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Non, les jeunes Français ne sont pas des "Tanguy" !
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Couper le cordon

Si Tanguy existe, il faut aller le chercher en Italie ou en Espagne. Les jeunes français ne s'éternisent pas au domicile familial, et ils sont de plus en plus nombreux à combiner études et emploi. Même si en France, la famille conserve une place très importante dans l'accompagnement des jeunes vers l'autonomie, ceux-ci n'hésitent pas à faire des efforts pour se prendre en charge. Décryptage avec Olivier Vial, auteur de ""La jeunesse n'est plus ce qu'elle était... tant mieux !". Extraits.

Olivier Vial

Olivier Vial

Olivier Vial est Directeur du CERU, le laboratoire d’idées universitaire en charge du programme de recherche sur les radicalités.

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Le film d'Etienne Chatillez, sorti en 2001, a propulsé son héros Tanguy au rang de symbole générationnel. Nombreux furent ceux qui extrapolèrent à l'ensemble de la jeunesse la vie de ce personnage, qui choisit par commodité de continuer à vivre au domicile de ses parents, alors même qu'à 28 ans avec un emploi en poche, il disposait des moyens de s'assumer et de quitter le nid familial.

Le succès du film aidant, certains (journalistes et politiques) définirent les contours du syndrome Tanguy, censé avoir frappé tous les jeunes : faible motivation, refus de s'assumer, départ de plus en plus tardif du domicile des parents,...

L'autonomie des jeunes, un processus culturel

Les jeunes français mettent-ils plus de temps à accéder à l'autonomie ? Pour répondre à cette question, il convient de s'intéresser aux différentes étapes qui conduisent un jeune à devenir un adulte à part entière. Pour le sociologue Olivier Galland, l'autonomie se caractérise par la possession de quatre attributs :

  • Un emploi stable ;
  • Un logement indépendant ;
  • Des revenus tirés pour l'essentiel de l'activité ;
  • Et la constitution d'une famille (conjoint, enfant…).


C'est donc un processus plus ou moins long qui évolue en fonction de la conjoncture économique (accès à l'emploi, prix des loyers, …), de la situation personnelle de chaque jeune et aussi d'aspects culturels propres à chaque pays.

Si l'aspiration à l'autonomie est partagée par l'ensemble des jeunes européens, elle se réalise selon des modalités et des temporalités très différentes. Cécile Van de Velde retient trois modèles type[1].

Le modèle développé au Nord de l'Europe, où le parcours vers l'autonomie consiste pour le jeune à "se trouver" grâce à des tâtonnements successifs entre période de formation et période d'emploi. Dans ces pays, le départ du domicile familial est précoce (20 ans en moyenne) et des systèmes d'aides (bourses et prêts) accordés par l'Etat viennent aider tous les jeunes.

Le second modèle insiste sur la nécessité pour les jeunes de "s'assumer" économiquement. Il est développé dans les pays anglo-saxons, où le financement des études passe essentiellement par des prêts et le recours au salariat étudiant. En moyenne, les Anglais quittent le domicile familial à 21 ans.

Le troisième modèle consacre "l'installation" pleine et entière des jeunes. En majorité, ces derniers ne quittent le domicile de leurs parents qu'au moment où ils remplissent trois critères : avoir un emploi stable, être marié ou en couple, pouvoir s'acheter un logement. Dans ce modèle répandu autour de la Méditerranée, les solidarités familiales ainsi que l'attachement à la notion de foyer sont très forts. Le départ du domicile parental est tardif, entre 27 et 28 ans en moyenne.

C'est ce modèle qui a sans doute inspiré le scénario de Tanguy.


Les jeunes français s'émancipent à 23 ans

L'accès à l'autonomie des jeunes français se réalise à travers un modèle intermédiaire entre ceux du Nord et du Sud de l'Europe. Il se distingue à la fois du cas italien et du cas danois. "Les jeunes français quittent leurs parents assez rapidement. Ils connaissent très souvent, notamment dans les régions, une première forme d'indépendance résidentielle à l'occasion du début de leurs études supérieures. […] Mais, contrairement au cas danois, cette première forme d'indépendance n'est que partielle et réversible. Les jeunes français demeurent, sur tous les plans, affectifs et matériels, très proches de leurs parents durant toute une période de transition qui les mènera au terme de quelques années vers le statut d'adulte[2]".

L'âge médian au départ du domicile familial des jeunes français est de 23 ans, soit près de 5 ans plus tôt que celui constaté au sein des pays méditerranéens.

Ce sont les étudiants qui co-résident le plus avec leurs parents, devant les chômeurs, puis les actifs occupés. La massification des études supérieures s'est donc accompagnée mécaniquement d'une hausse de la co-résidence. Entre 1984 et 2001, le taux de co-résidence moyen des 20-29 ans n'a augmenté que de 2 points, cette hausse s'expliquant essentiellement par le doublement de la part des étudiants dans la population[3], bien que sur cette période, le taux de co-résidence des étudiants a lui aussi considérablement diminué passant par exemple, de 72 à 61 % entre 1984 et 1996, en partie grâce aux aides au logement[4].

"La durée moyenne séparant la fin des études de l'accès à un logement indépendant n'avait pas augmenté des générations nées dans les années 1950 à celles nées à la fin des années 1970, contredisant ainsi, l'idée popularisée par le film Tanguy, que les jeunes repousseraient délibérément le moment de l'indépendance. En réalité, ils ne le font pas au-delà de ce qui était induit par la prolongation scolaire"[5].


La progression du salariat étudiant

L'évolution du salariat étudiant constitue lui aussi un bon indicateur permettant d'appréhender la capacité des jeunes à se prendre en charge. Or, les comparaisons internationales mettent toujours en évidence la faiblesse du taux d’emploi des étudiants français. En 2007, ce dernier était 47,5 points en dessous du taux d’emploi des étudiants hollandais et 20 points en dessous du taux d’emploi des étudiants allemands qui se situent respectivement à 58,3 % et 30,8 %.

Il faut cependant noter qu'au fil du temps une réelle dynamique en faveur du salariat étudiant s'est mise en place en France. Du début des années 70 jusqu'au milieu des années 2000, l'évolution du salariat étudiant fut assez lente et la proportion des étudiants salariés a toujours approché les 10 %. Ainsi, en 2005, l'INSEE recensait 10,2 % d'étudiants salariés, alors que trois ans plus tard, en 2008, ils sont 19,6 % à travailler durant leurs études.

Ces évolutions récentes sont, en partie, à porter au crédit de la nouvelle organisation universitaire (LRU et LMD) qui facilite le cumul emploi/études.


[1] Van de Velde, [2011]
[2]
Galland Olivier, [2009], p.76-77
[3]
Le taux d’étudiants parmi les jeunes de 20-29 ans a doublé, passant de 10 % en 1984 à 21 % fin 2001.
[4]
Laferrère Anne [2005], pp.148-149
[5]
Galland Olivier, [2009], p. 57-59

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Extraits de "La jeunesse n'est plus ce qu'elle était... tant mieux !", de Olivier Vial, CERU (2011)

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