Une rupture complète à droite, ça pourrait ressembler à quoi ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Quelle peut être cette fameuse rupture ?
Quelle peut être cette fameuse rupture ?
©REUTERS/Regis Duvignau

Sarkozy, chiche ?

Dans une interview, Nicolas Sarkozy promet une "rupture complète" avec ce qu'a connu la France depuis trois ans. L'opposition sait contre quoi elle veut s'élever, mais sa diversité ne permet pas beaucoup de précisions sur la forme que prendra cette "rupture". Tour d'horizon des principaux souhaits des différentes composantes de la droite actuelle.

Dominique Jamet

Dominique Jamet

Dominique Jamet est journaliste et écrivain français.

Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d'une vingtaine de romans et d'essais.

Parmi eux : Un traître (Flammarion, 2008), Le Roi est mort, vive la République (Balland, 2009) et Jean-Jaurès, le rêve et l'action (Bayard, 2009)

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Gaspard Koenig

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig a fondé en 2013 le think-tank libéral GenerationLibre. Il enseigne la philosophie à Sciences Po Paris. Il a travaillé précédemment au cabinet de Christine Lagarde à Bercy, et à la BERD à Londres. Il est l’auteur de romans et d’essais, et apparaît régulièrement dans les médias, notamment à travers ses chroniques dans Les Echos et l’Opinion. 

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1 – Les libéraux

Pour eux, l'Etat prend trop d'importance, étouffe toute possibilité d'une croissance reposant sur l'entreprise individuelle dont la France aurait tant besoin, et pousse à l'irresponsabilité individuelle. Et toutes les politiques prétendument en faveur de l'entreprise lancées depuis 2012 ne sont que les nouvelles faces d'une économie dirigée.

Gaspard Koenig : Une rupture complète porterait sur les thèmes suivants.

- Une restructuration de la dette : Le plus grand blocage réside dans le poids de la dette. Aujourd’hui, le handicap de la dette est quelque chose de sous-estimé. Même si on emprunte à des taux quasi nul, c’est un obstacle essentiel pour de véritables réformes. Il serait important de réfléchir vite à une restructuration. Le sujet est vital aujourd’hui en Grèce et il le sera demain pour la France.

- Le revenu universel : Le second plus grand blocage est celui de l’inadaptation de nos politiques économiques à la société actuelle. Je crois que l’objectif de la croissance à tout prix s’appuie sur un ancien modèle : celui du plein emploi. Cette vision est dépassée. Elle appartient à l’ère industrielle et se trouve remise en cause par la révolution numérique. Le livre de l’économiste américain Tyler Cowen, Average is Over, témoigne bien du changement de paradigme en cours. De nombreuses études montrent que les emplois des tertiaires vont se réduire fortement et durablement. Une étude d’Oxford parle de 45% de destruction des emplois du tertiaire. Même chose pour le cabinet français Rolland Berger. Dans ces conditions, que va devenir la classe moyenne ? La transformation radicale du capitalisme (vers l’économie collaborative, pour les plus optimistes) rendra les politiques de croissance et de plein emploi désuètes. Aujourd’hui, le problème, c’est qu’on demande à l’entreprise de garantir le filet de sécurité. Cela reste ancré dans la vision de Beveridge, elle-même fondée sur le plein-emploi. Or, ce qui était logique après-guerre n’a plus de sens à une époque où le salariat tend à disparaître, cédant de plus en plus la place à un grand nombre d’indépendants, d’auto-entrepreneurs... Donc il faut remettre le minimum vital à la charge de l’Etat.

- A cela s'ajoute d'autres thèmes : la liberté d'expression, le droit de disposer librement de son corps, l'abolition du statut de la fonction publique et le rebasculement des droits sociaux en droits portables par l'individu (retraite, droit du travail, etc.).

2 – Les conservateurs

Leur reproche par rapport à 2012 ? Ce qu'a fait la gauche pour enfoncer le système de valeurs traditionnelles, notamment avec le Mariage pour tous. Opposants farouches aux "réformes sociétales", ils n'acceptent plus une gauche qui empile des mesures pour casser les structures traditionnelles.

Dominique Jamet : Il y a dans la droite un courant conservateur "traditionnaliste" qui souhaite revenir sur le Mariage pour tous, évidemment. Et sans parler de revenir sur l'IVG, il s'agirait d'adopter une position de fermeté absolue face à la gestation pour autrui et aux conceptions médicalement assistées. Il peut y avoir aussi une certaine volonté de défendre une France équilibrée autour d'un monde rural et de structures traditionnelles de l'organisation administrative et territoriale de la France.

3 – Les souverainistes

La perte d'influence d'une France dans le monde, et de sa souveraineté dans une Europe toujours plus lointaine est leur crainte. Et la politique menée depuis 2012 avec une France qui ne regagne en rien son influence passée est leur souci premier.

Dominque Jamet : Il y aurait rupture si on détricotait ce qui a été fait, bien avant 2012 d'ailleurs, lors de ce qui a été négocié pour le Traité de Lisbonne, voire lors de Maastricht. Ce serait même un retour fondamental si cela s'accompagnait d'une dénonciation des traités sur l'espace Schenghen. Une rupture avec ce qui s'est fait depuis 2012 reposerait sur les mêmes bases, c’est-à-dire une renégociation de tous les accords qui nous lient à l'Europe pour que la France retrouve la maîtrise de ses frontières, de ses budgets, de sa monnaie et de ses lois.

4 – Les opposants au "politiquement correct"

Leur crainte ? Une société toujours plus lisse où la diversité des discours tend à disparaître, et où chaque opinion sortant du "politiquement correct" est immédiatement frappée d'anathème.

Dominique Jamet : Un signe fort serait une réflexion, et peut-être un retour, sur les nombreuses lois venues limiter la liberté d'expression et d'opinion. Je pense aux lois pénalisant ce que l'on prétend appeler l'homophobie, l'islamophobie, etc. Il s'agirait de desserrer le carcan qui se referme sur la liberté d'expression. Le but serait de laisser les pensées hétérodoxes s'exprimer non seulement dans l'édition, mais aussi dans les médias, la radio, la télévision. On a le sentiment en effet, peut-être avec excès, que certains ne peuvent exprimer leurs idées dès lors qu'elle déroge au courant principal. Ce courant de la droite n'a par contre pas forcément d'unité sur la question économique.

Entre ces différentes familles, qui prend le dessus pour représenter aujourd'hui, en 2015, l'opposition principale ?

Dominique Jamet : La tendance est manifestement à la "droitisation de la France". Nicolas Sarkozy est tenté d'aller plutôt vers le courant conservateur, c’est-à-dire surtout vers les électeurs UMP qui se sont détournés de lui pour se laisser tenter par le Front national. Mais finalement, Nicolas Sarkozy – et on le voit dans sa déclaration sur la "rupture" – est très sensible au courant de l'époque, notamment via les gages qu'il donne dans les réunions politiques qu'il anime.

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