressif allait durer ?

Ce que le gouvernement craint désormais, c’est une seconde vague de pandémie. Donc même si en haut lieu, on crie victoire, on se rend bien compte qu’il vaut mieux rester vague quant au calendrier futur. D’ailleurs, le crédit de l’Etat-Parti est nul auprès d’une part importante de la population comme de l’étranger. Il a menti sur le nombre réel des victimes. Il n’a pas pris à temps la mesure de cette crise. Bref, il a été défaillant. Action, réaction : maintenir un degré de vigilance sur l’état sanitaire de Wuhan est une façon pour Xi Jinping de se redonner une honorabilité qui a été sérieusement ternie. Ne jamais oublier non plus qu’en Chine, plus peut-être que partout ailleurs, les symboles ont davantage de valeur que les mots. Contrôler Wuhan a dans le contexte historique de la ville une valeur éminemment politique. Wuhan a été et reste dans l’imaginaire politique de la Chine moderne et contemporaine le foyer de toutes les révolutions. Celle que les aventuriers à l’époque d’Albert Londres appelait le « petit Chicago » ou que Mao Zedong surnommait la « petite Hongrie » (en référence aux insurgés de Budapest en 1956 que ses intellectuels tentèrent d’imiter) fut le foyer de la révolution de 1911 qui mit fin à 2000 ans de monarchie impériale. Sans compter, 1989 qui vit à Wuhan des manifestations estudiantines d’une ampleur comparable à celles de Tiananmen. Bref, contenir Wuhan revient symboliquement pour le régime à contenir les accès de fièvre contestataire dont ses habitants sont coutumiers.

Le gouvernement chinois propose actuellement son aide au reste du monde, et la vie reprend son cours en Chine. Cependant, si des règles strictes sont toujours en vigueur n'est-ce pas l'aveu, à demi-mot, que la bataille contre le coronavirus n'est pas encore remportée ?

C’est que l’impératif économique prend le dessus. Le choc de cette crise provoque une récession généralisée qu’il faut enrayer. Elle va être d’autant plus forte que l’économie américaine est en chute libre, que ses chômeurs ne vont cesser d’augmenter accélérant par là même le décrochage des deux premières puissances économiques et un repli généralisé du système mondial.

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