Sommet de Varsovie : mais pourquoi et pour qui l’Otan, l’Europe ou les Etats-Unis seraient-ils encore prêts à se battre aujourd’hui ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Europe
Sommet de Varsovie : mais pourquoi et pour qui l’Otan, l’Europe ou les Etats-Unis seraient-ils encore prêts à se battre aujourd’hui ?
©REUTERS / Francois Lenoir

Guerre tiède

Le déploiement de bataillons dans les pays baltes et en Pologne sera l'une des décisions majeures du sommet de l'Otan à Varsovie. Alors qu'au lendemain de la Guerre froide et jusque dans les années 2000, la logique de l'Otan était celle de la projection de la stabilité hors sol (dans les Balkans, en Afghanistan), l'Alliance s'est désormais recentrée sur la sécurité et la défense collective de ses Etats membres.

Jacques  Gautier

Jacques Gautier

Jacques Gautier est un homme politique, sénateur (LR) des Hauts-de-Seine et vice-président de la Commision des affaires étrangères, de la défense et des forces armées au Sénat.

Voir la bio »
Jean Sylvestre  Mongrenier

Jean Sylvestre Mongrenier

Jean Sylvestre Mongrenier est chercheur à l’Institut français de géopolitique (Université de Paris VIII) et chercheur associé à l’Institut Thomas More.

Il est notamment l'auteur de La Russie menace-t-elle l'Occident ? (éditions Choiseul, 2009).

Voir la bio »

Atlantico : Au cours du Sommet de l'Otan du 8-9 juillet, l'enjeu majeur sera le redéploiement de l'Alliance sur le flanc est. Quelle est la réalité de la menace russe sur la Pologne et les Etats baltes ? En cas d'agression d'un de ces Etats par la Russie, l'Alliance serait-elle prête à intervenir ? Si oui, de quelle façon ?

Jean-Sylvestre Mongrenier : La menace russe est évaluée à travers les discours et représentations géopolitiques de ses dirigeants, mais aussi leurs actes et des opérations militaires conduites en Europe et sur les confins ces dernières années (Géorgie, Ukraine). Les dirigeants russes reviennent constamment sur la Guerre froide, son issue et la dislocation de l’URSS, présentée comme "la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle" (Vladimir Poutine). Ils expliquent volontiers que le temps de la revanche est venu, et développent un discours géopolitique révisionniste, sans craindre de faire le parallèle entre l’Europe de l’après-Guerre froide et celle de Versailles. Concrètement, il faudrait remanier les frontières en Europe, y compris par la force armée, au profit de la Russie et du "monde russe" (le concept englobe les populations russophones présentes dans des Etats voisins). Cela signifierait le retour de la guerre et du darwinisme géopolitique jusqu’au cœur de l’Europe.

Ce ne sont pas là de simples discours destinés à mobiliser la population et à légitimer le régime. Les dépenses consacrées à la chose militaire ont plus que doublé depuis le début des années 2000, et elles placent la Russie au troisième rang mondial (85 milliards de dollars), derrière les Etats-Unis et la Chine. Depuis 2008, l’armée a été réformée, les leçons de la guerre russo-géorgienne (août 2008) ont été tirées, et Moscou conduit un important programme d’équipements des troupes (600 milliards de dollars sur la période 2011-2020). Les opérations menées en Ukraine et en Syrie ont révélé de réels progrès dans le savoir-faire militaire et les tactiques. La guerre menée en Géorgie, suivie de la quasi-annexion de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, puis le rattachement manu militari de la péninsule ukrainienne de Crimée et la "guerre hybride" lancée dans le Donbass (Est de l’Ukraine), s’inscrivent dans un schéma général, une "grande stratégie", tendue vers la reconstitution d’une sphère de domination autour de la Russie. Bref, il y a bien de nouveau une menace russe sur les confins orientaux de l’Europe.

