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Trop d’inquiétude ou pas assez ? Les éléments pour comprendre le retour du Coronavirus
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

Deuxième vague ?

Le nombre de cas de Covid-19 est reparti à la hausse dans certaines régions, ce qui laisse craindre une reprise de l'épidemie.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Face à la hausse des cas de contamination à la CoVid 19 dans certaines régions, le gouvernement en fait-il assez (notamment aux frontières et dans le suivi des quarantaines) ?

Stéphane Gayet : Actuellement, l’épidémie de CoVid-19 en France est difficile à suivre, en raison de la confusion qui règne avec les différents indicateurs disponibles.

Il me semble utile de préciser qu’un indicateur est une grandeur numérique qui contribue à rendre compte d’un phénomène que l’on considère comme important à étudier. Un indicateur est toujours le fruit d’une construction de l’esprit humain. Pour renseigner un indicateur, c’est-à-dire obtenir la valeur qu’il prend à un moment donné, on doit effectuer une ou plusieurs mesures ainsi que des calculs.

Étant donné que la valeur qu’il prend varie dans le temps - c’est là tout son intérêt -, il faut renseigner régulièrement un indicateur : soit tous les ans, tous les trimestres, tous les mois, toutes les semaines, tous les jours, toutes les heures, etc.

Un exemple très classique d’indicateur : le nombre de personnes mortes chaque année en France dans les suites d’un accident de la circulation.

Face à la valeur que prend un indicateur à un moment donné, il faut à la fois situer cette valeur par rapport aux valeurs déjà enregistrées antérieurement, et bien comprendre la signification de cet indicateur, ce qui n’est pas souvent facile.

Avec la CoVid-19, on ne sait plus à quel indicateur se fier, étant donné toutes les informations dont nous sommes abreuvés chaque jour, voire plusieurs fois par jour. Très honnêtement, il devient difficile de comprendre ce dont on parle. On nous parle de nombre de contaminations, de nombre d’infections, de nombre d’hospitalisations, de nombre de décès…

On nous dit que le virus circule et qu’il circule encore plus…

Le schéma ci-dessous se propose de clarifier les informations.

La contamination est l’événement au cours duquel une personne reçoit le virus en grande quantité. Elle est imperceptible et ne permet pas de prévoir l’avenir : la contamination peut avorter ou bien préparer une infection. Dans cette deuxième éventualité, l’incubation commence. L’incubation est le plus souvent dite « silencieuse » (ni symptôme ni signe). L’incubation de la CoVid-19 dure en moyenne de 5 à 6 jours. À la fin de l’incubation, commence la phase virologique : la personne excrète le virus dans ses voies respiratoires, ce qui la rend contagieuse (alors qu’elle est encore asymptomatique : elle ne ressent rien). Le test de détection virologique (test dit PCR qui recherche l’ARN du virus dans l’arrière-gorge ou pharynx) devient donc positif. Puis commence la maladie apparente : l’invasion en est le début ; elle est suivie de la phase d’état. Quand la maladie s’aggrave – essentiellement sur le plan respiratoire -, cette aggravation (qui conduit en principe à une hospitalisation) se produit en général 8 à 9 jours après le début de l’invasion. Lorsque l’évolution est favorable, la guérison commence ; mais la phase d’état peut durer jusqu’à un mois et même plus. Le test PCR peut rester positif encore quelques jours (c’est très variable). Il faut bien avoir à l’esprit que beaucoup de personnes ont une phase d’invasion et une phase d’état discrètes (elles sont peu malades et donc non alitées).

La convalescence ou analepsie commence ensuite. C’est à ce moment que les anticorps (phase sérologique) commencent à apparaître dans le sang (mais c’est très variable également : ce peut être avant ou après). Les anticorps (test sérologique positif) peuvent persister longtemps à un taux élevé après la guérison. Chez certaines personnes au contraire, ils sont à un taux si faible qu’ils ne sont pas détectés par l’analyse (ce cas est tout de même très minoritaire).

Ainsi, on ne sait pas bien ce dont on nous parle dans les médias. Il peut s’agir de personnes encore en incubation et déjà détectables et donc détectées par méthode PCR, de personnes infectées, détectées par méthode PCR et ayant des signes et des symptômes suffisamment modérés (personnes dites « malades pauci-symptomatiques ») pour leur permettre de conserver une activité, de personnes détectées par méthode PCR et déjà guéries, etc.

Ainsi, pour répondre à la question posée, je suis un peu gêné, car les médias jonglent avec les indicateurs, tant et si bien que l’on ne s’y retrouve plus. Je le répète, on ne sait pas très bien ce dont on parle. Il faut être plus précis quand on cite des indicateurs. Il est clair que, plus on réalise de tests PCR et plus on découvre de personnes positives : mais quel est le statut infectieux précis de ces personnes positives ?

