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Sauver Notre Dame, c’est bien, entretenir aussi les autres églises, ce serait mieux
©Fouad Maghrane / AFP

Abandon

Si l'incendie de Notre-Dame a provoqué une émotion considérable à travers le monde, ce drame pourrait être l'occasion d'attirer le regard des Français vers l'Etat du patrimoine religieux.

Jacques Charles-Gaffiot

Jacques Charles-Gaffiot

Jacques Charles-Gaffiot est l'auteur de Trônes en majesté, l’Autorité et son symbole (Édition du Cerf), et commissaire de l'exposition Trésors du Saint-Sépulcre. Présents des cours royales européennes qui fut présentée au château de Versailles jusqu’au 14 juillet 2013.

 

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Atlantico : A la suite de l'incendie de Notre Dame de Paris, de nombreux hommes politiques ont annoncé prendre des mesures et promis d'importantes sommes pour financer la reconstruction de Notre-Dame. Si les origines précises de l'incendie sont inconnues, ne faudrait-il pas mettre en cause la mauvaise gestion par l'Etat et les diverses administrations responsables du patrimoine religieux de notre pays ?

Jacques Charles Gaffiot : Paris, non, la France entière, que dis-je, la toute la terre est depuis hier soir, 15 avril, au chevet de Notre-Dame !

Notre-Dame ?

Oui, bien sûr celle Paris. Le monde entier s’entend pour reconnaître sous ce simple vocable la cathédrale parisienne, une très vieille dame présidant aux destinées de l’Histoire de France depuis l’époque mérovingienne et qui s’est métamorphosée au fil des siècles pour devenir ce formidable vaisseau gothique élevé sur la pointe orientale de l’île de la Cité.

Tous sont venus, jouant au coude à coude, pour apparaître devant les écrans aux premières loges et faire part de leur sidération devant l’effroyable incendie qui menace de tout dévorer.

Le gigantesque brasier donne l’occasion de tenir les antennes durant des heures. Cette fois, les images de ce chaos renouvellent celles couvrant les exactions des black blocs des semaines passées : celles-ci seront plus médiatiques encore !

En urgence, les rédactions font venir sur les plateaux les experts, les journalistes-experts (pléonasmes ?), et on commente, et on commente : Construite en 1861 peut-on entendre sur les ondes ; le plafond s’est effondré commente la journaliste d’Antenne 2, qui manifestement n’est jamais entrée dans une église et ignore ce qu’est une voûte…

Les commentaires vont bon train et puis, au bout de quelques heures, qui représentent pour les soldats du feu un combat  vraiment titanesque, l’espoir peut renaître : l’édifice ne sera pas totalement perdu.

Alors, apparaissent à côté de l’archevêque de Paris et du recteur de la cathédrale, le président de la République autour duquel se presse le maire de Paris, le ministre de la Culture et quelques grands serviteurs de l’Etat, dont le secrétaire d’Etat du ministère de l’intérieur.

A cet instant, la colère m’a pris. Je l’avoue.

Comment Anne Hidalgo, une larme au coin de l’œil pour témoigner de son émotion –le grand mot à la mode-  peut-elle faire croire, en ces instants précis être sensibilisée, au sort tragique du patrimoine religieux français ? Depuis 2001, l’entretien des églises dans la capitale est laissé dans un abandon quasi complet. Depuis 2014, la situation est devenue calamiteuse. Telle n’est pas la préoccupation d’Anne Hidalgo, qui préfère financer, par exemple, pour 16 000 000 d’euros, des salles de prières de l’Institut des cultures d’islam, implanté dans le XIXe arrondissement. La mairie a été condamnée pour subvention déguisée par la Cour d’Appel de Paris dans un arrêt du 28 septembre 2015. Le clergé affectataire a tenté, comme à Notre-Dame, d’attirer l’attention des Pouvoirs publics, mais en vain. Pour la restauration de la cathédrale, alors qu’une estimation de 130 000 000 d’euros circule dans les services du ministère de la Culture, l’Etat n’alloue annuellement qu’une somme d’un million d’euros ! Comme à Saint-Germain des Près, le clergé affectataire s’emploie à tendre la sébile à droite et à gauche, voire même aux Etats-Unis, afin de consolider les montages financiers et hâter des travaux d’urgence. Mais c’est lutter en vain.

Hélas, ce n’est pas tout. Le constat est bien plus accablant !

En mars 2019, la cathédrale de Saint-Denis est vandalisée dans une indifférence quasi générale par un migrant d’origine pakistanaise, déjà connu des services de police pour avoir dégradé à deux reprises des bien immobiliers. Quelques jours plus tard c’est au tour de l’église Saint-Sulpice… tout ceci sans compter les centaines d’églises (près de 2 à 3 par jour) qui font l’objet d’intrusion, de destruction, de saccage. En toute impunité, sur internet, des anarchistes appellent régulièrement à brûler des églises (les seules qui éclairent) et depuis hier soir, sur les réseaux sociaux, on se réjouit  du sinistre. Parmi des milliers de tweet, on lit chez l’un, c’est le plus beau jour de ma vie, chez un autre ceux qui pleurent sur ces bâtiments ne pleurent pas sur les enfants palestinien etc… Une des palmes revient à la vice-responsable de l’UNEF de Lille qu’on laisse sans vergogne appeler au mépris haineux sur son blog.

