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Une rencontre Netanyahu-Macron marquée par l’annonce par Téhéran de sa volonté de reprendre l’enrichissement de l’uranium
©CHRISTOPHE PETIT TESSON / POOL / AFP

Diplomatie

La rencontre entre Emmanuel Macron et Benjamin Netanyahou, ce mardi 5 juin à Paris, menée dans le cadre d'une tournée européenne par le Premier ministre israélien, a été dominée par la question iranienne. Benjamin Netanyahou a ainsi essayé de convaincre le président français de la nécessité de contenir l'influence iranienne au Moyen-Orient.

Jean-Sylvestre Mongrenier

Jean-Sylvestre Mongrenier

Jean-Sylvestre Mongrenier est docteur en géopolitique, professeur agrégé d'Histoire-Géographie, et chercheur à l'Institut français de Géopolitique (Université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis).

Il est membre de l'Institut Thomas More.

Jean-Sylvestre Mongrenier a co-écrit, avec Françoise Thom, Géopolitique de la Russie (Puf, 2016). 

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  1. La rencontre entre Emmanuel Macron et Benjamin Netanyahou, ce mardi 5 juin à Paris, menée dans le cadre d'une tournée européenne par le Premier ministre israélien, a été dominée par la question iranienne. Benjamin Netanyahou a ainsi essayé de convaincre le président français de la nécessité de contenir l'influence iranienne au Moyen-Orient. Cette rencontre a-t-elle pu produire une évolution des positions de l'une ou l'autre des parties ?

Jean-Sylvestre Mongrenier : De fait, c’est la question essentielle. D’autant plus que le jour même, Téhéran notifiait à l’AIEA sa volonté de reprendre l’enrichissement de l’uranium au-delà de 3,67%. D’aucun font un parallèle avec la décision de Donald Trump de sortir les Etats-Unis de l’accord nucléaire, mais il doit être rappelé que Téhéran est signataire du Traité de non-prolifération (1968). Ce texte ne reconnaît pas un quelconque droit à l’enrichissement de l’uranium et le régime irano-chiite n’en respecte pas les termes. Il suffit pour s’en convaincre de se reporter au texte dudit traité d’une part, de l’autre au contenu des différentes résolutions qui ont été votées par le Conseil de sécurité au long de cette crise nucléaire rampante. Le chef du gouvernement israélien est très déterminé à faire respecter un certain nombre de « lignes rouges » et l’armée israélienne s’y emploie.

A plusieurs reprises, Tsahal a bousculé Moscou, en frappant sur le sol syrien des cibles iraniennes ou autres. On n’imagine donc pas Benjamin Netanyahou se rallier aux arguments d’Emmanuel Macron qui semblent assez faibles et dépassés par la dynamique de la situation. Il est vain d’expliquer que cet accord est la moins mauvaise des solutions lorsque, sur le terrain, c’est bien une guerre qui est amorcée. Il est certes possible de nuancer le diagnostic - en parlant de « conflit de faible intensité », d’« incidents » ou encore de « frappes » -, mais les faits sont là : l’impérialisme irano-chiite et ses agissements provoquent des chocs en retour. Faut-il s’en étonner ? Si l’on a une vision dialectique de l’Histoire, on comprend que toute actualisation d’un phénomène potentialise sa contradiction.

Il est d’ailleurs frappant de constater que le discours français et européen, une fois avoir rappelé de manière rituelle l’importance de cet accord, se déplace très vite sur le terrain économique et commercial. Les parts de marché seraient-elles plus importantes que les intérêts de sécurité de nos alliés régionaux et, à brève échéance, les nôtres ? Faudrait-il faire cause commune avec le régime irano-chiite, contre les Etats-Unis, Israël et les régimes irano-chiites ? Ce n’est certainement pas ce que pensent le chef de l’Etat et la quai d’Orsay, mais il serait bon de ne pas embrouiller l’opinion publique avec de vaine rhétoriques et des postures inadéquates.

