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Pourquoi les Anglais font capoter la réforme des traités européens à 27...
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Perfide Albion

Le Premier ministre britannique David Cameron a posé son veto à un projet de changement des traités européens. Loin de saboter les projets d'intégration de l'UE, ce dernier cherchait à préserver les intérêts économiques de la Grande-Bretagne et avant tout à contenir l’euroscepticisme non dissimulé du Parti conservateur.

Sophie Pedder

Sophie Pedder

Sophie Pedder est Chef du bureau de The Economist à Paris depuis 2003.

 

Elle est l'auteur de Le déni français aux éditions JC Lattès.
 

 

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Atlantico :La réforme des traités portée par le couple franco-allemand débouche sur plus d’intégration européenne. L’Angleterre a usé de son veto pour bloquer un accord à 27. Pour quelle raison ?

Sophie Pedder : Bien que les Allemands aient insisté pour que ce soit un traité à 27 et non à 17, il y a eu un problème. Le Premier ministre britannique, David Cameron, a clairement précisé qu'il ne tolérait pas que la réforme des traités européens puisse porter atteinte aux intérêts de la City de Londres. Il a donc posé son veto.

Il s’inquiétait notamment de la perte des protections dont bénéficie la City de Londres. Les 26 s’efforçant par exemple d’imposer une taxe sur les transactions financières, à laquelle la Grande-Bretagne est évidemment farouchement opposée.

Ce qui semblait le plus probable s'est donc réalisé, et les 17 ont procédé à un nouveau traité au sein de la seule zone euro, pour contourner le veto britannique.

Au-delà du nouveau traité à 17, quelles contre-parties exige le Parti conservateur britannique ?

Il faut comprendre la problématique posée à David Cameron. Et pour cela, il convient de se pencher sur la politique intérieure en Grande-Bretagne.

David Cameron est certes eurosceptique, mais il gère un parti qui est encore plus eurosceptique que lui. Il y a quelques semaines, des députés du Parti conservateur ont proposé une motion devant le Parlement, proposant un référendum sur la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. Pour couper court à ce vote, et ne pas encourager les poussées nationalistes en Grande-Bretagne, le Premier ministre britannique s'est allié au vote des députés travaillistes. Il était donc dépendant des forces de l’opposition pour contrer un référendum eurosceptique, engagé par son propre parti... Il se retrouve dans une situation très difficile.

De plus, la mouvance eurosceptique au sein du Parti conservateur constitue une minorité très puissante. En plus de la protection des avantages dont bénéficie actuellement la City de Londres, ils souhaitent que la Grande-Bretagne obtienne le rapatriement de certains pouvoirs. S’opposer à une intégration fiscale qui pourrait menacer la Grande-Bretagne, n'est finalement qu'un prétexte pour soulever de nouveaux obstacles quant à la progression de l'intégration européenne.

Pour toutes ces raisons, David Cameron apparaît aux yeux des européens comme quelqu’un qui essaie de saboter un projet de traité. Mais le contexte politique intérieur britannique le contraint à agir de la sorte, puisque l’actuel gouvernement conservateur est encore plus eurosceptique que celui de Margaret Thatcher. A l’époque de Margaret Thatcher, le Conseil des ministres comptait une poignée de ministres assez pro-européens... aujourd'hui, il n'y en a plus qu’un !

Il semble toutefois assez peu probable que le couple franco-allemand cède aux caprices britanniques. Dans ces conditions, l’Angleterre pourrait-elle envisager une sortie de l'Union européenne au profit de sa relation avec les États-Unis ?

Pas du tout. Je pense que les Allemands et les Français ménageront les Britanniques. Par exemple, Nicolas Sarkozy avait lui-même évoqué l’idée d’un accord sous une forme proche de la convention de Schengen, qui concernerait seulement certains pays de l’Union européenne. Et cela s'est évidemment produit.

Quant à la relation de la Grande-Bretagne aux États-Unis, c'est une vieille histoire... Reste que si cette relation est historiquement très forte, les Britanniques ne souhaitent pas réaffirmer leurs rapports avec les Américains.


En définitive, ce que souhaite la Grande-Bretagne, c'est jouir des avantages européens mais pas des inconvénients.

Ce n’est pas nouveau, la Grande-Bretagne a toujours souhaité cela. L’élément qu’elle valorise le plus dans l’Union européenne, c’est le marché unique et le libre-échange, mais pas l’intégration. L'usage régulier de leur droit de veto est là pour en témoigner.

Quel futur pour les relations de la Grande-Bretagne à l'Union européenne ?

L’enjeu actuel pour la Grande-Bretagne, c’est la perte de son influence au sein de l’UE sur les questions d’économie et de finance. Les Britanniques se retrouvent aujourd'hui marginalisés dans la prise de décisions.

Ils s’en sont rendus compte très récemment, mais restent dépassés par les événements. Le voyage tardif de David Cameron à Berlin et Paris en témoigne.

La Grande-Bretagne doit donc relever le défi, et se battre contre cette perte d’influence. L’enjeu aujourd’hui, ce n’est pas la sortie de l’Union européenne, mais la prise de conscience du risque de l’évolution d’une Europe à 17.

Propos recueillis par Franck Michel

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