UDI : ce qui se cache derrière les gros cadeaux faits par Nicolas Sarkozy à Jean-Christophe Lagarde <!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Christophe Lagarde, leader de l'UDI.
Jean-Christophe Lagarde, leader de l'UDI.
©LUDOVIC MARIN / AFP

Père Noël

En vue des élections régionales, plusieurs membres des Républicains protestent contre les positions avantageuses données par Nicolas Sarkozy aux candidats centristes. Des offres généreuses au regard de leur représentation réelle, mais qui ne sont pas désintéressées pour autant.

Carine Bécard

Carine Bécard

Carine Bécard est journaliste politique à France Inter.

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Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Atlantico : Proportionnellement, l'UDI est-elle vraiment surreprésentée ? Dans quelle région, outre l'Aquitaine, la question peut-elle se poser ?

Carine Bécard : L’accord électoral a été scellé entre Nicolas Sarkozy et Jean-Christophe Lagarde il y a quelques mois. Nous savions que l'accord privilégiait largement les centristes. Nicolas Sarkozy a clairement décidé de leur faire un cadeau.

Christelle Bertrand : Oui, l’UDI a été particulièrement bien doté. C’est un beau cadeau qui a été fait à Jean-Christophe Lagarde ainsi qu’à François Bayrou par Nicolas Sarkozy. Alors qu’ils représentent moins de 10% des électeurs (9,94% aux européennes de 2014, seule élection où ils y sont allés unis) et moins de 6% des députés, l’accord national décidé en juin prévoyait d’accorder entre 25 et 33 % des sièges aux partenaires centristes en fonction des rapports de forces locaux. En Ile de France, par exemple, un tiers des places sur les 24 éligibles reviendraient aux centristes : 3 pour le MoDem et 5 pour l’UDI. Dans la région Nord Pas de Calais Picardie l’accord prévoit que l’UDI aura un tiers des sièges éligibles sur la liste et un 1/3 des représentations dans le futur exécutif et la future commission permanente.

Pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il voulu faire ce cadeau à l'UDI ? Quelle est sa stratégie ? 

Carine Bécard  : Pour différentes raisons. La première est qu'il a envie d'avoir un candidat centriste à la primaire dans le but d’affaiblir Alain Juppé. Même s'il ne fait pas forcément un score élevé, cela peut être un moyen pour Nicolas Sarkozy d'enlever potentiellement des voix à Alain Juppé, celui qu'il considère aujourd'hui comme son principal adversaire. Il est possible qu'il fasse le même calcul avec Nathalie Kosciusko-Morizet. La députée se pose pour le moment la question de savoir si elle peut rassembler les vingt parrainages parlementaires nécessaire. Si cela est difficile pour elle, on peut imaginer que Nicolas Sarkozy l'aide à les récolter. Pour lui, tout est une question de stratégie : si elle prend des voix, cela ne sera certainement pas dans son électorat, vue la ligne politique classique qu'on lui reconnait, mais elle prendra des voix à Alain Juppé. Il y a donc cette volonté classique en politique d'affaiblir l'adversaire.

Ensuite,  si l'on observe Nicolas Sarkozy depuis la rentrée en septembre, il ne semble plus être sur la ligne dure que nous avons jusque-là connue. Il n'est absolument pas dans la ligne politique qu'il a affirmé en 2012. Il assumait alors une ligne très droitière où il flirtait presque sur certains thèmes avec le FN. Depuis septembre, il n'essaye pas de reprendre les thèmes du Front National. Il attaque Marine Le Pen, essentiellement sur les disputes qui résident au sein de la famille, mais il n'essaye plus d'être sur le terrain du FN. Nous sentons réellement sa volonté de se recentrer. Derrière cela, il chercher à développer une stratégie pour 2017. Je pense qu'il ne fait pas le calcul de gagner sur la droite, mais de récupérer l'électorat plus centriste : les déçus du Hollandisme qui sont très nombreux. Nous allons au fur et à mesure de la campagne découvrir un Nicolas Sarkozy beaucoup plus centré. Si nous écoutons ses discours de ses derniers temps, il n'est plus du tout le Sarkozy buissonien que nous avons pu connaître jusque-là.