Comment interpréter la position européenne, notamment suite à la rencontre entre Benjamin Netanyahou et Angela Merkel ce 4 juin ? Peut-on parler de front uni européen, ou existe-t-il des divergences entre les capitales européennes ?

La position « européenne » est celle du trio Paris-Londres-Berlin, partie prenante des accords signés dans le cadre des « 5 + 1 » (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité plus l’Allemagne), avec le soutien officiel de l’UE et de son Haut Représentant pour la PSDC (Politique de défense et de sécurité commune), Madame Mogherini. Officiellement, l’UE-3 (le trio mentionné plus haut) est à l’origine des négociations et de cet accord, ce qui explique en partie l’attachement « européen » à ce texte. Cela dit, Barack Obama avait son propre canal de négociation avec Téhéran (des négociations secrètes ont notamment été organisées à Oman). C’est sa volonté de conclure un accord historique– au point de laisser toute latitude d’action aux Pasdarans en Syrie et de renoncer à faire appliquer ses « lignes rouges » sur les armes chimiques -, qui explique l’aboutissement des négociations.

On peut aussi penser qu’un certain nombre d’Etats européens, notamment parmi ceux qui sont favorables à la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, ne constituent pas des appuis très solides. D’une manière générale, la faiblesse de la position du trio réside dans le fait que ces gouvernements n’ont absolument rien obtenu de l’Iran sur l’après-2025 (prolongation d’un certain nombre de clauses), la limitation du programme balistique ou l’expansionnisme irano-chiite. Ces trois capitales avalisent le diagnostic américain sur les graves insuffisances de l’accord de 2015, à raison, mais elles se contentent d’invoquer sa perpétuation.

De fait, elles n’ont guère autre chose à proposer que d’attendre un illusoire geste de bonne volonté des dirigeants iraniens. A tout le moins, il leur faudrait envisager des moyens de rétorsion à l’encontre de l’Iran, en raison de son programme balistique et de sa politique de domination de la zone, du golfe Arabo-Persique à la Méditerranée orientale. Leur refus du conflit avec l’Iran débouche sur la paralysie : cet accord nous dissuade d’agir. Pendant ce temps, les alliés régionaux, de l’UE-3, d’Israël au golfe Arabo-Persique, se mettent en ligne avec Washington. Comment prétendre peser dans la région si l’on ne sait pas prendre en compte les intérêts de sécurité de ses alliés ? Dans une alliance ou un partenariat stratégique, un minimum de réciprocité est requis.

La question palestinienne a pu être reléguée au second plan lors de cette rencontre, malgré les protestations politiques qui y sont liées par certains membres de l'opposition. Comment mesurer la position française sur cette question ?

Il est vrai que la France est discrète sur la question. Un simple rappel des positions de la diplomatie française à propos de la création d’un Etat palestinien. Progressivement, la question est devenue secondaire, aussi bien aux yeux des capitales arabes - accaparées par d’autres problèmes géopolitiques (menace irano-chiite, islamisme, terrorisme) et les conséquences du mal-développement - que ceux des capitales européennes. La France comme les autres Etats européens n’ont tout simplement pas la volonté et la capacité d’influencer positivement la situation locale, moins encore de « remodeler » le Proche-Orient. Les Européens sont accaparés par leurs problèmes propres et ont d’autres priorités sur le plan extérieur.

Peut-être faudrait-il enfin admettre que la question palestinienne, d’une ampleur limitée par rapport aux conflits régionaux, n’est pas « la mère de toutes les guerres ».  L’expansionnisme irano-chiite, le djihadisme global, l’irrédentisme kurde et, au total, le risque d’une grande guerre interétatique au Moyen-Orient, avec de graves prolongements internationaux, ont éclipsé la question palestinienne. Même les Etats de l’ancien « front du refus » - un regroupement qui avait pris forme après l’accord de paix israélo-égyptien (depuis renforcé par l’accord israélo-jordanien) -, se désintéressent de la question palestinienne.

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