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Salon de l’auto : Retour des Golf, A3, Fiesta... Les marques ont-ils perdu leur créativité ?
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Conservatisme

Le salon de l'automobile ouvre ses portes ce week end à Paris. Si les concepteurs capitalisent sur les marques existantes et pourvues d'une certaine notoriété, cela n'empêche pas l'innovation, trop souvent dissimulée par une apparence de conservatisme.

Frédéric Fréry

Frédéric Fréry

Frédéric Fréry est professeur à ESCP Europe où il dirige le European Executive MBA.

Il est membre de l'équipe académique de l'Institut pour l'innovation et la compétitivité I7.

Il est l'auteur de nombreux ouvrages et articles, dont Stratégique, le manuel de stratégie le plus utilisé dans le monde francophone

Site internet : frery.com

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À première vue, le mondial de l’automobile semble bien pauvre en innovations : Renault présente une Clio, Volkswagen une Golf, Dacia une Logan, Ford une Mondeo et Fiat une 500. Serions-nous de retour en 2005 ? Voire en 1995 ?

Cette apparente inertie est pourtant trompeuse : quel que soit l’indicateur retenu, l’automobile reste l’une des industries les plus innovantes. Jamais les gammes des constructeurs n’ont été aussi larges, jamais le choix n’a été aussi foisonnant et souvent audacieux : BMW (dont la gamme est passée de 7 à 13 modèles en 10 ans) ose la traction avant, Citroën (6 modèles en 2002, 16 modèles en 2012) se conforte dans le haut de gamme et Renault (7 modèles en 2002, 16 en 2012) s’aventure dans l’électrique.s On assiste à une profusion de nouveaux types de véhicule, des crossovers aux coupés quatre portes, des coupés cabriolets aux ludospaces, des microcitadines aux SUV.

Deux phénomènes expliquent que cette abondance de nouveautés soit dissimulée par une apparence de conservatisme : d’une part la recherche d’innovations alimentée par une concurrence toujours plus vive, et d’autre part la volonté de construire des marques puissantes afin de rentabiliser des investissements publicitaires colossaux.

Les constructeurs automobiles comptent tout à la fois parmi les entreprises qui déposent le plus de brevets, mais aussi parmi celles qui dépensent le plus en publicité. En France, en 2011, Renault et PSA ont ainsi à eux deux déposé près de 1500 brevets (PSA étant le premier, toutes industries confondues, avec 1237 brevets) et dépensé plus de 950 millions d’euros en publicité (là, c’est Renault qui se classe en tête, avec 366 millions). Même si le chemin qui mène de l’idée au marché est semé d’embûches et que les brevets ne sont pas synonymes d’innovations, ces dernières sont toujours plus nombreuses. On peut citer les véhicules électriques chez Renault, les hybrides chez PSA, la généralisation des systèmes stop-and-start, les outils multimédia, les aides à la conduite ou encore les remarquables gains de consommation obtenus depuis une dizaine d’années. La puissance d’une 208 d’entrée de gamme de 2012 est ainsi supérieure à celle d’une 206 de 2002, alors sa consommation a été réduite de près de 30 %. Parallèlement – et contrairement à ce que l’on pourrait croire – le prix des voitures a fortement baissé : s’il fallait plus de 2100 heures de SMIC pour acheter une Clio en 1995, il n’en fallait plus que 1670 en 2010, soit une chute de 21 %. Tout cela souligne la vigoureuse capacité d’innovation de l’industrie automobile.

Cependant, dans le même temps, les constructeurs cherchent à s’appuyer sur la notoriété accumulée de leurs modèles. Lorsqu’un véhicule a été un succès, comme la Golf ou la Clio, il serait contre-productif de donner un nouveau nom à son successeur. Au contraire, conserver le même nom permet de capitaliser sur les investissements passés et de rassurer les clients actuels – pas toujours innovants – sur la pertinence de leur achat. Comme le soulignait Henry Ford : « si j’avais écouté mes clients, j’aurai fait un cheval plus rapide ». Ce n’est que lorsqu’un modèle déçoit que, pour éviter une contagion à celui qui le remplace, on abandonne son nom (comme ce fût le cas pour Vel-Satis chez Renault ou Fox chez Volkswagen). Ce phénomène n’est d’ailleurs pas limité à l’automobile. Apple est universellement reconnu comme un modèle d’innovation, ce qui ne l’empêche pas d’appeler ses smartphones iPhone depuis 2007, ses lecteurs MP3 iPod depuis 2001 et ses ordinateurs Macintosh depuis 1984.

Les constructeurs français ont tardé à adopter cette approche. Historiquement, leurs nouveaux modèles arboraient de nouveaux noms, de manière à accentuer les différences avec les anciennes versions. On a ainsi connu la litanie des R12, R16, R18, R20 chez Renault et des 404, 405, 406, 407 chez Peugeot. À la même époque, les constructeurs américains, japonais ou allemands avaient déjà compris tout le profit qu’ils pouvaient gagner à conserver les noms des modèles les plus réussis, que ce soit Fiesta chez Ford (depuis 1976), Land Cruiser chez Toyota (depuis 1951) ou Polo chez Volkswagen (depuis 1975). Pour autant, nos constructeurs se sont maintenant ralliés à cette démarche : Renault en est à sa quatrième génération de Clio et à sa troisième de Scénic, Citroën stabilise sa gamme autour des dénominations C3, C4 et C5 et Peugeot a récemment annoncé qu’il mettait fin au décompte initié en 1929 avec la 201 et que les appellations 208, 308 et 508 seraient désormais conservées pour ses nouveaux modèles. Une tendance plus récente consiste même à ressusciter des noms disparus, comme l’ont fait Fiat avec la 500 ou Volkswagen avec la Coccinelle et la Sirocco. Cette fois, en revanche, c’est Citroën, avec sa gamme DS, qui a réussi une des plus belles opérations d’innovation sous les auspices d’une gloire passée.

Au total, on peut donc se réjouir de voir que par-delà les graves difficultés qu’elle traverse, l’industrie automobile continue d’être un moteur d’innovation, même si le marketing a réussi à lui imposer une certaine apparence de continuité. Espérons que la crise n’aura pas raison des investissements en innovation : il ne faut jamais gâcher une crise, c’est une occasion unique de rebattre les cartes.

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