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Soldes : si vous voulez vous jeter sur les bonnes affaires de la fast fashion sans culpabilité, ne lisez surtout pas cet article...
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Bonnes affaires... mais pour qui ?

Les soldes d'été ont démarré mercredi 27 juin. Mais derrière ces promotions tant attendues par les consommateurs se cache un impact environnemental de taille. Le textile est aujourd'hui la deuxième industrie la plus polluante au monde.

Elisabeth Laville

Elisabeth Laville

Diplômée d’HEC en 1988, Elisabeth Laville a passé quelques années au planning stratégique de deux agences de publicité avant de fonder le cabinet Utopies en 1993. Elle est depuis reconnue comme l’une des expertes européennes du développement durable. Elle a notamment écrit l'ouvrage "Vers une consommation heureuse" (Allary Editions). 

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Atlantico : Pendant la période des soldes, la société de consommation est en effervescence. Mais quel est l'impact de l'industrie du textile et plus particulièrement de la fast-fashion sur l'environnement ?

Elisabeth Laville : Il se joue à plusieurs niveaux. D’abord l’industrie textile a, en amont, des impacts très significatifs – des fibres naturelles comme le coton (dont la culture occupe 4% des  surfaces agricoles mondiales mais consomme près du quart des insecticides sans oublier l’eau : 7 000 litres pour un kilo de coton) en passant par les fibres synthétiques à base de pétrole, les teintures chimiques, le transport, l’entretien… Le propre de la fast-fashion est que tous ces impacts écologiques sont démultipliés avec le renouvellement rapide des collections et des produits, par opposition à des vêtements de meilleure qualité que l’on garderait plusieurs années. Et cela augmente l’impact lié à la fin de vie : en moyenne 12 kilos de vêtements, chaussures, linge de maison sont jetés par an et par personne. Cela ne veut pas dire que les vêtements non-jetés sont portés : Marks & Spencer a ainsi estimé que la moitié du contenu de nos armoires était porté moins d’une fois par an. A cela s’ajoute la fin de vie des invendus des enseignes ou des marques, la partie des stocks qu’elles n’arrivent pas à écouler malgré les soldes – et là c’est encore plus absurde car les vêtements n’ont même pas été portés une fois !

Le consommateur peut-il faire en sorte de réduire cet impact ? Quel est son rôle ?

Oui et avant tout en s’engageant activement dans l’économie circulaire :  le consommateur peut opter pour une mode plus « lente » en ne cédant pas aux sirènes des soldes et promotions, en achetant moins mais mieux (avec des fibres éco-responsables et une fabrication idéalement française si possible), en optant pour des vêtements de seconde main (certaines friperies sont désormais assez branchées … et certaines marques comme Sézane ou Cyrillus proposent leur propre plateforme en ligne de récupération/revente de leurs produits entre particuliers), en prolongeant la durée de vie de ses vêtements (réparation, customisation…), en louant les vêtements un peu exceptionnels (ex. robe de soirée, mariage, etc.) et en rapportant dans les bornes dédiées ses vêtements usagés …

Quelles solutions l'industrie du textile pourrait mettre en place pour moins polluer ? La marque H&M  a développé une ligne appelée "Conscious" en coton bio, et encourage les clients à rapporter leurs vêtements pour les recycler. Ces démarches sont-elles significatives ou est-ce simplement du greenwashing ? 

Dans une vision idéale, le recyclage peut permettre de faire du neuf avec du vieux, à l’infini… et a de multiples autres vertus, pour réduire la pollution et les émissions de gaz à effet de serre, préserver les ressources naturelles, créer des emplois non délocalisables, faire des économies, etc. C’est pour cela que les pouvoirs publics l’encouragent et que sa pratique progresse, notamment dans le textile.  Mais la réalité est que le recyclage ne concerne qu’une toute petite partie de notre production, à peine le quart en France, 40% au Royaume-Uni, 14% aux Etats-Unis, et 20 % en moyenne dans le monde.

Un autre enjeu pour les marques est de boucler la boucle, ce que fait Patagonia en proposant de récupérer pour recyclage des vestes de montagne et en parallèle s’engage à utiliser de plus en plus de matière recyclée dans ses vêtements. H&M propose par exemple, en effet, la collecte des jeans anciens et, dans sa collection Conscious, des jeans contenant du coton recyclé. Le problème sur le recyclage pour moi est dans le modèle économique qui doit aussi être incitatif pour le client – car si je jean « vert » coûte 50% de plus mais que le fait de rapporter son jean n’offre que 10 ou 20% de réduction sur le prochain achat, ça ne marche pas, surtout chez des adolescents ou des consommateurs à budget contraint. A un moment APC reprenait les jeans usagés  de ses clients et leur offrait en contrepartie un jean neuf à moitié prix. C’est déjà plus incitatif !

L’industrie doit traiter le problème à toutes ses étapes : d’abord utiliser des fibres et des teintures moins polluantes, et idéalement s’engager à généraliser l’offre responsable sur ses gammes (certains produits pourront être bio, d’autres équitables, d’autres en fibres naturelles comme le lin…), ensuite éviter de renouveler ses collections trop souvent et de multiplier les soldes ou promotions qui font surtout que le client a l’impression qu’il ne paye jamais le « bon prix » et/ou que ce qu’il achète n’a pas de valeur (on peut le jeter plus facilement), et enfin collecter les vêtements en fin de vie pour les donner (comme le fait Uniqlo avec des réfugiés) ou les recycler.

A l'opposé de ce marché, les marques de luxe préfèrent détruire leurs produits invendus, notamment par incinération, plutôt que les solder, pour ne pas perdre leur prestige. Comment analysez-vous ces pratiques ?

C’est ridicule… mais cela ne concerne pas que des marques de luxe, au contraire c’est un symptôme de notre société de surconsommation qui marche sur la tête. Il y a mille autres solutions à envisager, comme la revente dans des circuits discount ou le don à des ONG (qui serait en plus déductible des impôts !).

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