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Union au bord de la crise 
de nerfs : les Européens 
n’ont plus envie d’unité
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Je t'aime, moi non plus

Dans son rapport annuel, le think tank américain Pew Research Center fait le portrait d'une Europe nouvelle, marquée par la crise. Les divisions sur l'austérité, la monnaie unique ou encore les institutions européennes semblent être la nouvelle donne de l'Europe en 2012.

C'est en quelque sorte l'histoire de la fin du rêve européen entamé en 1957. A la crise économique, s'ajoute une crise de confiance dans la grande famille des 27. Symbole de cette fin de règne : la Grèce. Le pays terriblement affecté par la crise pointe du doigt l'Union européenne, les États membres qui la composent et la monnaie unique. Pourquoi ? Tout simplement parce que l'Europe est vue comme la responsable de leur chute de par ses politiques et ses choix. L’Allemagne exceptée, tous ou presque s'accordent pour dire que leur adhésion les a affaiblis. Histoire d'un désaveu partiel.

C'est avant tout l'unité entière qui est mise à mal depuis quatre ans, début effectif de la crise mondiale. Comme le constate le rapport du think tank Pew Research Center publié mardi 29 mai, seulement 34% des huit pays interrogés (Grande-Bretagne, France, Allemagne, Espagne, Italie, Grèce et République Tchèque) voient un vrai avantage dans leur intégration européenne. Seule l'Allemagne semble tirer son épingle du jeu et voir dans l'union européenne un vrai booster de son économie. Loin de l'éloigner de ses congénères européens, le pays de la chancelière Angela Merkel fait figure d'exemple et suscite même l'admiration. Seule la Grèce développe de très forts sentiments anti-germaniques. Le rapport stipule que 78% des personnes interrogées ont un avis négatif sur le pays. Un chiffre qui atteste avant tout du fossé qui sépare la Grèce des autres pays. Son indice de confiance a d'ailleurs chuté de 15 points ces derniers mois.

Le déclin d'unité est donc bien réel en Europe, mais se situe au-delà des clivages Nord / Sud - quasi-inexistants dans l'UE. La Grèce est mal vue mais la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne ont une bonne opinion de l'Italie et l'Espagne. Ces derniers se considérant comme les plus paresseux et corrompus. Image partagée par les pays du nord. Mais l'essentiel est en fait ailleurs.

La vision globale est presque secondaire. Il faut d'abord comprendre que l'érosion de l'unité européenne vient d'abord du manque de satisfaction généralisé des pays vis-à-vis de leur propre économie (87%). Les Européens accusent leurs banques et gouvernements d'être responsable de leurs problèmes. La tendance européenne est plutôt à la défiance dans les leaders. L'indice de satisfaction n'a jamais été aussi bas. Une tendance partagée par les voisins américains. Dans ce pessimisme latent, les pays européens sont préoccupés par trois thèmes centraux : le chômage, l'endettement public et l'inflation. Le trop-plein de pouvoirs des banques vient en quatrième position. Autre grief : le capitalisme. Lui aussi victime de la déviance des Européens. Des pays comme l'Espagne, la République Tchèque, la Pologne, l'Italie ou encore la Grèce ne sont pas persuadés que l'économie de marché soit la meilleure solution. Une position que ne partage pas la France, la Grande-Bretagne ou l'Allemagne.

