Syrie, une guerre aussi menée pour le gaz ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des plates-formes de pétrole israéliennes
Des plates-formes de pétrole israéliennes
©Reuters

Gisements du bassin du Levant

Multifactoriel, le conflit en Syrie n'échappe pas aux tensions économiques qui opposent les acteurs de la région. La découverte récente d'importants gisements de pétrole et de gaz attise les convoitises de plusieurs pays frontaliers.

David Amsellem

David Amsellem

Spécialiste des questions énergétiques du Proche et du Moyen-Orient, David Amsellem est l’auteur de "La guerre de l’énergie, la face cachée du conflit israélo-palestinien," publié aux éditions Vendémiaire. Il est également docteur en géopolitique.

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Atlantico : Des réserves de gaz ont récemment été découvertes en Méditerranée orientale. Quelle est leur importance, et à la portée de quels pays se trouvent-elles ?

David Amsellem : Selon une étude de l’US Geological Servey publiée en 2010, le bassin levantin renfermerait 1,7 milliard de barils de pétrole, mais surtout près de 3500 milliards de mètres cubes de gaz naturel. À l’échelle planétaire, ces ressources ne représentent que 1% des réserves, loin derrière les réserves de pays comme l’Iran (18,2%), la Russie (16,8%) ou le Qatar (13,3%). En revanche, pour les Etats qui bordent la Méditerranée orientale, ces ressources sont importantes, car elles sont susceptibles de favoriser leur indépendance énergétique, voire d’en faire des exportateurs d’énergie.C’est le cas d’Israël. Les deux plus grands gisements découverts par le pays, Tamar et Léviathan, mis au jour respectivement en 2009 et 2010, renfermeraient plus de 900 milliards de m3. L’île de Chypre détiendrait, quant à elle, près de 200 milliards de m3 au large de ses côtes grâce au gisement Aphrodite découvert en 2012.

La perspective que les Israéliens soient les seuls dans la région à profiter de cette ressource aiguise-t-elle les tensions entre les pays ?

En effet, les découvertes israéliennes ont très rapidement été une source de conflit avec l’un de ses voisins, le Liban, qui lui conteste la propriété des gisements. Les deux pays n’ont en effet pas signé d’accord de délimitation maritime et revendiquent chacun une zone de 850 km2 au large de leurs côtes. Aucun des gisements israéliens actuellement découverts ne se situe dans cette zone, mais il est fort probable qu’un gisement y soit découvert à l’avenir, ce qui renforce les rivalités entre les deux pays. Un autre conflit lié à ces ressources existe et n’implique pas directement Israël, mais Chypre et la Turquie. Ankara conteste en effet la propriété exclusive du gisement Aphrodite à la République de Chypre et souhaite que celui-ci soit partagé avec la République turque de Chypre Nord, reconnue par la seule Turquie. Au-delà des conflits, ces gisements sont aussi l’occasion de nouer de nouveaux partenariats comme c’est le cas entre Israël, la Grèce et Chypre.

Par rapport au conflit qui agite actuellement la Syrie et les pays voisins, quelle importance ces gisements revêtent-ils ?

La probabilité que la zone économique exclusive syrienne renferme une part importante des ressources gazières et pétrolières du bassin levantin est réelle. Pour autant, ces réserves potentielles ne sont pas un enjeu du conflit actuellement en cours en Syrie, précisément parce qu’aucun gisement n’a encore été découvert ni exploité. Nous sommes encore dans des enjeux « virtuels ».

Plus largement (au-delà du simple cas de l'offshore), dans quelle mesure la guerre civile qui se déroule en Syrie est-elle liée à la question des ressources énergétiques ? Pourquoi est-ce l'une des clés de compréhension de la situation actuelle ?

Dans la crise syrienne, l’énergie est un enjeu à deux échelles géographiques. Au niveau de la Syrie d’abord, il s’agit pour les différents acteurs en conflit de s’assurer le contrôle des sites de production pétroliers, situés principalement au nord-est du pays, afin d’en tirer des avantages économiques. Au niveau régional ensuite, les enjeux sont davantage liés au rôle que peut jouer la Syrie dans le transport de l’énergie et permettent de comprendre, en partie, le positionnement des pays voisins dans la crise actuelle. En effet la Syrie, frontalière à l’Irak, à la Turquie et disposant d’une large façade maritime, est un couloir énergétique idéal pour le transit de gaz du Moyen-Orient vers l’Europe. Avant le début de la crise syrienne, l’Iran et le Qatar avaient chacun envisagé la construction d’un gazoduc pour exporter les ressources d’un mégagisement gazier qu’ils ont en commun (NorthDome). Celui qatari transitait par ses alliés saoudien et jordanien tandis que celui iranien passait par l’Irak. C’est finalement le projet de Téhéran qui avait emporté les faveurs de Damas en 2011, au grand dam de Doha. Cette rivalité énergétique se retrouve dans le positionnement politique dans la guerre civile puisque l’Iran reste un allié du gouvernement de Damas tandis que le Qatar finance les groupes rebelles contre le régime.

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