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Taxation des pétroliers : augmentation des prix de l'essence et inégalités en perspective
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Le cœur sur la pompe !

Pour renflouer les caisses de l'État, le gouvernement envisage de lever une taxe exceptionnelle qui touchera tous les pétroliers. Une mesure qui renforce les inégalités entre majors et petits distributeurs, et qui risque bien de déboucher sur une augmentation des prix à la pompe.

Thomas  Porcher, Stephan Silvestre

Thomas Porcher, Stephan Silvestre

Thomas Porcher est docteur en économie, professeur en marché des matières premières à l'ESG-MS et chargé de cours à l'université Paris-Descartes.

Stephan Silvestre est ingénieur en physique appliquée, Professeur à l'ESG Management School et spécialiste des risques énergétiques. Il est membre de la chaire des risques énergétiques de l’ESG-MS et anime le blog Risk Energy.

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Le gouvernement a décidé de solliciter une contribution exceptionnelle d’environ 500 millions d’euros auprès des pétroliers. La contribution devrait prendre la forme d’une taxe de 4% sur la valeur des stocks de produits pétroliers et s’appliquera aussi bien pour les compagnies pétrolières que pour les raffineurs, les grandes surfaces et les entreprises de stockage. Mais cette mesure dans son application risque de présenter de nombreux désavantages.

Premièrement, elle ne distingue pas les acteurs présents de l’amont à l’aval (compagnies pétrolières) des acteurs présents uniquement sur l’aval (raffineries, distributeurs). Or, imposer une même taxe à tous les distributeurs, c’est d’abord frapper les acteurs les plus fragiles du secteur c'est-à-dire les raffineries et les indépendants, car la contribution pèsera plus lourdement sur leurs budgets que sur celui des compagnies. En effet, les compagnies pétrolières génèrent essentiellement leur profit en amont dans l’exploration et la production. Elles profitent pleinement de la hausse des prix du pétrole qui leur ont permis d’afficher des profits en hausse malgré une baisse de leur production.

Par exemple, le bénéfice de Shell a augmenté de 54% avec une production qui a baissé de 3 %, celui de BP a grimpé de 25 % avec une production en baisse de 10 % et celui de Total de 16 % avec une baisse de 1 % de sa production. Or, seules les compagnies pétrolières profitent de ces effets-prix réalisés en amont. A contrario, les acteurs de l’aval ne font des profits que sur la distribution d’essence qui engendre des marges beaucoup plus faibles. En conséquence, ce type de fiscalité risque d’accroitre les inégalités entre majors – maîtrisant l’ensemble de la chaîne - et les distributeurs uniques ne profitant pas des effets-prix.

Deuxièmement, imposer à la source de façon uniforme risque d’entrainer un report systématique sur le prix de vente des carburants et au final, transférer la taxe des producteurs aux consommateurs.

Pour être juste et indolore pour les consommateurs, cette contribution devrait se faire de manière différenciée. Elle ne devrait peser que sur les majors et, dans une plus faible mesure, sur les GMS (Grandes et Moyennes Surfaces). Les majors, qui maîtrisent toute la chaîne de production de l’amont à l’aval et bénéficient d’effet-prix en amont, pourraient être taxées à hauteur de 15 % de leurs marges brutes et les GMS à hauteur de 10 %. Les exploitants indépendants menacés de disparition seraient épargnés. La taxation des majors et GMS génèrerait respectivement un produit de 480 et de 270 millions d’euros, soit au total, un produit de 750 millions d’euros pour l’État. Et surtout, la différence de taxation entre les acteurs permettrait de faire jouer la concurrence sur les prix à la pompe et d’éviter un report systématique de la taxe.

Au-delà de cette mesure d’urgence, cette nouvelle taxe ne sera efficace que si elle s’inscrit dans une réforme globale de la fiscalité des carburants :

  • Intégrant une redevance à vocation écologique indexée sur l’offre de transports collectifs de chaque département ;
  • Réduisant la dégressivité de l’imposition sur les carburants via une redevance progressive sur la puissance des véhicules ;
  • Supprimant l’incitation fiscale sur le gazole, carburant plus nocif, et la TVA sur la TICPE, un impôt sur l’impôt anachronique.

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