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Sécurité des centrales nucléaires : la France a besoin de rigueur et de professionnalisme, pas d’idéologie et de sensationnalisme
©Reuters

Attention danger

Plusieurs tentatives d’intrusion dans l’enceinte de centrales nucléaires françaises de la part d’éco-activistes ont été récemment perpétrées. Deux tentatives ont été stoppées, à Cattenom en octobre et Cruas en novembre. Deux fois, les militants ont été arrêtés sans avoir pu pénétrer dans les bâtiments nucléaires.

Nicolas Mazzucchi

Nicolas Mazzucchi

Nicolas Mazzucchi est conseiller scientique de Futuribles international et géoéconomiste spécialiste des questions énergétiques. Il est aussi docteur en géographie économique, professeur de relations internationales au sein de l’Enseignement militaire supérieur spécialisé et technique, intervenant à Sciences Po et à Polytechnique. Il est l'auteur de Energie, ressources, technologies et enjeux de pouvoir, chez Armand Colin (2017) et avec O. Kempf et F-B. Huyghe, Gagner les cyberconflits, Economica, 2015.

 

 

 

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Les auteurs de ces tentatives arguent qu’elles sont destinées à faire prendre conscience aux Français des lacunes du système de sécurité. Disons-le tout net : ce sujet est trop sérieux pour être galvaudé, voire instrumentalisé au nom d’une idéologie anti-nucléaire. Quelques éléments méritent donc d’être rappelés, sans complaisance, d’un côté comme de l’autre. La France dispose de 58 réacteurs nucléaires actifs, tous à eau pressurisée, la technologie la plus sûre. En termes de sécurité, plusieurs acteurs, privés et publics, agissent tout au long de la chaîne pour s’assurer que le système est toujours dans un mode optimal par rapport aux menaces qui pourraient le frapper.

Au niveau des centrales elles-mêmes, la sécurité est assurée par de multiples enceintes de confinement au niveau du réacteur et des matériaux fissibles ou issus de la réaction. Ces enceintes ont été conçues pour résister à des impacts massifs et à des évènements sismologiques importants. La question du survol des centrales par des drones est sérieuse. Elle ne peut cependant en aucun cas représenter une menace d’attaque sur le réacteur. Les drones disponibles sur le marché civil ont une capacité d’emport de quelques kilos, et sont incapables de causer une quelconque brèche dans l’enceinte. Toutefois la peur du drone véhiculée par le cinéma est parfois développée ad nauseam. De la même manière, la peur du hacker est volontairement entretenue avec le fantasme d’un cyber-Armageddon provoqué par un terroriste ou un geek depuis le garage de ses parents. Là aussi une confusion est entretenue entre la cyber protection des centrales nucléaires françaises – très avancée – et des attaques passées comme Stuxnet (IRAN), laquelle reposait à la fois sur la combinaison des savoir-faire des services de renseignement de deux Etats (Israël et les Etats-Unis) et d’une complicité interne. En outre Stuxnet n’a fait qu’endommager le fonctionnement des centrifugeuses d’enrichissement d’uranium, sans aucune contamination nucléaire. Point d’attaque venue des confins du Net pour provoquer l’Apocalypse, car tout exploitant d’infrastructure critique, en France EDF, sait bien que les réseaux doivent être cloisonnés pour éviter tout risque.

Ajoutons que les centrales sont protégées par des forces spécialisées, à commencer par les gendarmes et policiers du Commandement Spécialisé pour la Sécurité Nucléaire (COSSEN), véritable unité spécialisée dans l’anticipation et l’action contre les menaces visant les sites nucléaires. La création du COSSEN et le renforcement de son action, se situent dans la lignée des mesures prises pour lutter contre le terrorisme et les menaces protéiformes qui ciblent notre pays. L’action du COSSEN s’appuie sur des unités d’élite, les Pelotons Spécialisés de Protection de la Gendarmerie (PSPG), basés sur chaque centrale nucléaire et assurant la sécurité de ces sites, 24h/24h et 7j/7. De plus, à l’image de l’ASN pour les questions de sureté, l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sureté Nucléaire), institut public dépendant de plusieurs ministères dont les Armées, la Transition écologique et solidaire et la Santé, est actif sur les questions de sécurité. En cas de manquement ou de soupçon de laisser-aller, il peut, comme l’ASN, alerter les autorités.

Enfin, c’est une caractéristique commune à tous les pays équipés en centrales nucléaires, la sécurité de ces installations n’a rien à voir avec les autres infrastructures énergétiques. Les niveaux de protection physique comme cyber des centrales nucléaires sont toujours au plus haut niveau, comparable à celui d’infrastructures militaires de premier ordre. La parenté technologique existant entre nucléaire civil et militaire permet d’ailleurs le plus souvent de bénéficier d’un transfert de savoir-faire de l’un à l’autre. En France, le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) est ainsi actif sur les deux domaines et ses recherches, y compris dans le domaine de la sécurité, sont mises en œuvre sur les sites sensibles. D’autres acteurs comme l’ANSSI, les Armées, l’Intérieur, exercent également un rôle important dans la sécurité des centrales et des sites nucléaires français, concourant à faire de ceux-ci parmi les infrastructures les mieux protégées de France.

Au total, la sécurité des centrales nucléaires doit être une préoccupation. Elle exige rigueur et professionnalisme, et non pas idéologie et sensationnalisme. La sécurité est à ce prix.   

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