Cela dit, je pense que l’on en fait assez sur le plan des mesures préventives. Le port du masque est obligatoire depuis lundi 20 juillet dans tous les bâtiments accueillant du public ; j’ai vu des contrôles de police et il y a tout lieu de penser que cette nouvelle réglementation soit efficace.

Concernant les frontières, le gouvernement envisage de filtrer les personnes venant de sept pays fortement touchés par la CoVid-19 (test PCR rapide et mise en « quatorzaine » s’il est positif), ce qui est une mesure assez logique.

Pour autant les chiffres des contaminations sont-ils vraiment inquiétants ?

Encore une fois, il faut être précis quand on cite des indicateurs. Le sous-site Géodes de Santé publique France fournit chaque jour des informations épidémiologiques actualisées.

Les indicateurs disponibles y sont nombreux. J’en ai retenu trois plus un (plus un, car le quatrième se déduit du deuxième et du troisième).

Les voici :

1. Le nombre quotidien de personnes nouvellement hospitalisées pour CoVid-19 (pour toute la France et tous âges confondus). Ce premier indicateur est spécifique (peu de faux positifs : personnes qui seraient hospitalisées, mais pas pour CoVid-19) et sensible (peu de faux négatifs : personnes qui ne seraient pas hospitalisées alors qu’elles ont pourtant une forme grave de CoVid-19). Étant donné que l’on considère qu’environ 5 % des personnes infectées développent une forme grave, cet indicateur représente de l’ordre du vingtième du nombre de personnes réellement infectées de la CoVid-19. Il a toutefois l’inconvénient de son décalage : il augmente environ 14 jours après le nombre d’incubations débutantes (5 à 6 jours plus 8 à 9 jours). Sur le graphique ci-dessous, cette courbe est en bleu.

2. Le nombre quotidien de personnes testées par PCR (pour toute la France et tous âges confondus). Sur le graphique ci-dessous, cette courbe est en rouge. Attention : j’ai divisé toutes les valeurs par 100 pour permettre à cette courbe de figurer à côté des autres (pour obtenir les vraies valeurs, il faut multiplier les valeurs de la courbe par 100). Comme la courbe de l’indicateur suivant, elle ne commence que le 13 mai, car la façon de procéder a changé à partir de cette date.

On voit nettement que le nombre de prélèvements PCR est en hausse depuis le 29 juin. Pourquoi ? Ce qui est gênant avec cet indicateur, c’est qu’il n’existe pas une, mais plusieurs indications de prélèvement PCR, d’où le manque d’homogénéité de cet indicateur et les difficultés de son interprétation.

3. Le nombre quotidien de personnes testées positives par PCR (pour la France et tous âges confondus). Sur le graphique ci-dessous, cette courbe est en vert. On voit que, pendant une à deux semaines après le début du déconfinement (lundi 11 mai), le nombre de personnes testées positives par PCR était relativement important par rapport au nombre de personnes testées (taux de positivité), et qu’ensuite les deux courbes se sont rejointes. Actuellement, le nombre de tests positifs augmente parallèlement au nombre de tests ; ceci permet d’affirmer que les tests ne nous apprennent rien d’inquiétant.

4. Le taux quotidien de positivité des tests PCR (pour la France et tous âges confondus). Sur le graphique ci-dessous, cette courte est en violet. Attention : j’ai multiplié toutes les valeurs par 100 pour permettre à cette courbe de figurer à côté des autres (pour obtenir les vraies valeurs, il faut diviser les valeurs de la courbe par 100). Cette quatrième courbe n’apporte pas d’information supplémentaire, elle ne fait qu’intégrer les deux précédentes. On voit en effet qu’elle est plate. Si par la suite, elle devait monter, cela indiquerait que l’épidémie reprend. Mais actuellement, cela ne semble pas être le cas.

En synthèse, je dirai que, dans la mesure où la courbe de l’indicateur n° 1 et celle de l’indicateur n° 4 sont plates et basses, la situation ne paraît pas inquiétante. Nous sommes déstabilisés en pratique par le manque habituel de précision dans la présentation des indicateurs mobilisés.

Comment doit-on analyser les nouveaux chiffres de la CoVid-19 ?

Étant donné ce que j’ai dit en première et en deuxième partie, il me semble que, en ce qui concerne la France, la situation ne paraisse pas préoccupante. Je crois que le gouvernement et notamment les autorités de santé ont surtout peur d’un relâchement dans l’observance des mesures préventives et d’une augmentation de la circulation du virus du fait de la période estivale de vacances propice aux voyages dans les deux sens.

Il est certain qu’il faut rester vigilant et maintenir l’effort. Mais je suis optimiste pour la rentrée.

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