En fait, les vrais responsables de ces désastres (près de 900 églises dégradées en 2018) embrassaient avec effusion, hier soir devant les caméras, Mgr Aupetit, dans une accolade bien proche de celle du jardin de Gethsémani.

Les responsables de cette situation renversante, ce sont donc au premier chef ces présidents de la République ou ces édiles municipaux qui ont promis et qui n’ont pas agi, ces ministres de l’Intérieur, de la Justice, de l’Education nationale qui, par idéologie ou par défaut de sens politique, ont ruiné, secteur après secteur, des champs entiers de la culture, de l’enseignement, au nom d’un « vivre ensemble » utopique et docile, ne proposant aux générations montantes que des impasses.

D’autres causes viennent encore s’ajouter à cet état des lieux si pitoyable : un certain clergé préférant rester aveugles face aux provocations allant en se multipliant, à l’instar de l’archevêque de Marseille. Ajoutons également des pratiques administratives ubuesques accordant aux architectes en chef des Bâtiments de France des honoraires s’élevant à 10% du montant des travaux. Ainsi, vaut-il mieux réparer, reconstruire que maintenir et entretenir au quotidien, cela est plus rentable !

L'image de Notre-Dame excède même son cadre religieux, pourtant n'est-il pas gênant de voir que sa reconstruction est demandée du fait du fort apport touristique que représente la cathédrale ? Cela ne dit-il pas beaucoup d'une forme de "disneylandisation" du patrimoine, même religieux, aujourd'hui ?

Effectivement c’est la grande trouvaille d’un des « experts » commandités par BFM pour justifier la reconstruction de la cathédrale et permettre ainsi aux touristes de pouvoir continuer à emprunter les tours pour photographier Paris.

La crétinisation des masses a produit ses effets : les cerveaux ne réfléchissent plus. Il est seulement demandé de suivre les élans fugaces de ses propres émotions pour se déterminer. Dans l’univers intellectuel, le facteur le plus grave est celui du retour du manichéisme, de la pensée binaire. Le christianisme, développé sur un mode ternaire dans lequel ce troisième lieu est celui de la conscience, comme le rappelle Jésus aux pharisiens qui s’apprêtent à lapider la femme adultère (Que celui qui n’a pas pêché lui jette la première pierre) est précisément attaqué pour cette raison. Aux questions posées par un présentateur d’émission télévisée, il n’existe pas d’autre alternative que de répondre par oui ou par non. Il faut être pour ou être contre !

Cette déconstruction est concertée, voulue par des ignorants arrivés au faîte de réseaux d’influence par toutes sortes de promotions, qui prononcent jour après jour leurs oukazes au nom de valeurs frelatées pour affirmer que tout équivaut à tout, que tout est interchangeable, afin de nous faire croire que l’époque contemporaine ne devrait rien aux racines chrétiennes de l’Europe, présentées comme une inexcusable mystification.

L'Etat est aujourd'hui responsable de la totalité du patrimoine religieux depuis la Révolution, et ce tout en restant parfaitement laïque, l'Eglise n'ayant que la responsabilité de l'usage des lieux. N'y a-t-il pas dès le départ une faille dans ce contrat entre deux partis qui n'ont pas le même rapport aux lieux sacrés ? 

La première faille peut se résumer à un chiffre : 300 millions d’euros représentant la somme annuelle consacrée à l’entretien du patrimoine français par le ministère de la Culture !

Il faut attendre un désastre comme celui du 15 avril pour voir réunis plus de 800 millions d’euros au profit de la restauration de la cathédrale alors que la veille plus de cent ans étaient nécessaires pour réunir les fonds permettant la restauration de l’édifice.

Les choix politiques en cette matière sont à revoir complétement. Considérons le succès du loto du patrimoine (dont les recettes seront taxées et surtaxées !), celui des Journées du patrimoine, etc… considérons par ailleurs la « grandes misère des églises de France », l’état souvent alarmant du patrimoine classé ou inscrit et nous comprenons que ces orientations budgétaires doivent être complètement revues. Il serait temps, par exemple, d’instituer un secrétaire d’Etat chargé du patrimoine pour éviter de voir les crédits affectés à cette fin vampirisés  par d’autres directions au sein du ministère de la Culture.

Le drame du 15 avril démontre une fois de plus que la quête de sens des Français n’est pas enfouie, comme on l’affirme trop souvent dans les milieux bien pesants. Au contraire, cet appétit grandit à la mesure des ersatz que les élites s’efforcent de faire ingurgiter à la population.

Un chantier béant est ouvert, à l’image de celui de la cathédrale dévastée, symbole meurtri de la Fille ainée de l’Eglise. L’esprit funeste de mai 68 n’a pas réussi la révolution qu’il voulait imposer, celui de la « postmodernité » risque de connaître un échec comparable.

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