Le discours révisionniste et la prétention de Poutine à se poser en protecteur des populations russophones concernent au premier chef les Etats baltes, plus particulièrement l’Estonie et la Lettonie, ces pays comprenant des minorités de langue russe (12% de la population en Lithuanie, environ 25% en Estonie et Lettonie). On peut aisément imaginer un scénario de type "guerre hybride", c’est-à-dire une entreprise de déstabilisation recourant à des tactiques asymétriques (guerre par procuration, bataille de propagande, opération de "cyberwar"), tout en niant la chose, de façon à rester sous le seuil de déclenchement de l’article 5 (la clause de défense commune de l’Otan). In fine, il s’agirait pour la Russie de mener une politique du fait accompli (la saisie d’une partie du territoire), laissant aux pays de l’Otan la responsabilité de réagir (en misant sur les divisions). Les décisions qui seront prises à Varsovie entendent donc signifier les limites à ne pas franchir, et faire à comprendre au Kremlin que la sécurité de l’espace transatlantique est indivisible. Pour cela, il faut déployer des troupes alliées dans les pays potentiellement menacés (Pologne et Etats baltes), ainsi que des infrastructures (quartiers généraux). En d’autres termes, l’Otan et ses Etats membres renforcent leur posture de défense et de dissuasion. Précisons par ailleurs que d’autres pays voisins de la Russie s’inquiètent de la politique russe : la Suède, la Finlande, la Roumanie, sans parler de l’Ukraine. Au sud de la mer Noire, la Turquie est également sous pression, et il faudra que l’Otan soit plus présente dans la zone. Le discours consistant à expliquer que tous ces gens-là fantasment, et que la pauvre Russie est bien mal entourée, ne tient pas. Il nous remémore une fable de La Fontaine : "Selon que vous serez puissant ou misérable…" (Les animaux malades de la peste).

Jacques Gautier : Tout d'abord, il n'y aura pas une seule thématique qui sera évoquée au sommet de Varsovie mais plusieurs dossiers d'actualité : la frontière orientale, le problème du flanc sud (ces deux aspects constituant ce que l'on appelle la défense à 360°), l'ouverture de l'Otan (et notamment la question de la pause dans l'élargissement après l'admission du Monténégro qui devrait être confirmée par les gouvernements des pays membres), la question des 2% du PIB consacrés au budget défense (décision prise au sommet du Pays de Galles) et le fait que les pays membres de l’Alliance commencent tout juste à faire des efforts budgétaires en matière de Défense.

Cela étant dit, il est certain que le redéploiement à l'est sera l'enjeu central de la rencontre. Au sommet de Varsovie, les Etats membres vont décider de déployer par roulement 4 bataillons au total dans 4 pays (1 en Pologne et trois dans chacun des Etats baltes). 800 hommes environ représentant plusieurs pays de l'Alliance stationneront de façon tournante au sein de ces 4 pays qui se sentent menacés par la Russie. Il faut bien comprendre le poids de l'histoire : ces pays-là ont vécu l'invasion soviétique et en ont beaucoup souffert. Même si d'un point de vue français cela peut être difficile à comprendre, pour ces 4 pays, le renforcement de la sécurité face à la Russie est une priorité. Le fait d'avoir ces 4 bataillons tournants devrait les rassurer tout en restant dans des proportions qui ne créeront pas un sentiment de menace du côté russe.

Quant à la réalité de la menace russe, il suffit de demander à  l'Ukraine…

Au cours de ce sommet, l'Otan va montrer qu'elle entend soutenir ses Etats membres et leur donner des garanties (d'où le déploiement de ces bataillons). Néanmoins, lors du Conseil Otan-Russie qui se tiendra quelques jours plus tard, l'ambassadeur de l'Otan expliquera à la Russie le redéploiement de l'Alliance à l'est et montrera, tout en étant ferme, qu'il n'y a aucune volonté de menace du côté de l'Alliance. Il est important que l'Otan montre aux Russes sa fermeté mais aussi sa volonté de tendre la main.

En cas d'agression russe sur un ou plusieurs Etats baltes, l'Alliance fonctionnerait et réagirait. Les 800 soldats alliés dans chacun de ces bataillons sont issus de  4 nations cadre (a priori le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie et les Etats-Unis ; la France participant mais n'étant pas nation cadre car elle est très engagée par ailleurs). Une agression signifierait une attaque par les Russes des soldats de l'Otan et représenterait donc une déclaration de guerre à l'Otan.

La présence de ces bataillons est une garantie qui doit dissuader les Russes. A titre personnel, je ne pense pas du tout que l'ambition de la Russie soit de déclarer la guerre à l'Otan. La Russie se réarme et il est normal qu'un grand pays à vocation mondiale comme la Russie prenne toute sa place sur l'échiquier mondial. Mais la Russie connaît ses limites et sait que face à l'Otan, elle ne tiendrait pas la durée. Certaines déclarations et agissements de la Russie de Poutine sont destinés au nationalisme russe, à la politique intérieure, à la fierté du peuple russe mais il est essentiel de comprendre qu'il y a aussi la réalité pragmatique du président Poutine.

