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Sommet du Mouvement des pays non alignés : mais que recherche réellement l’Iran ?
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Influence

Téhéran est l'hôte du 16e sommet du Mouvement des pays non alignés. Alors que l'Iran est attaqué sur le dossier du nucléaire, ce sommet permet au pays de réaffirmer son influence, au moment même où les pays occidentaux essaient de l'isoler.

Thierry Coville

Thierry Coville

Thierry Coville est chercheur à l’IRIS, spécialiste de l’Iran. Il est professeur à Novancia où il enseigne la macroéconomie, l’économie internationale et le risque-pays.
 
Docteur en sciences économiques, il effectue depuis près de 20 ans des recherches sur l’Iran contemporain et a publié de nombreux articles et plusieurs ouvrages sur ce sujet.
Voir la bio »

A lire, la tribune de l'ambassadeur d'Iran Ali Ahani

Le sommet des pays non alignés à Téhéran :
Une opportunité pour établir des rapports internationaux équitables

Il est clair qu'en organisant le sommet des pays non-alignés et en prenant sa présidence, l'Iran vise à démontrer que son influence reste importante au moment où les pays occidentaux essaient d'isoler ce pays à travers une politique de sanctions économiques afin de le faire céder dans les négociations concernant son programme nucléaire. Même si ce mouvement n'a plus l'influence qu'il avait durant la guerre froide, il reste une organisation importante comprenant des membres comme l'Inde ou le Qatar.

Cette implication de la république islamique d'Iran est cohérente avec un certain nombre d'orientations de la politique étrangère iranienne depuis la révolution de 1979. L'Ayatollah Khomeini avait en effet déclaré que l'Iran suivrait une voie qui serait « Ni Est, ni Ouest »l'objectif de suivre une voie « islamique » impliquant de renvoyer dos à dos l'URSS et les États-Unis, soit le communisme et le capitalisme. Ceci avait conduit à une véritable orientation tiers-mondiste de la politique étrangère iranienne. Cette politique, à l'époque, allait de paire avec la stratégie d'exportation de la révolution islamique et a surtout conduit l'Iran à soutenir les mouvements d'opposition dans les pays du Golfe et à créer puis soutenir le développement du Hezbollah au Liban. Cette stratégie a toutefois été infléchie à la fin des années 1980. 

Sous l'impulsion de Hashémi Rasfandjani, la politique d'exportation de la révolution a été abandonnée au profit d'une politique plus réaliste visant surtout à faire de l'Iran une puissance régionale. L'Iran a également tenté de montrer qu'il pouvait être un pays « responsable » en tentant de jouer une rôle d'apaisement dans les conflits qui ont opposé l'Azerbaïdjan et l'Arménie ou la guerre civile au Tadjikistan. Par ailleurs, l'éclatement de l'URSS faisait que la politique d'équilibre entre l'Est et l'Ouest n'avait plus de sens.

Cependant, les tensions persistantes avec les pays occidentaux au sujet du nucléaire iranien ont redonné du sens à cette politique. En effet, face à la politique de sanctions économiques visant à isoler son économie, l'Iran a vu tout l'intérêt qu'il pouvait avoir à renforcer ses liens diplomatiques avec des pays du Tiers-Monde opposés aux États-Unis comme l'Équateur ou le Venezuela. 

L'Iran peut en outre compter sur la sympathie de nombreux pays en voie de développement (PVD) qui voient dans ce dossier du nucléaire iranien une preuve de la politique occidentale de « deux poids, deux mesures ». Comment les pays occidentaux peuvent-ils refuser de réduire leur arsenal nucléaire, ce qui est pourtant un des objectifs explicites du Traité de Non Prolifération, et déclarer que l'Iran, qui n'a pas la bombe atomique et est contrôlé par l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique, est devenu le problème numéro un des relations internationales ? Et il est difficile de comprendre pour les PVD pourquoi un pays non signataire du TNP comme Israël peut sans problèmes développer un programme nucléaire militaire. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'Iran compte à travers sa présidence des non alignés mettre en avant son opposition à l'arme nucléaire pour mettre les pays occidentaux face à leurs contradictions …

On peut également noter qu'il serait peut-être bon que l'Union européenne arrête sur ce dossier du nucléaire iranien de suivre aveuglément une politique américaine qui est surtout dictée par des questions de politique intérieure. Barak Obama pense qu'un accord avec l'Iran conduirait à son adversaire républicain de l'accuser d'être faible et de ne pas protéger Israël. Il lui faut donc poursuivre la politique de sanctions alors que l'Iran a démontré lors des dernières négociations une réelle volonté de négocier (qu'on ne voyait pas avant). Au moment où en Israël aussi, il est bon notamment pour des questions de politique intérieure d'évoquer un conflit avec l'Iran, il est quand même dommage que l'UE (et la France) démontrent eux qu'ils sont vraiment prêts à négocier avec l'Iran. Si jamais dans le futur, les Etats-Unis négocient avec l'Iran (après les élections ?), on doute qu'ils veilleront aussi à défendre les intérêts européens...

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