Dans une perspective plus large, arrive ensuite en seconde position le projet européen en tant que tel. La Banque centrale européenne, l'institution et bien entendu la monnaie unique ont fait descendre de son piédestal une Europe "bien vue" vers  une position aujourd'hui nettement plus délicate notamment dans les pays de l'Est et du Sud. L'argument principal tient au fait que l'intégration européenne a affaibli l'économie. Une position hautement négative soutenue par la France, la Grèce, l'Italie et la Grande-Bretagne. L’Espagne reste divisée sur le sujet tandis que l'Allemagne pense l'inverse. Elle est d'ailleurs la seule ! Ces doutes ont conduit moult pays de l'UE à remettre en question leur adhésion plus par philosophie que par volonté propre, la plupart des insatisfaits souhaitant néanmoins y rester. Ces questionnements sans qu'ils ne déclenchent de conséquences immédiates créent par contre un véritable sentiment de réserve envers les institutions européennes. Ainsi, Bruxelles ne fait plus l'unanimité tout comme la Banque centrale européenne : 80% des Grecs,  65% des Espagnols, 53% des Français en ont une opinion négative.

Cette méfiance se reflète automatiquement dans l'euro. La monnaie unique génère un réel sentiment d'ambivalence. 17 pays l'ont adoptée mais près de la moitié considère aujourd'hui que c'est une mauvaise chose. Seules l'Allemagne et la Grèce sont persuadées de son apport positif. Paradoxalement,  il n'y a aucune volonté pour ces pays d'abandonner la monnaie unique et de retourner à leur monnaie de base. L'euro, le "je t'aime moi non plus" de l'Europe. Ce genre d'ambivalence n'existe pas chez les pays européens qui ne l'ont pas choisie (Grande-Bretagne, République Tchèque et Pologne). Aucun d'entre eux ne souhaite d'ailleurs faire ce choix à terme.

Le manque d'unité se traduit même jusque dans la crise en elle-même. Les pays restent divisés sur les réponses à y apporter. L'austérité en tête.  Elle a été le point central de la politique européenne ces derniers temps et pourtant, les Européens se déchirent à son sujet. 37% pensent que les politiques d'austérité devraient aller plus loin, 37% pensent qu'elles sont allées trop loin (Grande-Bretagne, République Tchèque et France) et 25 les considèrent comme ayant atteint le bon niveau. L'autre sujet de discorde vient des sauvetages financiers, symboles de la crise économique en Europe. De l'aide financière a bien été apportée à l'Irlande, au Portugal et à la Grèce. Pour autant, certains pays ne sont pas pour. C'est le cas de l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne. Seuls les pays dits du sud y sont favorables, puisqu'ils pourraient prochainement en bénéficier (si ce n'est déjà le cas).

Et puis le projet européen représente le spectre d'une perte de souveraineté budgétaire. Un pays européen sur deux refuse d'ailleurs de donner plus de pouvoirs à l'Union européenne. La supervision de Bruxelles sur les budgets nationaux est de plus en plus mal vue. C'est le fameux Pacte fiscal auquel s'opposent ouvertement l'Allemagne, l'Espagne, la République Tchèque et la Grande-Bretagne. Il devrait prendre effet le 1er janvier prochain.

L'Europe a été fortement touchée par 4 ans de crise économique. Le Sud ayant été moins épargné que le Nord. Dans le combat, la Grèce essentiellement a perdu, outre de l'argent, une grande part de sa réputation. Dans un extrême inverse, l'Allemagne apparait comme le pays leader de l'Europe, capable d'engendrer une réelle dynamique pour ses partenaires dans sa foi en l'Union européenne, mais aussi dans sa capacité à trouver des réponses à la crise à l'image de sa chancelière Angela Merkel. La France arrive en deuxième position, même si son appréciation par chaque pays reste discutable et bien moins tranchée que pour son voisin allemand. La troisième marche du podium est occupée par la Grande-Bretagne. Loin du fantasme du Robert Schuman, l'Europe reste avant tout une composition d'électrons libres désireux de s'en sortir séparément avant de privilégier le groupe tout en utilisant ses forces. Deux visions inséparables pour autant, qui créent sans doute la force européenne de demain. Pour preuve, malgré les dissensions, 60% des pays de l'Europe voit l'union de façon positive.

Valérie Meret

Note : Les résultats chiffrés figurant dans l'article ont été obtenus d'après un sondage téléphonique mené par le Pew Research Center

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