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Sommeil : êtes-vous atteint d’orthosomnie ?
©Flickr

C'est grave docteur ?

S'inquiéter de la qualité de son sommeil est certes naturel dans un monde où tout nous enjoint de bien dormir. Mais s'en inquiéter excessivement peut devenir une pathologie : l'orthosomnie. Le phénomène se développe avec la multiplication des applications permettant de surveiller son sommeil.

Bruno Comby

Bruno Comby

Bruno Comby est polytechnicien et directeur scientifique de l'Institut Bruno Comby.

Il est l'auteur de l'Eloge de la sieste (TNR, 2005)

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Atlantico : Qu'est-ce que l'orthosomnie ? 

Bruno Comby : Le mot orthosomnie vient du grec « ortho » qui signifie « droit » ou « bien aligné » ou « correct » et du latin « somnus » le sommeil. L’orthosomnie désigne donc l’art ou la science de « bien dormir ». En soi, bien dormir ou améliorer son sommeil est bien sûr tout à fait souhaitable. Nous passons un tiers de notre vie à dormir. La qualité de notre sommeil est un point essentiel pour vivre heureux et en bonne santé.

Mais, particulièrement ces dernières années avec le développement d’applications pour smartphone telles que Fitbit ou l’Apple Watch, destinées à enregistrer certains paramètres de notre sommeil, il est apparu que certains utilisateurs de ces appareils et applications accordent une importance excessive à leur sommeil, au point que cela devient parfois une obsession ou une véritable pathologie, générant un stress permanent, un besoin presque compulsif de suivre son sommeil, qui finit par perturber le sujet jour et nuit, et finalement apporte plus de problèmes que de solutions pour mieux dormir. 

On désigne cette pathologie par le terme « orthosomnie »  qui prend alors une connotation nettement moins positive.

L’orthosomnie est donc à un bon sommeil ce que l’orthorexie est à l’alimentation saine : un excès de zèle qui devenant excessif finit par nuire à la santé de celui qui s’intéresse de trop près à son sommeil (ou à son alimentation pour l’orthorexie).

Cette obsession existait-elle avant l'ère des applications de veille du sommeil ? Comment ce phénomène s'est-il développée ? 

Les obsessions pathologiques d’une manière générale ont toujours existé. Mais la généralisation de l’usage des drogues et de médicaments ou de susbtances neuroactives ainsi que la multiplication des écrans, puis l’apparition des applications de suivi du sommeil permettant l’analyse et le décortiquage du sommeil amplifient le phénomène depuis que les smartphones existent. En ce sens, cette nouvelle pathologie est effectivement récente.

De même que l’anorexie (obsession de perdre du poids) est rendue possible par l’usage des balances pour mesurer son poids et que l’orthorexie est apparue du fait de la multiplication et de la généralisation de toutes sortes de régimes et recommandations alimentaires.

Dans notre monde moderne, le rythme de travail, la lumière artificielle depuis Edison (inventeur de l’ampoule électrique à filament), la consommation excessive de somnifères, de médicaments neuroactifs et d’excitants (caféine, théine, nicotine, coca-cola, théobromine du cacao, boissons énergisantes…), l’usage immodéré du sucre dans notre alimentation, et plus récemment l’usage nocturne des écrans contribuent à dérégler notre système nerveux en général et notre sommeil en particulier.

La reconquête d’un meilleur sommeil est donc parfaitement légitime. Il faut d’abord identifier les habitudes de vie néfastes et remettre en questions ces comportements destructeurs de sommeil qui nous ont fait perdre plus d’une heure de sommeil en un siècle. Un français sur trois souffre d’insomnie.

Nombreux sont ceux qui voudraient comprendre et restaurer leur sommeil sans forcément remettre en cause leur consommation d’excitants ou leurs habitudes de vie. Quantifier les horaires de sommeil donne un point de repère parfois utile (il n’est pas bon de veiller trop tard ce que permet facilement la lumière artificielle) mais surveiller son sommeil n’est pas la solution elle-même. Au mieux, cela aide au diagnostic. Cette surveillance peut même devenir excessive ou compulsive, comme l’usage des écrans et des smartphones d’une manière générale.

Quels sont les principaux signes d'un contrôle excessif de son sommeil ?

Comme pour toute addiction, la caractéristique principale est que l’addiction envahit votre vie, au détriment de vos activités et de votre santé. Le sujet y pense tout le temps, au détriment d’autres habitudes et de la vie elle-même.

