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Taxer les dividendes, et après ? Cette lutte souterraine des Frondeurs pour avoir la peau des entreprises
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Les entrepreneurs parlent aux Français

Les députés ont voté en catimini mardi 28 octobre un amendement dans le cadre du budget de la Sécurité sociale visant à étendre les cotisations sociales sur les dividendes à davantage d'entreprises. Si le gouvernement a finalement reculé devant la colère du monde patronal, la philosophie qui sous-tend ce raisonnement et la personnalité de Gérard Bapt, celui qui l’a défendu, sont très choquants.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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Martine est le prénom qui rime pour les entrepreneurs avec politique assassine. La politique de ceux qu'on appelle les Frondeurs.

Ces êtres étranges venus d’un autre temps, qui lisent Zola face à la révolution numérique, veulent une justice sociale dispendieuse quand les caisses de l’Etat sont vides et saigner les entrepreneurs quand ils réussissent. Les Frondeurs, des hommes et une femme, pour qui le succès n’est qu’une insulte à l’égalitarisme qui serait la clé de notre bonheur. Et j’en passe.

Si David Vincent a eu la chance de ne pas les voir, votre serviteur et la France atterrée avec lui les voient clairement. Il faut dire qu’ils font tout pour faire parler d’eux et le meilleur moyen qu’ils aient trouvé, c’est d’être silencieux ! Pardon, de s’abstenir. Un moyen terriblement révolutionnaire, l’équivalent de la bouderie théâtrale de vos enfants quand ils manifestent leur mécontentement. Ou qui crient "zop !" comme Brel qui mime le révolutionnaire dans "je viens rechercher mes bonbons".

Et notre rôle, comme David Vincent dans "Les Envahisseurs", est de convaincre un monde incrédule qu’ils cherchent à nous envahir, qu’ils progressent et qu’il faut vite faire quelque chose pour les rendre ridicules.

Cette semaine, les Frondeurs avaient une nouvelle fois pris une cible facile. Les entreprises. Dernière réserve supposée de richesse, venir sabrer ce vestige de ce qu’ils estiment être la honte d’un pays est devenu leur obsession. "Si le dividende ne vient pas à la caisse de l’Etat, c’est la caisse de l’Etat qui viendra à toi !". Au final, ce qui les gêne, nos révolutionnaires d’opérette, c’est (qu’à part eux) que certains puissent réussir, que des actionnaires puissent oser revendiquer un retour sur leur investissement. Que de l’argent puisse transiter, en France, par un autre lieu que l’Etat. Afin de mieux assurer la survie de leur démagogie et de leurs indemnités. Car dans ce débat, qu’ils voulaient masqué et discret, dont l’Histoire dira si Bercy le téléguidait à distance, ce qui choque, c’est à la fois la philosophie qui sous-tend ce raisonnement mais surtout la personnalité de celui qui l’a défendu.

Commençons par ce Mr Bapt. Un chirurgien habitué aux affaires de santé. Pas celles des entreprises manifestement. Et surement brillant médecin, puisqu’il a choisi la politique pour charcuter la société avec moins de conséquences vitales que sa pratique médicale aurait pu le faire. Confier un sujet aussi délicat à un homme qui a manifestement plus de connaissance du corps humain que du corps économique est déjà une hérésie. Mais, avec moins de 2% d’acteurs économiques à l’Assemblée nationale, un chirurgien fait office de borgne au pays des aveugles (et sourds).

Mr Bapt, sans vouloir jouer à être le Canard Enchaîné, est pourtant un homme qui connaît bien les entreprises. Qui connaît bien l’odeur et la valeur de leur argent. Qui ne voit pas de mal à bénéficier de leurs largesses, son impôt personnel me direz-vous, quand il en est le bénéficiaire. Les proches de ce député pourront vous parler d’un temps, peu lointain, où Mr Bapt fréquentait assidument les déjeuners organisés dans un restaurant d’une rue perpendiculaire des Champs-Elysées par un célèbre cigarettier. Il est donc l’un de ses révolutionnaires de salon, qui considère que le bien personnel l’emporte sur le bien public et que les avantages que son statut lui confère méritent un traitement privilégié que les actionnaires, eux, ne méritent pas. Il serait bon que Mr Bapt, avant de vouloir taxer les actionnaires, commence par taxer ses avantages en nature. Non ?

Mais le plus grave dans cette affaire, c’est la vision de l’entreprise qui est sous-jacente. Ou plutôt l’absence de vision de l’entreprise que cela recèle.

En effet, c’est quoi une entreprise ? Comment cela peut-il marcher ? C’est au final très simple et compréhensible, notamment par un chirurgien socialiste.