Comment a évolué la logique de l'Otan depuis la fin de la Guerre froide ? Aujourd'hui, quelles sont les agressions ou autres provocations susceptibles de déclencher une réplique militaire de l'Otan ? Une réaction immédiate en cas d'agression d'un Etat membre est-elle toujours aussi probable aujourd'hui qu'elle l'était à l'époque ? Pourquoi ?

Jean-Sylvestre Mongrenier : L’affrontement Est-Ouest est à l’origine de l’Otan. Face à la menace soviétique, Truman, Président des Etats-Unis, adopte une doctrine de containment (12 mars 1947). Primitivement, l’endiguement est financier (plan Marshall), puis la signature du traité de l’Atlantique Nord, le 4 avril 1949, lui donne un prolongement militaire. Désormais, une clause d’assistance mutuelle du traité (l’article 5) lie les destinées de l’Amérique du Nord et de l’Europe occidentale. Pour concrétiser les garanties de sécurité apportées par les Etats-Unis, une organisation militaire est mise sur pied. L’Otan de la Guerre froide est d’abord une alliance défensive qui garantit à ses membres le respect de leur souveraineté et leur intégrité territoriale. Elle est aussi une alliance wilsonienne qui se réfère aux principes de la sécurité collective. Appelés à résoudre pacifiquement leurs différends, ses membres sont invités à développer des relations amicales. La dimension wilsonienne de l’Otan prendra toute son importance après la Guerre froide, lorsque les Alliés s’engageront dans la "gestion de crise" (les missions dites "non article 5").

Avec la "victoire froide" sur le bloc soviétique et la fin de l’URSS, l’Otan devient l’un des vecteurs de la "transition" vers la démocratie libérale et l’économie de marché. La résolution des conflits en ex-Yougoslavie est le banc d’essai de cette nouvelle Otan. Au-delà, les instances euro-atlantiques sont ouvertes aux pays centre-est européens. Les élargissements concomitants de l’Otan et de l’UE stabilisent la région et ouvrent de nouvelles perspectives. Quant à la Russie, elle fait l’objet d’un partenariat spécifique. L’élargissement de l’Occident s’arrête aux marge de la "Russie-Eurasie", et malheur aux Etats restés à l’extérieur du périmètre de sécurité (Géorgie, Ukraine). Dans l’intervalle, la "guerre contre le terrorisme" a mené l’Otan sur le théâtre afghan. L’élargissement du champ des opérations provoque alors débats et discussions autour du projet d’"Otan globale". Les Etats-Unis soutiennent l’idée de "partenariats globaux" avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, le Japon et la Corée du Sud. Ainsi, une jonction serait réalisée entre l’Otan et l’"arc des démocraties" esquissé en en Asie-Pacifique. Ces conceptions suscitent des oppositions au sein de l’Otan. De part en part du continent, les alliés européens insistent sur le besoin de références historiques et géographiques claires, afin de maintenir la cohésion atlantique. Ils privilégient la mission première de l’Otan : la défense collective. Avec le Concept stratégique de Lisbonne (2010), l’Otan est recentrée sur sa mission première : la défense collective. Depuis, les évolutions stratégiques dans l’hinterland de l’Europe ont confirmé la nécessité de ce recentrage sur la zone euro-atlantique : la "guerre hybride" menée par la Russie en Ukraine a donné raison à ceux qui appelaient l’attention sur les revendications et les agissements de Moscou.

Il reste que les risques et menaces viennent également d’autres parties du voisinage de l’Europe. Le terrorisme islamique, la fragilité des Etats en Afrique du Nord et du grand Sud Afro-méditerranéen (Sahel-Sahara), l’anomie en Libye et la possible déflagration du Moyen-Orient conduisent à jeter la focale sur ce que le géographe Yves Lacoste nomme "la plus grande Méditerranée". Alors que l’Otan, à l’Est, doit faire face à une menace étatique existentielle, mais virtuelle (pour les Alliés, à tout le moins), au Sud et au Sud-Est de la Méditerranée, la menace n’est pas celle d’un Etat nucléaire, certes, mais elle est immédiate. L’Otan et ses Etats membres doivent donc développer une vision à 360 degrés des risques et menaces. Cela dit, les réponses ne peuvent pas être les mêmes. Il s’agit d’apporter la contribution de l’Otan à des opérations plus larges, avec un volet politique et civil (une approche globale), de renforcer les partenariats avec les Etats du bassin méditerranéen et du golfe Arabo-Persique, de faire monter en puissance le "Dialogue méditerranéen" (1995), ou ce qu'il en reste, et l’"Initiative de coopération d’Istanbul" (2004). Dans le langage de l’Otan, c’est ce que l’on appelle de la "projection de stabilité". Toutefois, on ne peut exclure des interventions militaires directes, pour détruire ce qui menace de nous détruire. Au total, les questions géopolitiques et les affaires stratégiques sont très complexes, avec des menaces multidirectionnelles. C’est pourquoi l’Otan ne peut pas fonctionner de manière aussi automatique et intégrée qu’à l’époque du conflit Est-Ouest. Cette réflexion ne vaut pas pour une agression directe et caractérisée contre un allié : l’article 5 s’appliquerait sans équivoque aucune.

