Vers une France bloquée à la rentrée ? Il n’y a pas que l’Assemblée nationale, les syndicats aussi grondent<!-- --> | Atlantico.fr
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La Première ministre Elisabeth Borne échange avec un syndicaliste CGT alors qu'elle distribue des tracts avec le candidat Renaissance dans le cadre de la campagne pour les élections législatives, le 9 juin 2022.
La Première ministre Elisabeth Borne échange avec un syndicaliste CGT alors qu'elle distribue des tracts avec le candidat Renaissance dans le cadre de la campagne pour les élections législatives, le 9 juin 2022.
©Damien MEYER / AFP

Rentrée sociale agitée

De nombreux salariés ont entamé des mouvements de grève à travers le pays (du commerce à l'aérien en passant par le secteur de l'énergie) pour réclamer une revalorisation salariale face à l’inflation. Risquons-nous de connaître un blocage du pays par les syndicats lors de la rentrée ?

Dominique Andolfatto

Dominique Andolfatto

 

Dominique Andolfatto est professeur de science politique à l’université de Bourgogne et un chercheur spécialiste du syndicalisme. Ses travaux mettent l'accent sur des dimensions souvent négligées des organisations syndicales : les implantations syndicales (et l'évolution des taux de syndicalisation), la sociologie des adhérents, la sélection des dirigeants, les modes de fonctionnement internes, les ressources, la pratique et la portée de la négociation avec les employeurs et l'Etat.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont 

- "Un échec français : la démocratie sociale", Le Débat, Gallimard, sept. 2019 (avec D. Labbé).

- "The French Communist Party Confronted with a World that was Falling Apart", in F. Di Palma, Perestroika and the Party, Berghahn, New York, 2019 : 

https://www.berghahnbooks.com/title/DiPalmaPerestroika

- "Faire cause commune au-delà de la frontière ? Le syndicalisme transjurassien en échec", in M. Kaci et al.,  Deux frontières aux destins croisés, Presses UBFC, Besançon, 2019.


- Chemins de fer et cheminots en tension , EUD / Ferinter, Dijon, 2018 :

https://eud.u-bourgogne.fr/sciences-sociales/623-chemins-de-fer-et-cheminots-en-tension-9782364412927.html?search_query=andolfatto&results=1

- "Organisations syndicales", in Y. Deloye et J. M. De Waele,  Politique comparée / Traités de science politique , Bruylant, Bruxelles, 2018 (avec D. Labbé) :

https://www.larciergroup.com/fr/politique-comparee-2018-9782802760771.html


- La démocratie sociale en tension, Septentrion Presses Universitaires, Lille, 2018 : http://www.septentrion.com/fr/livre/?GCOI=27574100096680

- Syndicats et dialogue social. Les modèles occidentaux à l'épreuve, P. Lang, Bruxelles, 2016 (avec S. Contrepois) : https://www.peterlang.com/view/9783035266177/9783035266177.00001.xml

- Les partis politiques, ateliers de la démocratie, Ed. uni. Bruxelles, 2016 (avec A. Goujon) : http://www.editions-universite-bruxelles.be/fiche/view/2768

 

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Atlantico : Après la déclaration de politique générale de la Première ministre Élisabeth Borne, la CGT et FO ont regretté que la question de la hausse des salaires n'ait « même pas été évoquée ». À l’appel de plusieurs syndicats un mouvement social a commencé à la SNCF perturbant les premiers départs en vacances. Et le 27 juin dernier la CGT a même appelé à bloquer des terminaux méthaniers et de gaz en pleine crise de l’énergie ce qui risque de peser sur les approvisionnements. Si la question du blocage de l’Assemblée nationale est dans toutes les têtes, risquons-nous aussi de connaître un blocage du pays par les syndicats ? Y a-t-il des signes qui indiqueraient une telle situation ? 

Dominique Andolfatto : C'est une hypothèse qui a peu de chance de se réaliser dans l’immédiat, surtout au cours de l’été. La France n’a d’ailleurs jamais connu de mouvements sociaux d’ampleur, en été, depuis 1953. Et, en 1993, lors de la première réforme d’ampleur du système des retraites, faite par le gouvernement Balladur, en plein été, les syndicats ne s’étaient pas mobilisés dans la rue contre celle-ci. Donc pour le moment, et pour les semaines à venir, le gouvernement n’a sans doute pas à redouter de mouvements sociaux, sauf à parler de mouvements ou grèves très ponctuels comme à la SNCF il y a quelques jours. Certes, cela peut très vite changer, à compter de la rentrée de septembre. Bien des éléments rendent la situation sociale inflammable et le gouvernement est – comme on le sait – minoritaire au Parlement. Mais cette situation, assez inédite, peut également l’aider car il ne sera pas tenté de passer en force, notamment s’agissant de questions sociales. Il doit faire preuve de prudence et de dialogue. Par contre, cela peut engendrer l’immobilisme et, à terme, une colère sociale plus ouverte, et pas seulement latente.

