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To Be (un réformateur) or not to Be, That’s the Question pour Emmanuel Macron
©LUDOVIC MARIN / AFP

Dilemme cornélien

Bruno Cautrès décrypte le dilemme cornélien d'Emmanuel Macron à mi-mandat.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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La dernière enquête de l’Observatoire de la politique nationale réalisée par BVA pour Orange, RTL et La Tribune (octobre 2019) montre, une fois encore, une stabilité de la popularité d’Emmanuel Macron, avec 37% d’opinions positives. D’une vague à l’autre de cette enquête deux éléments semblent d’ailleurs se répéter depuis l’été, voire le printemps dernier : la cote de popularité d’Emmanuel Macron évolue peu (en moyenne 34% depuis Avril 2019) et les traits d’image associés à Emmanuel Macron, en positif et en négatif, semblent figés (« le jeune réformateur qui essaie de faire bouger la France » et le « Président des riches, arrogant et distant du peuple »). La dernière vague de l’enquête fait néanmoins apparaître que l’inquiétude sociale, qui était déjà forte, semble gagner du terrain à travers les préoccupations pour les hôpitaux, les services publics et les retraites.

La faible amplitude de la dynamique d’opinion en faveur d’Emmanuel Macron depuis plusieurs mois pose la question de savoir si cette situation traduit de l’attente ou de la déception. On peut évoquer une stagnation de la popularité d’Emmanuel Macron, qui contraste singulièrement avec l’image que le Président veut donner (grosse actualité européenne et internationale, impulsion d’un nouveau débat national sur les retraites, mise sur l’agenda de la question de l’immigration). Il est tentant d’aller plus loin et d’oser une question plus forte : Emmanuel Macron n’est-il pas rattrapé par la malédiction qui a tant coûté à ses prédécesseurs, la perte de sens ou de repères identifiables fortement par les Français ? Trop de chantiers, trop d’annonces, pas assez de résultats clairement palpables en vrai par les Français (malgré quelques avancées) ? La crise des Gilets jaunes, le Grand débat national, l’Acte II, les débats ouverts mais dont on voit mal l’horizon (notamment sur les retraites) : tout cela ne finit-il pas également par rendre le message moins limpide, moins fluide, plus heurté ?

Pour en savoir davantage, l’enquête de BVA a posé deux questions supplémentaires à propos d’Emmanuel Macron à mi-mandat : une question sur l’opinion générale à propos de l’objectif de réformer la France en profondeur (les résultats sont-ils déjà là, vont-ils arriver avant la fin du quinquennat, ou ne jamais arriver ?) et une question sur la dynamique de « l’acte II » du quinquennat (Emmanuel Macron sait-il où il va ou agit-il au jour le jour ?).
Les réponses à ces deux questions en disent long et permettent de mieux comprendre l’état de stagnation de la popularité d’Emmanuel Macron, voire d’interrogations sur le chemin qu’il nous propose d’emprunter. Une forte majorité de Français interrogés (58%) pensent qu’Emmanuel Macron « agit au jour le jour » tandis que seuls 42% pensent qu’il « sait là où il va » à propos de « l’acte II » de son mandat. Une majorité (53%) pense que l’objectif de réformer en profondeur la France ne donnera pas de résultats, tandis que 31% pensent que les résultats arriveront avant la fin du quinquennat. Seuls 15% déclarent que les résultats sont déjà là !

L’analyse statistique approfondie de ces données montre que le clivage frontal entre les deux camps que tout oppose, les soutiens et les opposants à Emmanuel Macron, coupe en deux les opinions à propos de « l’acte II » et des résultats du programme de réformes d’Emmanuel Macron : ceux qui pensent que les résultats sont déjà là ou qu’ils vont arriver, appartiennent davantage aux catégories sociales aisées (ou au groupe des retraités) qui soutiennent Emmanuel Macron, se déclarent proches de LaREM, du Modem ou de l’UDI, ont voté pour Emmanuel Macron ou François Fillon à la présidentielle. Ceux qui n’ont plus de doute à propos de l’absence de résultats viennent davantage des catégories populaires (employés et ouvriers ou petits indépendants), se déclarent proches de la France insoumise, du PS mais aussi du RN, ont voté à gauche ou pour Marine Le Pen à la présidentielle.

Mais qu’en est-il lorsque l’on cumule entre elles les deux questions, celle sur le bilan des réformes et celle sur la dynamique de « l’acte II » ? L’analyse croisée des deux indicateurs montre tout d’abord qu’une écrasante majorité (77%) de ceux qui déclarent qu’Emmanuel Macron « agit au jour le jour » pensent qu’il n’y aura pas de résultats à l’issue de son mandat. Mais cette analyse met en exergue un phénomène encore plus essentiel : parmi ceux qui pensent qu’Emmanuel Macron « sait où il va », 47% déclarent que les résultats viendront d’ici la fin du quinquennat. La sociologie de ce groupe montre qu’il s’agit de « marcheurs » qui ont voté pour Emmanuel Macron, se disent proches de LaRem ou du Modem. Ils viennent plutôt des milieux favorisés. Des « marcheurs » en attente, quel paradoxe ! Ou peut-être même des « marcheurs en stand-by » quant à leur soutien vis-à-vis de l’action d’Emmanuel Macron…

A mi-mandat, Emmanuel Macron se retrouve ainsi face à un dilemme : le mouvement et l’action sont les ressorts fondamentaux de sa popularité et de son image positive parmi ses soutiens ; mais une bonne partie de ses soutiens est en attente de résultats, alors même que l’exécutif veut davantage consulter, écouter, délibérer. Dialoguer ou agir (avec des résultats tangibles à la clef), quel dilemme cornélien… !

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