Jacques Gautier : L'Alliance fonctionne et la garantie de son fonctionnement est de ne pas fixer de lignes rouges. Si l'Alliance fixait des seuils des critères d'intervention, certains pourraient abuser de la situation et aller jusqu'à la ligne rouge sans jamais la franchir.  

Dans le traité de l'Alliance, l'article 5 prévoit que chaque Etat membre vienne au secours d'un Etat membre attaqué. Il faut s'en tenir à cette définition.

Par ailleurs, l'Alliance est consciente que face à une attaque massive venant de l'est, les pays limitrophes souffriraient et que dans la mesure où cela prendrait du temps pour intervenir militairement, l'agresseur aurait pu pénétrer largement dans le pays. C'est pourquoi une force de réaction très rapide de l'Otan (VSTS) permettra de déployer une brigade en moins de 48 heures.

Il y aura donc d'un côté des bataillons stationnant par rotation dans les pays les plus menacés et de l'autre 5000 hommes qui pourraient se déployer rapidement en cas d'attaque. C'est un signal fort qui montre que l'Otan est capable de réagir à une attaque.

Il faut aussi que certains pays du flanc sud-est de l'Otan ne soient pas provocateurs vis-à-vis de la Russie. En effet, la destruction d'un avion russe par la Turquie a donné lieu à de nombreuses inquiétudes.

Au lendemain de la Guerre froide, la logique de réponse de l'Alliance était celle d'une réponse massive contre une attaque conventionnelle nucléaire et classique. Aujourd'hui, la dimension nucléaire de l'Alliance est réaffirmée, la dimension riposte classique est également réaffirmée mais il est aussi rappelé que les guerres étant désormais hybrides, l'Otan a les moyens de réagir à des attaques hybrides au travers de forces spéciales ou d'attaques ciblées. L'Alliance se donne les moyens en incitant les pays en retard dans le domaine à s'équiper au niveau de la cyberdéfense afin d'avoir une position commune permettant une vraie résistance à des attaques de nouvelle génération.

Alors que les Etats-Unis se désengagent de la défense du continent européen et que la Grande-Bretagne vient de choisir de quitter l'Union européenne, dans quelle mesure l'Otan est-elle susceptible de prendre le relais de la sécurité européenne ? En a-t-elle l'ambition ? Se dote-t-elle de moyens suffisants ?  

Jean-Sylvestre Mongrenier : Les Etats-Unis ne se désengagent pas de la défense du continent européen. Ils sont bel et bien engagés dans l’Otan, accordent plus de crédits au renforcement de leur présence militaire dans l’Est européen, et déploient une défense anti-missile destiné à réassurer l’indivisibilité de la sécurité de l’espace euro-atlantique, contre la menace d’Etats proliférateurs (une puissance "pauvre" dotée de quelques missiles balistiques, à l’instar de l’Iran chiite-islamique). La défense anti-missile a une haute valeur géopolitique : le déploiement de radars et d’intercepteurs vaut réaffirmation du couplage géostratégique entre les deux rives de l’Atlantique Nord. C’est d’ailleurs pour cette raison que la Russie s’oppose à cette initiative. Une petite vingtaine d’intercepteurs ne pourrait rien contre la force de frappe russe. Moscou, sans grand souci logique, le martèle sans cesse : la Russie a largement les moyens de saturer les systèmes anti-missiles déployés dans le cadre de l’Otan. En revanche, le renforcement de l’ "empreinte militaire" américaine en Europe centrale et orientale signifie que Poutine ne peut plus compter sur le retrait américain et la dislocation de l’Otan, pour ouvrir des espaces de manœuvre à sa politique révisionniste et saisir de nouvelles opportunités.

