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Suppression de postes dans l’Education nationale : pourquoi Jean-Michel Blanquer en fait trop et pas assez en même temps
©XAVIER LEOTY / AFP

Problème de dosage

1800 postes supprimés dans le second degré. C'est l'annonce de Jean-Michel Blanquer de ce lundi 17 septembre. Une annonce qui s'inscrit dans la promesse de campagne d'Emmanuel Macron de supprimer 120.000 postes dans l’ensemble des trois versants de la fonction publique durant ses cinq ans d'exercice.

Pierre Duriot

Pierre Duriot

Pierre Duriot est enseignant du primaire. Il s’est intéressé à la posture des enfants face au métier d’élève, a travaillé à la fois sur la prévention de la difficulté scolaire à l’école maternelle et sur les questions d’éducation, directement avec les familles. Pierre Duriot est Porte parole national du parti gaulliste : Rassemblement du Peuple Français.

Il est l'auteur de Ne portez pas son cartable (L'Harmattan, 2012) et de Comment l’éducation change la société (L’harmattan, 2013). Il a publié en septembre Haro sur un prof, du côté obscur de l'éducation (Godefroy de Bouillon, 2015).

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Atlantico : 1800 postes en moins. Cela représente 0,2 % des emplois du ministère. Comment évaluez-vous cette annonce ? Effet de com' ou véritable économie ?

Pierre Duriot : On a du mal à le suivre, d'un coup, ce ministre, qui réduit, en deux interventions, coup sur coup, l'extraordinaire popularité dont il semblait jouir malgré la chute du gouvernement dans les sondages. Entre « paquet » sur le primaire, avec le dédoublement des classes de CP et de CE1 des zones sensibles, déshabillage du secondaire où, pourtant les statistiques montrent une hausse des effectifs et un recours à des heures supplémentaires, là où il faudrait de nouveaux professeurs, la constitution d'équipes pérennes et solides, pour lutter contre la difficulté scolaire devenue très prégnante, on cherche une logique. On en cherche une autre avec les discours sur l'exigence de contenus et de rigueur, la valorisation du bac... et on quitte, avec cette annonce de suppression, une certaine cohérence. Pour autant, le ministre explique que le taux d'encadrement ne changera pas. Encore faudrait-il savoir si, dans ce taux d'encadrement, il compte tout le monde ou seulement ceux qui sont au contact des élèves et avec des missions pédagogiques. A tout le moins, les incantations sur la pédagogie par l'expérience, l'expérimentation, le travail en atelier, risquent d'en prendre un bon coup si on se retrouve à trente élèves pas classe, voire plus, en seconde par exemple. On se rassure un peu, s'il s'agit de supprimer des administratifs, ce qui peut sembler logique étant donné l'ensemble des opérations maintenant réalisées en ligne.

D'un point de vue purement comptable, 1800 postes, ce ne sont pas des économies, ce sont, à l'échelle du ministère, des sommes dérisoires visant sans doute plus à calmer les chantres de l'anti-fonctionnariat, à droite, sans trop énerver les gauchistes, adeptes d'un « service public de qualité ». La mesure sonne plus comme une communication mi-chèvre mi-choux que comme la recherche d'une quelconque efficacité. Reste que le budget de l'enseignement a gagné deux milliards par an sur les dernières années sans que les résultats ne soient au rendez-vous.

Pour vous, l'éducation nationale pourrait-elle se permettre de supprimer d'avantage de poste ? Notamment pour les postes de professeur qui ne sont pas devant les élèves…

C'est difficile et c'est surtout un terrain glissant. Le haut niveau d'instruction d'un pays est une condition incontournable pour un bon exercice démocratique, une harmonie sociale, un marché du travail dynamique et évolutif et des relations sociales apaisées. Il se trouve que les zones dans lesquelles l'instruction a le plus de mal à s'imposer sont aussi les zones les plus délinquantes, qui comportent le plus grand nombre de chômeurs et les phénomènes urbains les plus inquiétants. L'éducation et l'instruction ne sont pas les seuls ressorts, ni les seuls leviers, mais ce sont deux paramètres importants. On peut aussi mesurer ce que que sont les pays où les niveaux d'instruction et d'alphabétisation sont les plus bas. On ne peut pas jouer avec l'instruction de masse, il y va de notre survie. Cependant, certains postes interrogent et pour être bien clair, je peux citer des exemples concrets. Ont été créés de nouveaux postes d'assistants de prévention, en lien avec les directeurs et qui sont des professeurs des écoles devenant ainsi, sans élèves, avec quelles compétences ? Ils reprennent des missions de sécurité préalablement assurées par les conseillers pédagogiques de circonscription en EPS, dans le cadre de leurs tâches habituelles. Pourquoi, comment ? Egalement, alors que les zones prioritaires de campagne (REP) ont été liquidées, subsistent depuis des années des coordinateurs sans plus aucune mission de coordination, mais eux aussi, déchargés d'enseignement. Ceci alors que des remplacements, dans le primaire comme dans le secondaire, peuvent ne pas être assurés et que manquent, en primaire, de très nombreux maîtres spécialisés, bien utiles dans le traitement de la difficulté scolaire la plus lourde. Un état des lieux pourrait viser à remettre à des tâches d'enseignement un certain nombre de ces postes, plutôt que de les supprimer, si on souhaite vraiment une amélioration des actions auprès des élèves. Là encore, on cherche une cohérence.

Compte tenu de l'augmentation démographique et de cette suppression, doit-on s'attendre à ce qu'il y ait plus d'élèves dans les classes ?

Au-delà de l'augmentation effective du nombre d'élèves dans le pays, il faut viser les inégalités territoriales patentes et qui sont la marque d'une école républicaine devenue inégale, inégalement répartie en moyens et ne remplissant plus, ou moins, ses rôles d'ascenseur social et de compensation des déterminismes sociaux-économiques. A certaines zones, les profs expérimentés regroupés en équipes pédagogiques stables. A d'autres, les jeunes profs en galère qui cherchent à s'échapper de lieux pestiférés. A certains élèves, des lycées d'excellence, à d'autres des établissements déshérités. Aux campagnes, les bouts de ficelles et la pénurie, aux quartiers les plans machin-truc, les rénovations, expérimentations, sorties culturelles et intervenants sportifs...

Dans tous les cas de figure, oui, il y aura plus d'élèves dans les classes, ça a été mesuré et c'est incontestable. La France est même, avec ce chiffre, au-dessus de la moyenne européenne. A ceux qui se souviennent qu'il y a très longtemps, on pouvait être quarante par classe, oui, mais les élèves n'étaient pas les mêmes, les contextes et les enjeux non plus. Mais surtout, à regarder et évaluer constamment le système dans sa globalité, on en masque des inégalités territoriales patentes, indignes de la devise républicaine d'égalité.

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