Ce qui était au début une simple curiosité (le désir de mieux connaître son sommeil) devient une obsession. Le fait de passer son temps à consulter une application de suivi du sommeil sur son smartphone, le besoin de multiplier les consultations médicales pour en parler, sont des signes de cette pathologie (l’usage occasionnel d’une application de suivi du sommeil est normal, l’usage excessif ne l’est pas), ne plus pouvoir s’endormir ou se réveiller sans consulter ces applications, sont des signes.

C’est comme pour la sexualité : une pratique occasionnelle ou régulière, c’est normal et bienfaisant. Mais lorsque cela devient un champ de préoccupation quasi-exclusif ou permanent, au point de ne plus penser qu’à cela jour et nuit, ou de ne parler que de cela à son entourage (ou à son médecin) c’est pathologique. Ensuite le cercle vicieux se referme lorsque ce suivi devient tellement pregnant et envahissant que ce suivi lui-même vous empêche de dormir : le sujet se réveille la nuit en y pensant, ou ne parvient plus à s’endormir en y pensant trop.  Ou ne parle plus que de cela à ses amis, autant de signes et de sympômes…

Quels sont les principaux conseils à transmettre à ceux qui sont touchés par cette obsession contre-productive pour leur sommeil ?

La meilleure manière de solutionner une addiction est de s’en libérer. Totalement ! Donc si vous en étes au stade de ne plus pouvoir vous empêcher de consulter constamment votre smartphone ou une app de suivi du sommeil, effacez tout simplement l’application si elle vous empêche de bien dormir. C’est radical, mais efficace… La solution la plus simple est parfois la meilleure !

Rappelons que l’usage du smartphone est vivement déconseillée dans l’heure qui précède votre sommeil. Lorsque la technologie pourrit votre sommeil, libérez-vous de la technologie ! Vous pouvez vous aussi fixer une heure limite. Il est en effet possible de programmer son smartphone pour par exemple ne pas recevoir de notifications la nuit. En effet se réveiller plusieurs fois par nuit pour lire ses messages sur son smartphone est une bien mauvaise habitude, qu’on retrouve fréquemment chez les orthosomniaques.

L’orthosomnie est une forme particulière de dépendance, à son smartphone. Donc distancez-vous un peu de cet appareil. Les instruments modernes n’ont d’intérêt et ne sont utiles que s’ils sont à notre service, pas lorsque nous en devenons l’esclave ! Fixer des limites à leur usage est excellent : pas d’utilisation la nuit ou le soir à partir d’une certaine heure. Au niveau de la prévention, il est particulièrement important d’apprendre à nos enfants à vivre sans téléphone.

Enfin comme les addictions sont souvent multiples et tendent à s’amplifier l’une l’autre (cf l’image du geek accro à son écran et buvant café après café), il est vivement conseillé de lever le pied sur les excitants d’une manière générale, et il est préférable (surtout si on a déjà été « accro » (c’est-à-dire dépendant) de s’abstenir totalement d’en consommer (café, thé, chocolat, boissons énergisantes, etc.) Le sommeil est un élément essentiel de notre santé, un pilier du bien-être, mais aussi une condition de base pour que nos enfants travaillent bien à l’école et pour vivre heureux à l’âge adulte. S’intéresser à  la qualité de son sommeil est bien. Comme pour toutes les bonnes choses, l’excès en est nocif.

Un bon sommeil est un pilier central de l’ensemble de notre équilibre physique et psychique. Le sommeil est en quelque sorte le « meilleur ami » de notre santé. Ce n’est pas par hasard si les hormones du sommeil (sérotonine, mélatonine) sont sécrétées au centre de notre cerveau ! La National Sleep Foundation, aux Etats-Unis, a montré que le temps d’écran influe fortement non seulement sur la durée, mais aussi sur la qualité du sommeil. Donc méfiez-vous d’un usage immodéré des écrans en général et des smartphone en particulier.

C’est ainsi que chaque heure passée devant un écran diminue aussi bien la qualité que la durée du sommeil de la nuit suivante de 15 minutes (pour les enfants) et même jusqu’à 26 minutes, chez les adolescents et adultes. On comprend bien qu’il n’est pas possible de dormir une ou plusieurs heures de moins chaque jour et de conserver sa santé intacte. Comme le dit la chanson d’Henri Salvador, « le travail c’est la santé ! » mais on peut tout aussi bien dire « le sommeil, c’est la santé ».

La sieste est un moyen simple à la portée de tous pour rééquilibrer son sommeil. Vivre heureux et en bonne santé, bien manger et bien dormir, cela s’apprend ! C’est tout le sens du travail d’éducation à la santé préventive de l’IBC (institut Bruno Comby). Plutôt que de s’abêtir devant un écran, réjouissons-nous de bien dormir la nuit tombée, ainsi que de la joie et la bonne santé que nous apporte le soleil chaque jour en se levant !

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