Et selon vous, Christelle Bertrand ?

Christelle Bertrand : Il s’agissait dans un premier temps et avant tout pour Nicolas Sarkozy de gagner ces élections et donc de faire l’union de la droite. Les centriste eux n’étaient pas franchement enthousiastes. Ils ont fait monter les enchères notamment en Rhône Alpes où ils étaient peu convaincus par la personnalité très à droite de Laurent Waquiez. Nicolas Sarkozy lui avait beaucoup à perdre d'une désunion car il veut apparaitre comme le grand gagnant de ce scrutin afin de montrer sa capacité à l’emporter sur le PS et sur le FN en 2017. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il multiplie actuellement les déplacements. Or sans union, une franche victoire était inimaginable compte tenu du nombre de triangulaires envisageables.

Mais Nicolas Sarkozy avait un deuxième objectif, les primaires de 2016. Il espère ainsi en cajolant les centristes obtenir de leur patron qu’il ne se présente pas contre lui. Certes celui-ci pourrait mordre quelque peu sur l’électorat d’Alain Juppé mais surtout, la présence d’un candidat non Républicain élargirait le débat et donc son intérêt médiatique et sa popularité. Or c’est bien sur une large participation qu’Alain Juppé fonde tous ses espoirs, la volonté de Nicolas Sarkozy étant de réduire le nombre d’électeurs afin que seul le noyau dur des Républicains, qui lui est favorable, se mobilise.

Est-ce que sa stratégie peut fonctionner ?

Carine Bécard : Jean-Christophe Lagarde a extrêmement bien négocié son accord. Il a bien précisé que ce n'est pas parce qu’il y a trois têtes de liste UDI et 30% de candidats UDI sur les listes qu'il sera nécessairement candidat à la primaire organisée par Les Républicains. Un congrès doit avoir lieu au printemps 2016. A l'issue de ce congrès ils décideront ou non de se présenter aux primaires. L'ancien président aura beau essayé de convaincre Jean-Christophe Largarde, ou de lui faire peur, je pense que cela ne prendra pas. Sinon, ils se seraient déjà mis tous les deux d'accord au moment où ils ont négocié cet accord politique. Et comme il n'a pas flanché à ce moment-là, je ne vois pas pourquoi il flancherait maintenant. C'est donc tout gagné pour Jean-Christophe Largarde.

Qu'est ce qui pourrait empêcher Jean-Christophe Lagarde de se présenter ? Est-ce que la stratégie de Nicolas Sarkozy peut supprimer le risque qu'un candidat UDI se présente ?

Christelle Bertrand : Bien sûr que non, c’est un pari sur l’avenir. C’est vrai qu’il sera compliqué pour un candidat centriste de dire : "je me présente contre quelqu’un qui a été généreux avec moi aux régionales", mais tout est possible, il y a dix mille façons de mettre en scène et de justifier un candidature centriste. De plus si Jean-Christophe Largarde se sent contraint par ses engagements, d’autres peuvent avoir envie de participer à ce grand casting de la droite. On sait l’audience que tous les candidats aux primaires du PS en ont retiré, qui connaissait Jean-François Baylet avant les primaires de 2012 ? Hervé Morin aurait, par exemple, pu être intéressé et c’est sans doute pour ça qu’il a obtenu la tête de liste en Normandie même s’il n’y avait pas véritablement de rival de poids chez les républicains. En revanche dans la région Centre, le leader de la Droite forte, Guillaume Peltier, a dû accepter de ne pas être la tête de liste au profit de Philippe Vigier. Alain Joyandet, quant à lui, a dû se rallier au profit du centriste François Sauvadet, alors qu’il avait lancé sa campagne à Dijon dès le mois de décembre 2014. La pilule a été dure à avaler. Mais il fallait neutraliser tout le monde dans la perspective de 2016.

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