Il faut de l’argent. Pas de bras pas de chocolat, pas de sous pas d’emplois ! Un actionnaire, que ce soit l’entrepreneur ou des investisseurs, prend un risque. Majeur. Non seulement il ne sait pas si son argent sera bien investi, mais les statistiques prouvent, si l’on s’en tient aux seules start-up, que les chances de succès sont de 1 sur 12. 1 sur 12 ! Les 11 autres fois, l’argent investi est perdu.

Ensuite, il faut un entrepreneur, homme ou femme, la plupart du temps de condition sociale modeste, car l’entrepreneuriat est devenu le dernier ascenseur social à la disposition des français désespérés. C’est d’ailleurs surement cela qui gêne la gauche de la gauche. Que ses ouailles deviennent des suppôts du capitalisme et prennent goût à l’élévation sociale. Un électeur en moins.

Un entrepreneur qui en France gagne en moyenne 4000 euros par mois quand tout va bien, ce qui en fait difficilement une cible de l’ISF et de la vindicte de gauche.

Un entrepreneur qui va souvent sacrifier, même si il l’a choisi, son confort, sa sécurité, sa tranquillité familiale, ses relations sociales, pendant plusieurs années, pour une issue incertaine et effectivement dramatique, la plupart du temps.

Un entrepreneur, qui ne s’en plaint pas, je vous rassure, et ne réclame rien, mais n’a aucun filet de sécurité une fois la faillite venue. Pas de chômage, une cote banque de France dégradée lui interdisant tout rebond, l’opprobre sociale, la saisie de ses biens et j’en passe.

Enfin, il faut une entreprise qui réussisse. Qui sache être meilleure que ses concurrents, aller plus vite, innover, se battre, dans un contexte français dont la croissance a quitté l’environnement depuis longtemps. Une entreprise, qui va payer 45% de cotisation patronale sur le salaire de ses salariés, une multitude de taxes à chaque pas, à chaque moment de la journée et de l’année, un impôt sur les sociétés pour récompenser sa réussite et qui ose, après ce parcours devenu plus fiscal qu’entrepreneurial, penser à distribuer un dividende.

Un dividende, qui 1 fois sur 12, vient récompenser, souvent au bout de 5 à 7 ans, un actionnaire qui a mis de l’argent dans une entreprise.

Dès lors, il paraît logique, quand on est chirurgien et socialiste, que cette maigre récompense finisse elle aussi dans les caisses de l’Etat qui l’a brillamment soutenu et aidé, à chaque étape de sa croissance ! Et donc, la fiscaliser comme un salaire, puisque à l’examen, un dividende ressemble effectivement, à s’y méprendre, à un salaire. Un chirurgien qui confond un salaire et un dividende ? Je n’aimerais pas lui confier mon opération. J’aurais trop peur de rentrer avec un rhume et de ressortir cul de jatte.

Quelle tristesse. Quel manque de connaissance basique. A quand le permis de conduire du représentant du peuple ?

Enfin, ce lamentable épisode manifeste également deux dérives.

La première, c’est la confusion qu’opèrent les politiques entre les grandes entreprises et les PME. La distribution par les groupes du CAC de la totalité de leurs bénéfices cette année a entraîné nos justiciers politiques, robin des bois des temps modernes, à légiférer pour l’interdire ou le punir. Sans aucune considération pour le sort qu’ils réservaient ainsi à tous les autres.

D’abord parce qu’ils connaîssent les grands groupes et en aucun cas les PME, pourtant seules à créer des emplois depuis 12 ans dans ce pays. Ensuite parce qu’ils aiment punir la majorité pour sanctionner les comportements minoritaires.

Car ces "quelques-uns" font la une des journaux et que les punir fait gagner des voix.

Néanmoins, il faut avouer que distribuer 100% des bénéfices des grands groupes est une dérive lamentable d’un capitalisme qui entraîne le monde vers le bas. Rémunérer les actionnaires ? Oui. Eux seulement ? Non. Tout distribuer au lieu de conserver une partie dédiée à l’innovation, la R&D, l’avenir ? Non.

Ce capitalisme-là, un libéral n’en veut pas. Je ne veux pas être l’entrepreneur de ce capitalisme-là. Ce capitalisme qui n’est tourné que vers ses actionnaires. Une société pour réussir a besoin de ses salariés, d’un équipe dirigeante (pour les groupes), d’un entrepreneur (pour une PME) et d’actionnaires. Une entreprise libérale reconnaît le rôle de chacun. Et le rémunère. Privilégier, notamment par les rachats d’action, les uns sur les autres alimente l’aigreur et les ennemis, que ce capitalisme-là se fabrique seul. Je ne l’aime pas, alors entrepreneurs ne dérivons pas avec eux et obtenons pour nos entreprises du 21ème siècle des politiques du 22ème !

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