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Les syndicats pourraient-ils être tentés d’exploiter l’augmentation du gaz ou de l’inflation pour gagner des avantages sociaux ?

Les syndicats n’ont pas attendu le verdict des urnes pour se mobiliser sur la question du pouvoir d’achat et des salaires dans une période marquée par le retour de l’inflation. Des mouvements sociaux ont d’ores et déjà éclaté ici ou là. Mais il n’y a pas, pour le moment, de coagulation de ces « luttes ». Les syndicats se montrent plutôt attentistes ou responsables. Ont-ils d’ailleurs les moyens d’animer un mouvement d’ampleur quand on sait la rétractation des équipes syndicales dans le monde du travail. En outre, les syndicats sont absorbés par leurs agendas internes. FO et la CFDT viennent de tenir leurs congrès confédéraux. Une nouvelle direction se met en place à FO. La CGT prépare également son congrès confédéral de 2023 et le remplacement de Philippe Martinez. Pour autant, ce contexte n’a pas empêché dernièrement FO et la CGT de se montrer critiques à l’égard du nouveau ministre du Travail, Olivier Dussopt, qui manquerait de respect à l’égard de la négociation collective dans les différentes branches d’activité concernant l’évolution des salaires. Les syndicats refusent que le gouvernement passe en force, ignorant le contexte syndical et l’organisation des branches. Cependant, pour le moment, tout se passe encore à fleuret moucheté. On se trouve dans une phase d’observation. Il est vrai que le gouvernement n’est vraiment au travail et ne commence à dévoiler ses intentions que depuis quelques jours.

Du côté des syndicats, Élisabeth Borne est vue pour avoir un "Bilan très négatif" qui "maîtrise ses dossiers", mais très "dure en affaires". Alors qu’elle fait face à une opposition forte à l'Assemblée, elle promet de travailler avec les partenaires sociaux. Que cela soit avec la réforme des retraites ou celle de Pôle emploi en France Travail, les partenaires sociaux pourraient-ils réellement infléchir la Première ministre ? Le gouvernement pourrait-il être tenté de céder pour garder la paix sociale ?

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Par-delà les blocages, la non-représentativité des syndicats en question 

Tous les gouvernements, depuis la fin du siècle dernier, sinon depuis les années 1960, travaillent régulièrement avec les syndicats et, plus largement, avec les partenaires sociaux. Ainsi, bien des reformes tenant au travail, aux rémunérations, au dialogue social, au syndicalisme, à la protection sociale ou au système des retraites ont été – au moins partiellement – co-construites avec les interlocuteurs sociaux. Elisabeth Borne entend donc poursuivre dans cette voie qui n’a rien de nouveau. Le code du travail, d’ailleurs, oblige le gouvernement à rechercher le dialogue avec les partenaires sociaux pour tout projet de réforme touchant au travail, à l’emploi ou à la formation professionnelle. Certes, cela n’aboutit pas toujours et les partenaires sociaux sont bien souvent divisés entre eux, ce qui conduit les gouvernements à des arbitrages ou à imposer les solutions qu’il avait préparées. C’est justement parce que les partenaires sociaux sont divisés qu’il semble que la démocratie sociale est en panne. Dès lors, de façon récurrente, on va reprocher au gouvernement de ne pas respecter des « corps intermédiaires ». Mais les choix de ces derniers en termes de politiques publiques sont loin d’être unanimes. Cette situation avantage donc le gouvernement mais il doit naviguer avec habileté et éviter les écueils. Il peut considérer qu’il aura la maîtrise de la situation tant qu’il fera preuve de lucidité – parce que sa boussole est bien ajustée à la situation – et de sang-froid. Elisabeth Borne est sans doute bien armée ici. Mais les embuscades ou attaques plus frontales ne vont probablement pas manquer et elles ne seront pas seulement symboliques comme la motion de censure déposée par la Nupes en ouverture des travaux de la nouvelle Assemblée nationale.

Le gouvernement peut-il se permettre un blocage à la fois dans l’Assemblée ou dans la rue ? 

Evidemment non… comme tout gouvernement. Il va lui falloir déployer des trésors de dialogue et d’ingéniosité et, surtout, assurer que la « feuille de route » qui entend se donner – et donner au pays - est claire pour gouverner effectivement. Encore une fois la division des oppositions et des partenaires sociaux est un atout pour le gouvernement… Les opposants ne sont pas prêts pour le moment à tous se coaliser. Mais tout faux pas du gouvernement sera problématique et risque d’ouvrir une crise sociale… Certes, celle-ci n’est encore qu’une hypothèse. Le gouvernement doit donc se montrer perspicace pour éviter un tel retournement.

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