The Crown : la saison 4 de la série star de Netflix égratigne la Reine Elizabeth <!-- --> | Atlantico.fr
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The Crown famille royale Elizabeth II Lady Diana Margareth Thatcher
The Crown famille royale Elizabeth II Lady Diana Margareth Thatcher
©DR / Netflix

Couronne britannique

Si la figure de la souveraine devient plus réaliste que dans les saisons précédentes, les scénaristes se mélangent les pinceaux sur bien d’autres sujets. Petit guide pour démêler le vrai du faux.

Marc Roche

Marc Roche

Marc Roche a été journaliste au Soir, au Quotidien de Paris et au Point, avant de rejoindre l'équipe du Monde. Il publie également dans des journaux britanniques (The Independant, The Guardian) et participe à l'émission Dateline London de la BBC News. Ses écrits concernent principalement les institutions financières (Goldman Sachs) et la monarchie britannique.

Il est notamment l'auteur de Elizabeth II : Une vie, un règne et Elizabeth II : La dernière reine aux éditions La table ronde.

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Atlantico.fr : La saison 4 de The Crown est sortie, et avec elle, son lot d’éléments narratifs plus ou moins conformes à la réalité. On dit que la reine est l’un des personnages les mieux dépeints, est-ce vrai ?

Marc Roche : Tout d’abord, Peter Morgan, créateur de la série, a toujours répété qu’il s’agissait d’une fiction créée d’après la réalité. Certains propos sont totalement inventés, bien que souvent correctement remis dans leur contexte, et d’autres sont véridiques. Tout dépend des documents auxquels Peter Morgan a eu accès.

La Reine est effectivement la personnalité la mieux décrite (à l’exception de quelques détails, comme son salut militaire qui est bien mou pour une chef des armées). Dans la réalité, c’est effectivement une personne froide, timide, gardant toujours ses distances, motivée par le devoir, marquée par ses origines aristocratiques, son goût pour les activités en plein air et sa méfiance pour les hommes et femmes politiques. La ressemblance physique avec Olivia Colman n’est en revanche pas évidente.

Parmi les détails qui font parler – et qui ne plaisent d’ailleurs pas à la famille royale –, sa supposée rivalité avec Jackie Kennedy…

La rivalité avec Jackie Kennedy est un beau moment de télévision. Mais dans la réalité, Elisabeth II ne n’est jamais considérée rivale avec aucune autre femme. Elle est la Reine. Par ailleurs, elle aime peu les femmes. Son monde est, depuis toute petite, un monde d'hommes. Que ce soit dans l’armée ou dans l’entourage du pouvoir, elle a surtout eu affaire à des hommes. Elle est au-dessus de ces rivalités entre premières dames.

La relation entre Charles et Diana est au cœur de cette saison 4. Dans cette relation chaotique, comment démêler le vrai du faux ?

Le mariage entre Charles et Diana est un mariage arrangé entre les deux grands-mères, la Reine mère et sa meilleure amie Lady Fermoy, motivé par le fait que Charles ait 32 ans (et qu'il était temps qu'il se marie), et par la hantise d'une répétition du cas d'Edouard VIII qui avait abdiqué en voulant épouser Wallis Simpson, doublement divorcée.  

Camilla était une femme sensée et pragmatique. Mariée avec des enfants, elle a dit à Charles qu'ils ne pouvaient plus continuer leur aventure et que Charles devait donner un héritier à la Couronne. Cette transparence est bien retranscrite.

La relation entre Charles et Diana s'est arrêtée entre le mariage et 1984, à la naissance d'Harry. Ils ne se fréquentaient plus. Montrer comme dans la série que Camilla exerce en coulisse un rôle pour déstabiliser Diana est complétement faux. Camilla est une femme intelligente, qui connaît toutes les règles de la monarchie. Issue d'un milieu à la fois aristocratique et grand bourgeois, elle a de l'humour et est très chaleureuse. Dans The Crown, on la présente comme une espèce de sorcière manipulatrice à la Lady Macbeth. 

La performance de Josh O’Connor en prince Charles est-elle convaincante ?

Josh O'Connor est certes merveilleux en prince Charles mais il ne correspond pas à la réalité. A cette époque, il faut bien dire que le prince Charles était une personnalité assez peu ragoutante, bien que déjà impliqué dans des actions caritatives et précurseurs dans plusieurs domaines. Mais son caractère est compliqué. Il déteste la familiarité, il est froid, hautain, capricieux, colérique, acceptant mal la méritocratie. On ne peut pas dire que ce soit une personnalité attachante, alors qu’on a facilement tendance à s’attacher au personnage de la série. Ce qui est vrai en revanche, c'est qu'il doute de lui-même. 

On voit parfois Diana très proche physiquement de la Reine, est-ce possible ?

C’est impossible. Venant d'une famille aristocratique, les Spencer, Diana connaissait sur le bout des doigt les codes de la monarchie. Il est hors de question qu'elle ait pu étreindre la Reine comme on le voit dans la série, la suppliant d'intervenir à son profit auprès de Charles. Par ailleurs, aucun membre de la famille royale n'embrasse sa mère. Ses enfants peuvent lui donner un baiser mais on ne touche pas la joue de la Reine. C'est une scène contemporaine qui ne correspond pas à l'époque.

Juste avant le mariage, elle aurait même tenté de la joindre au téléphone…

Difficile de croire qu'elle ait appelé la Reine directement. Elle a pu au maximum demander une audience. Diana avait effectivement des doutes sur ce mariage. Elle a plutôt pris conseil auprès de sa sœur Sarah qui lui a dit en substance : « c'est trop tard, fais comme on a toujours fait dans notre famille, épouse-le et tu verras, la vie est longue, tu pourras rencontrer d'autres amants plus tard ».

Qu’en est-il de la relation avec Thatcher ?

Leur relation n’est pas aussi tendue que dans la série. Selon l'ancien premier ministre James Callaghan, la Reine est agréable avec ses premiers ministres mais ne leur donne pas d'amitié. Thatcher entre bien dans ce schéma. La Reine était contente de l'arrivée au pouvoir de Thatcher car le Royaume-Uni était en crise. Elle était fatiguée de l'inefficacité des gouvernements précédents, de gauche comme de droite, et de l'omnipotence des syndicats. Il ne faut pas oublier que la Reine est une conservatrice. Elle a soutenu la dureté de Thatcher à l'égard de l'IRA qui a tué l'oncle de son mari, Lord Mountbatten. Mais elle s'inquiète des effets sociaux de la politique thatchérienne.

Ce qui est bien décrit aussi, c'est la crise du Commonwealth, les sanctions contre l'Afrique du Sud, etc. La Reine sent qu'il y a une menace d'éclatement. Elle a toujours été très attachée aux Outre-mer qui permettent au Royaume-Uni de boxer dans une catégorie supérieure à son poids. 

Quand Thatcher est en difficulté, les deux personnages se rapprochent. Du fait de sa longévité la Reine s’habitue à Thatcher. Ce qui ressort peu dans la série, c'est que la reine a très bien traité Thatcher après son départ du pouvoir, elle lui donne l'ordre du mérite et lui offre des funérailles nationales. Par ailleurs, je suis peu convaincu par le jeu d’actrice de Gillian Anderson, qui est une caricature de la réalité.

Marc Roche, est journaliste, spécialiste de la monarchie britannique. Il est l’auteur de "Elle ne voulait pas être reine !" aux éditons Albin Michel.

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