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Viande in vitro : entre faux espoirs 
et vraies solutions, comment gérer 
les pénuries alimentaires ?
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Nourriture du futur

Jamais à court d'idées, les chercheurs tentent d'imposer la culture de la viande in-vitro. Objectif : pouvoir gérer les pénuries alimentaires. Une promesse alléchante, certes, mais qui rencontre des barrages éthiques, bioéthiques et psychologiques.

Jean-François  Hocquette, Dominique Bauchart, Brigitte Picard et Isabelle Cassar-Malek

Jean-François Hocquette, Dominique Bauchart, Brigitte Picard et Isabelle Cassar-Malek

Jean-François Hocquette, Dominique Bauchart, Brigitte Picard et Isabelle Cassar-Malek sont chercheurs à l'INRA, spécialistes de qualité, physiologie, et nutrition de la viande bovine. 

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Une conférence de presse par des chercheurs hollandais à Vancouver le 20/02/2012 intitulée « Le premier hamburger fait avec des cellules souches bientôt une réalité » repose la question de la production artificielle des viandes.

Les experts s’accordent aujourd’hui autour de défis importants : d'abord, un accroissement démographique sans précédent, qui implique d’accroitre la production agricole pour satisfaire les besoins alimentaires (notamment en protéines) sans cesse croissants de la population humaine ; puis un changement des conditions climatiques préjudiciable à nos conditions de vie et en partie imputable aux activités humaines souvent polluantes; et enfin, une demande croissante des citoyens-consommateurs pour une alimentation plus saine et équilibrée, dont la production serait plus respectueuse du bien-être animal et des conditions environnementales. Face à des défis aussi importants et complexes, des innovations technologiques sont attendues. Un rapport de l’assemblée nationale (n°286 du 24/01/2012) insiste sur l’importance de ce processus d’innovation, « conséquence de la recherche », « conséquence des besoins de la population » et « facteur de dynamisme économique et social ». Dans ce contexte, des chercheurs hollandais proposent une innovation de rupture : la production de viande in vitro.

En effet, les chercheurs savent mettre en culture des cellules souches ou des cellules musculaires et les faire se multiplier dans des boîtes de Pétri ou des tubes sous atmosphère gazeuse contrôlée et dans un milieu contenant entre autres des nutriments (acides aminés, sources d’énergie, minéraux..), des facteurs hormonaux de croissance, et des antibiotiques. Ainsi, il est possible d’obtenir en laboratoire, mais avec un très faible rendement, une couche fine de fibres musculaires qui tapisse le fond des boîtes de culture.

En recherche, ce modèle est utilisé pour étudier le développement du muscle et comprendre l’origine de maladies comme les myopathies. Toutefois, pour une utilisation en production de viande, la culture in vitro ne permet pas de générer un tissu complexe, le muscle, qui contient des fibres musculaires mais aussi du collagène et des lipides. Ainsi est-il possible aujourd’hui de produire en faible quantité un agglomérat de cellules musculaires qui ne ressemble ni tout à fait à du muscle ni à un steak.

Pour passer au stade de la production industrielle, il serait nécessaire d’accroître les rendements des cultures de cellules grâce à l’utilisation d’incubateurs géants et d’améliorer la technologie pour aboutir à de la viande avec ses différentes composantes et qualités (nutritionnelle et sensorielle). Au delà des aspects technologiques, les coûts envisagés sont encore exorbitants (200 à 250 000 euros pour un hamburger) et les impacts environnementaux non négligeables (notamment en termes de consommation d’énergie) bien que très difficiles à évaluer. 

Comme toute innovation, la production de viande artificielle doit être évaluée à la fois en termes technologiques, économiques et sociétaux. Ce principe figure dans le fondement de la recherche publique dont les objectifs et les programmes sont co-construits de façon transparente en partenariat entre les chercheurs et les acteurs de la société.

Concernant l’acceptation par les consommateurs-citoyens, nombreux sont ceux qui souhaitent des produits aussi naturels que possible. La production de viande en incubateur nécessiterait des quantités importantes d’antibiotiques et d’hormones artificielles, au détriment de l’image naturelle du produit et l’on connait le refus d’une grande part des consommateurs pour le bœuf aux hormones, d'ailleurs interdit en Europe. D'autre part, au nom du principe de précaution, on peut aussi s’interroger sur les éventuelles modifications épigénétiques qui pourraient survenir lors de la culture des cellules in vitro.

Enfin, les consommateurs apprécient la diversité des caractéristiques des viandes (blanches, rouges, à cuisson lente ou rapide) et la diversité de leur saveur en fonction des morceaux ou des conditions de production des animaux.

La viande artificielle comme l’avait imaginée René Barjavel (Ravages) n’est pas encore pour demain et l’élevage a encore de beaux jours en perspective. Face aux impacts reconnus de l’élevage sur l’environnement (notamment la production de méthane par les herbivores), des leviers d’action existent pour en minimiser les effets. De plus, l’élevage a aussi des impacts positifs sur l’environnement, notamment dans l'entretien des paysages, le maintien de la biodiversité végétale et sur le tissu économique et social qui a besoin d'un maintien d’un tissu rural dans les zones difficiles où seul le pâturage est possible.

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