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Technicolor, une histoire industrielle française
©FRANK PERRY / AFP

Récit

Début 2018, Technicolor a vendu son activité de licences de brevets au leader mondial Interdigital pour une somme de 475 millions d’euros.

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

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Un entrefilet ici ou là, une analyse succincte dans un journal spécialisé, et l’on apprend que début 2018 Technicolor a vendu son activité de licences de brevets au leader mondial Interdigital pour une somme de 475 millions d’euro. Pour un groupe qui fait près de 4 milliards de Chiffre d’affaires et qui emploie 15 000 personnes dans le monde, j’ai trouvé que cette relation était très insuffisante.

Il s’agit ici de la branche « grand public «  de Thomson dont l’autre partie, professionnelle et surtout militaire est devenue Thalès. Là on a plus de nouvelles avec 15 milliards de chiffre d’affaires et 64 000 personnes dans 56 pays . Une troisième branche, celle de la radiologie médicale, baptisée autrefois Compagnie Générale de Radiologie, est depuis plus de trente ans le centre névralgique de l’activité médicale du groupe américain General Electric. En 1987, Thomson cédait donc son activité médicale et acquérait l’activité « grand public » de General Electric . Rétrospectivement on ne peut que constater que les Américains ont fait une bonne affaire, ils ont d’ailleurs maintenu le centre de recherches de BUC dans les Yvelines et l’état-major de l’activité GE Healthcare dans notre pays.

Le meilleur de ce qui était ainsi acquis par Thomson était un portefeuille de brevets qui pouvait rapporter de l’ordre de 300 à 400 millions par an jusqu’en 2016, date de la chute dans le domaine public de la majorité de l’activité. Il s’agit de compressions d’image Mpeg2, 3, 4 …et de codage audio MP 3. Pour le reste on a suffisamment parlé des matériels concurrencés par les compagnies asiatiques dont la fabrication a fini par être abandonnées partout ailleurs dans le monde, il avait même été question de la vente de la branche aux Coréens pour 1 euro ! On taira les noms qui sont attachés à cette saga pour ne retenir que l’arrivée d’une équipe de kamikazes en 2008, transfuges d’Alcatel-Lucent, lucides sur la catastrophe qui se profilait dans cette entreprise…

Ces nouveaux dirigeants, avec comme chef Frédéric Rose qui n’appartenait pas au sérail habituel des fossoyeurs industriels se sont mis en tête de redresser la société en élaguant et en redéfinissant un business model. La manne représentée par les brevets devenait une vache à lait devenait alors une raison d’espérer…pour les huit années à venir. De délestages en acquisitions, avec un changement de nom en 2010, « Technicolor », l’entreprise a maintenu une activité de services, de fabrications et de gestion de brevets, profitable, franco-américaine, avec un centre de recherches à Cesson-Sévigné près de Rennes…Dans ce secteur très complexe, aux renversements de techniques permanents, avec la fin des films au profit du numérique, le fait d’avoir résisté et progressé tout au long de ces années folles est déjà un exploit.

L’entreprise avait à régler le sort de son activité brevets déclinante, et la solution retenue, celle d’une vente au leader mondial Interdigital, suivie d’une coopération long terme apparait comme une décision sage. Elle devrait permettre de valoriser au mieux le savoir-faire des chercheurs, et de maintenir un haut niveau scientifique et technique à Cesson-Sévigné. Cela change le business model et la bourse a mal réagi, ce n’est ni la première ni la dernière fois, l’essentiel c’est que les deux piliers restants, celui des décodeurs et des boxes, comme celui de la création, de la diffusion et de la sécurité des contenus continuent à faire référence dans le milieu.

Dans ce secteur des images, de la vidéo, où nous apparaissons aujourd’hui tellement dépendants de l’extérieur, avec Apple, les GAFA, les Chinois et les Japonais, une équipe a réussi à maintenir une compétence et une excellence de niches. D’une activité de production on a dérivé sur une recherche de satisfaction du client et donc sur les services associés. Technicolor sert des professionnels et les consommateurs finaux à travers eux , et peut-être le fait de ne pas trop célébrer ses exploits permet-il à la société de vivre heureuse, mais il ne serait pas inutile que tous les autres , en particulier les commentateurs,  veuillent bien aussi réfléchir aux  transformations d’un secteur qui occupe les consommateurs une bonne moitié de leur temps . Chacun a un smartphone, en change sans arrêt, plusieurs téléviseurs, des tablettes, des abonnements à Netflix…ce qui a une influence directe sur notre balance commerciale. Le numérique et notre aptitude à concevoir et réaliser peuvent nous permettre dans les années à venir de rétablir un meilleur équilibre et les niches à haut potentiel technique comme celles saisies par Technicolor doivent nous permettre de tracer une nouvelle voie. En attendant ce serait mieux de les regarder et de les soutenir .

Cet article a été initialement publié sur le site de Loïk Le Floch-Prigent

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