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Une grève pour quoi ? Le regroupement SNCF - RFF est peut-être insuffisant mais va dans le bon sens
©Reuters

Tchou-tchou

Quatre syndicats de cheminots appellent à une grève nationale reconductible à partir de ce mardi 10 juin au soir. Objectif : obtenir des améliorations concernant le projet de loi sur la réforme ferroviaire.

Alain Bonnafous

Alain Bonnafous

Alain Bonnafous est Professeur honoraire à l’Université de Lyon et chercheur au Laboratoire d’Economie des Transports dont il a été le premier directeur. Auteur de nombreuses publications, il a été lauréat du « Jules Dupuit Award » de la World Conference on Transport Research (Lisbonne 2010, décerné tous les trois ans).

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Atlantico : Plusieurs syndicats dont la CGT-cheminots, Sud-rail, FO et First appellent à une grève nationale à compter de ce mardi 10 juin 19h. En cause, le projet de réforme ferroviaire prévoyant la réorganisation de le SCNF et de réseau ferré de France (RFF). Concrètement que va changer cette réorganisation ?  

Alain Bonnafous : Ce n’est pas la réorganisation en elle-même, au sens des rôles respectifs de RFF et de la SNCF ou de la gouvernance du système, qui provoque ces réactions. Il y a dans le projet de loi des dispositions susceptibles de mettre en cause des acquis sociaux auxquels les cheminots sont évidemment attachés : une négociation est prévue qui doit déboucher sur une convention collective à laquelle seront soumises toutes les entreprises ferroviaires et qui devrait, en particulier, homogénéiser la durée du travail.

On peut illustrer le problème posé en rappelant des données évoquées lors des Assises du ferroviaire par un haut responsable du fret ferroviaire à la SNCF : on compte 210 jours ouvrés pour le personnel roulant chez les nouveaux entrants contre 150 à 160 officiellement à la SNCF. Les premiers ne cessent de gagner des parts de marché aux dépends de la SNCF, mais pour les syndicats grévistes, la question est de savoir où se situera le curseur de la  norme commune et de ralentir autant que possible cette homogénéisation.

Cette réforme pourra-t-elle permettre comme l'affirme Frédéric Cuvillier, secrétaire d'Etat aux Transports, de "peser dans le débat sur l'avenir du rail en Europe" ? Comment ? 

Pour reprendre l’exemple précédent, la norme européenne est de plus de 200 jours ouvrés et personne n’entend la réduire et augmenter ainsi les coûts de production du système. Peser dans le débat ne peut pas signifier obtenir un alignement des systèmes ferroviaires importants sur l’un des moins performants (le notre).

 Cela pourrait en revanche correspondre à une interprétation restrictive du « quatrième paquet ferroviaire » qui doit déboucher sur une ouverture à la concurrence des transports conventionnés, en particulier des transports régionaux. Aucun des pays qui ont choisi de mettre en concurrence l’opérateur historique n’a l’intention de revenir en arrière ; surtout pas la RFA dont certains transports régionaux sont assurés par des opérateurs français et qui revendique la réciprocité de cette mise en concurrence.

Je ne vois pas en quoi la réforme envisagée permettra de peser au niveau européen.

L'unification de la SNCF et de RFF a également pour objectif de dégager des économies sur les dettes des deux organismes s'élevant à 40 milliards d'euros. Combien l'Etat peut-il espérer économiser grâce à cette unification ? Cela sera-t-il suffisant ?

Ce n’est pas "l’unification" de la SNCF et de RFF dans un même holding qui devrait permettre des économies mais le regroupement au sein de SNCF Réseau des activités de RFF, de la Direction de la Circulation Ferroviaire (DCF) ainsi que de la "Direction Infra" de l’actuelle SNCF. L’autre EPIC, SNCF Mobilité conservera évidemment toutes les activités de transport.

En l’état actuel du projet de loi, les espoirs d’économie me semblent résider dans le regroupement de toutes les missions du réseau : investissement et entretien, détermination des sillons horaires, proposition de péages, etc. A l’inverse on peut craindre qu’en son état actuel ce projet donne à l’EPIC SNCF Mobilité un pouvoir renforcé en désignant son président comme numéro un du directoire du holding (et celui de SNCF Réseau comme numéro 2 !).

Comment espérer que le principal facteur de l’efficacité économique du système, qui a été jusqu’ici l’amélioration régulière de la couverture des coûts du réseau par les péages (de moins de 20 % en 1997 à plus de 83 % en 2012), puisse se confirmer avec un patron du réseau placé sous l’autorité du patron du transporteur historique ? D’autant que le projet de loi prend soin de vider de sa substance le rôle du régulateur (l’ARAF) dont les avis, en particulier sur les péages, deviennent simplement consultatifs.

Heureusement le bruit court que qu’il y a quelque compétence nouvelle dans un des cabinets des ministres concernés et que des amendement bien choisis pourraient améliorer les choses.

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