S.O.S. partis politiques en manque de candidats pour les élections 2015<!-- --> | Atlantico.fr
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Les candidats en manque de motivation ?
Les candidats en manque de motivation ?
©Reuters

S'il vous plaît, dessine-moi des candidats

Le député PS Christophe Borgel, secrétaire chargé des élections au sein du parti, a reconnu que "les candidats ne se bousculaient pas au portillon" pour les élections départementales de mars prochain.

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico : Le PS peine à trouver des candidats à inscrire sur ses listes pour les élections départementales. Comment expliquer ce manque de vocations ?

Christophe Bouillaud : Apparemment, cette information dont la presse s’est fait l’écho concerne tout particulièrement les circonscriptions électorales où le candidat PS dispose a priori d’une très faible chance de l’emporter, y compris en temps habituel. Il est sans doute difficile d’afficher une "candidature de témoignage" avec la "foi du charbonnier" au profit d’un parti dont la popularité est faible dans l’opinion, et dont certains militants ne partagent sans doute pas tous les choix gouvernementaux. S’il existe un manque de vocations, cela correspondrait bien aux bruits qui courent sur l’hémorragie militante du PS. La base du PS, pour ce qu’il en demeure, reste sans doute plus à gauche dans ses orientations politiques que ne l’est la politique gouvernementale actuelle. En 2011, Manuel Valls n’avait rassemblé qu’un peu plus de 5% des sympathisants du PS et du PRG sur son nom. Il est aujourd’hui chef du gouvernement, et son principal ministre, Emmanuel Macron, peut être décrit au mieux comme un "techno de gauche", cela ne fait sans doute pas rêver le militant de base et ne lui donne pas envie d’affronter l’ire de ses concitoyens.

D'autres partis sont-ils en mal de candidats ? Et au contraire, quels sont les partis pour lesquels les candidats se bousculent au portillon ?

Traditionnellement, les petits partis, surtout s’ils sont émergents, ont plus de mal à trouver des candidats que les grands partis installés et institués. C’est à la fois une question de nombre de militants disponibles pour s’engager dans une candidature, d’implantation déjà là en termes d’élus, et aussi d’organisation pour sélectionner en interne et présenter administrativement la candidature. Je doute que l’UMP et l’UDI aient beaucoup de mal à trouver des candidats vu le contexte porteur pour eux. Ils risquent même d’avoir plus d’aspirants que de postes de candidats à offrir.

A ses débuts, le Front national connaissait également un problème de candidats, ce qui ne semble plus être le cas aujourd'hui. Comment expliquer l'inversion de cette tendance ?

Depuis sa création, en 1972, le FN n’a jamais réussi à être présent partout et toujours lors des élections. Son implantation locale a été longue et difficile, et elle a même connu des reculs (par exemple suite aux scissions des années 1990). Comme l’a montré l’exemple des municipales du printemps 2014, le FN réussit désormais à constituer des listes dans beaucoup plus d’endroits qu’auparavant. Il reste que, parfois, ses candidats par leur comportement privé ou public lui causent des soucis (comme cette candidate affichant sur des photos Facebook d’elle-même des symboles nazis à ses côtés). Pour les élections départementales, il faut trouver moins de monde qu’aux municipales, donc le FN devrait réussir à couvrir tout le territoire métropolitain. Par contre, l’une des difficultés pour le FN comme pour les autres partis va être de présenter des "couples" présentables de candidats. Le FN reste tout de même un parti de militants masculins, il va falloir trouver à chaque fois une femme prête à s’afficher FN lors de cette élection pour constituer le binôme. En même temps, tous les partis sans exception vont être confrontés à cette nouveauté, et je parierais d’ailleurs que cela donnera lieu à des appariements qui feront sourire les électeurs informés.  Ce mode de scrutin majoritaire à deux tours avec une liste réduite à deux noms constitue une bizarrerie qui devrait faire date.

Au-delà de la conjoncture, dans quelle mesure peut-on imputer ce manque de candidats à la crise du politique ?

Je suis toujours réticent à cette idée de "crise du politique", comme si nos contemporains n’avaient plus envie de se diriger eux-mêmes à travers un processus démocratique, comme si les Français n’attendaient que de s’en remettre à un chef omniscient. S’il existe une crise du politique, c’est d’une part, parce que les citoyens ont le sentiment que les politiques économiques et sociales ne sont plus du ressort de l’Etat national, que, du coup, droite ou gauche, c’est du pareil au même, avec les mêmes résultats décevants au fil des décennies. Il n’y a plus de choix en somme, et rien ne semble s’améliorer au fil des alternances (chômage, pouvoir d’achat, etc.). S’il existe une crise du politique, c’est aussi parce que les hommes et les femmes politiques sont de plus en plus au fil des décennies des "professionnels de la politique" cherchant à faire carrière sur la durée et ne montrant pas en plus un grand sens éthique à l’occasion, surtout pour les plus connus d’entre eux. Avec la libre disposition des informations sur le passé proche grâce à Internet, tout le monde peut désormais constater de visu les reniements des uns et des autres. Je dis une chose en 2011, je fais le contraire en 2014. J’abandonne la politique en 2012, je reviens sur scène en 2014. Toute cohérence se perd en route. Trop de théâtre tue le théâtre. Les Français  s’interrogent du coup sur la qualité de l’engagement des politiques les plus en vue. Au niveau d’une élection départementale, ces éléments jouent sans doute moins dans la mesure même où, pour certains électeurs au moins (ruraux par exemple), le rôle du département, dans la vie économique ou la vie quotidienne, reste important, et où les élus à ce niveau sont un peu moins professionnalisés ou surtout paraissent plus liés à des enjeux locaux bien identifiables.

De manière plus générale, si les candidats ne se pressent pas, est-ce parce que les représentants politiques du parti se sont trop éloignés de leur base militante ?

Non, cela ne vaut pas pour tous les partis, loin de là – en quoi les propos de N. Sarkozy sont-ils éloignés de ce que veut entendre la base de l’UMP ? Idem pour M. Le Pen et les militants du FN -, mais cela semble une bonne explication pour la difficulté éventuelle du PS à trouver des candidats. C’est difficile d’apparaître comme le défenseur local d’une cause si l’on n’y croit pas vraiment soi-même. Toute l’activité de F. Hollande ces derniers temps semble d’ailleurs s’orienter vers le cœur de l’électorat de gauche pour lui prouver que, tout de même, il a fait une politique de gauche depuis 2012. Il cherche à remobiliser son camp en jouant sur la corde identitaire. On verra si cela aura eu un effet lors des élections départementales.

Y a-t-il déjà eu des précédents dans l'histoire et quelles conclusions peut-on en tirer ?

En fait, il est rare qu’un camp de grande importance se trouve sans candidats. L’exemple qui me vient à l’esprit, c’est le cas de la droite après 1945. Une grande partie des élus de droite ou du centre d’avant 1939 avait sombré dans la Collaboration avec l’Occupant. Dans les années d’immédiat après-guerre, ces élus ne peuvent plus se présenter aux élections, mais, quelques années après, s’ils ont encore l’âge de le faire, ils reviennent discrètement dans le jeu électoral. En l’occurrence, ce précédent tendrait à prouver qu’en France, un grand camp politique ne meurt jamais. La gauche, entrainée vers le fond par le PS actuel, va sans doute subir une belle déroute aux départementales, selon toutes les prévisions disponibles, mais, dans quelques années, le tissu militant de cette même gauche se sera ranimé, et l’on trouvera bien des volontaires pour aller à la reconquête. 

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