L’hypothèse d’un retrait américain depuis l’Europe, lorsqu’elle est émise avec sincérité (et non instrumentalisée à des fins obscures), s’explique en partie par l’insistance mise sur le "pivot" vers l’Asie-Pacifique, au début du premier mandat de Barack Obama (2009), et la coopération avec les "émergents". Le président des Etats-Unis partait de l’idée selon laquelle l’Europe était désormais un continent sans histoires (au sens de "sans problèmes"), un pôle de stabilité, et que Washington aurait intérêt à une redistribution des responsabilités entre les Etats-Unis et l’Union européenne (une politique européenne plus active et volontaire dans l’Est européen, au Sud-Caucase et dans le bassin méditerranéen). En quelque sorte, l’Otan était en "second rideau" en Europe, faute d’ennemi en Europe, et se redéployait vers le "hors-zone" (l’Afghanistan). La réapparition d’une menace étatique massive aux frontières de l’Europe semblait purement théorique. La Russie de Poutine était perçue comme un partenaire difficile et rigoureux, mais comme un partenaire, avant tout soucieux de renforcer son pouvoir de négociation, afin de modifier les "termes de l’échange" avec l’Occident. L’aspect révisionniste de la politique russe a été sous-estimé, d’où la politique de "reset" des Etats-Unis (redémarrage de la coopération russo-américaine).

Les difficultés des "émergents" et l’agressivité de la politique chinoise dans les "méditerranées asiatiques" (mers de Chine méridionale et orientale) d’une part, la dégradation des rapports avec la Russie de l’autre, ont vite conduit les responsables américains à réaffirmer la force du lien transatlantique, et Hillary Clinton, alors secrétaire d’Etat, est venue à Paris souligner le fait que l’Europe était la "pierre angulaire" de la politique de sécurité des Etats-Unis. Au vrai, l’Otan n’a jamais été dessaisie de son rôle et ses Etats membres ont toujours été en accord pour œuvrer ensemble, en son sein, à la défense de l’Europe. Il n’y a donc pas de "passage de relais" à prévoir. Au contraire, le "Brexit" rend plus improbable encore le projet d’une défense purement européenne, assurée dans le cadre de l’Union européenne. Par ailleurs, le Royaume-Uni - première puissance militaire de l’Europe, avec la France, et engagé dans de fortes coopérations franco-britanniques -, restera membre de l’Otan. Cette dernière est donc confortée dans son rôle et ses missions. Soulignons le fait que la force de l’Otan repose sur celle de ses membres : l’Otan n’est pas un acteur, mais un cadre d’action, et il n’y a pas d’ "armée Otan" ; les moyens militaires appartiennent aux nations. La question est de savoir si les Etats européens, dans lesquels le Welfare State a dévoré le Warfare State, consacreront suffisamment de moyens à l’armée et à la chose militaire. Enfin, il faudra bien observer et analyser le débat politique et stratégique aux Etats-Unis, avant et après l’élection présidentielle.

Jacques Gautier : Aucun journaliste européen (en-dehors des Français) ne poserait cette question. La défense de l'Europe, c'est l'Otan et non pas l'Europe de la défense. Il n'y a que les Français pour croire qu'il est possible de mobiliser les Européens pour leur propre défense. Ils font tous confiance à l'Alliance et notamment au grand frère américain qui reste très présent et continue de payer 75% du fonctionnement de l'Alliance. Il est extrêmement difficile de motiver les Européens pour une défense européenne.

A la lecture de la stratégie de sécurité globale de Federica Mogherini, on se rend compte que l'Europe de la défense se limite à des vœux pieux, des déclarations d'intention. L'Europe restera une grande ONG qui traite des crises mais qui ne fait pas la guerre. Pour 95% des pays européens, c'est l'Otan qui doit être en charge de la défense du continent. Les Français doivent en tirer les conséquences et amener les Européens à participer au niveau logistique, industriel à une mutualisation tout en prenant toute leur place dans l'Otan. La France a un rôle essentiel à jouer et ne doit pas regarder uniquement vers le flanc sud : si la France veut que les autres Etats membres regardent davantage vers le sud, il faut qu'elle regarde davantage vers l'est où se trouvent certaines de leurs préoccupations.

Le sujet vous intéresse ?

À Lire Aussi

Un risque d’embrasement nucléaire plus élevé aujourd’hui que sous la Guerre froide ? Quand un ancien secrétaire à la Défense américain tire la sonnette d'alarmeSommet de l’OTAN sous tension à Varsovie les 8 et 9 juillet : comment l’alliance atlantique et la Russie s'y préparent en s'intimidant mutuellement

Mots-Clés

Thématiques

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !