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Russie, Obamacare… les Etats-Unis sont-ils vraiment dirigés par Donald Trump ?
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Pantin ?

Entre les discours très affirmatifs du président américain, empêtré dans des crises internes, et la réalité de la politique menée par le Congrès de plus en plus puissant, l'écart se fait de plus en plus important.

François Durpaire

François Durpaire

François Durpaire est historien et écrivain, spécialisé dans les questions relatives à la diversité culturelle aux Etats-Unis et en France. Il est également maître de conférences à l'université de Cergy-Pontoise.

Il est président du mouvement pluricitoyen : "Nous sommes la France" et s'occupe du blog Durpaire.com

Il est également l'auteur de Nous sommes tous la France : essai sur la nouvelle identité française (Editions Philippe Rey, 2012) et de Les Etats-Unis pour les nuls aux côtés de Thomas Snégaroff (First, 2012)

 


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Atlantico : alors que la première rencontre entre Donald Trump s'était "très bien passée" selon les mots du Président américain, Washington et Moscou sont à nouveau lancés dans une confrontations sur fonds de sanctions du Congrès et de riposte diplomatique de la part de la Russie. Au delà de ce cas d'espèce, comment expliquer un tel écart entre la volonté apparente de Donald Trump et la politique poursuivie par les Etats Unis ? Donald Trump dirige t il vraiment le pays ?

François Durpaire : On peut dire que la réponse est contenue dans la fin de la question. Il y a une différence lorsque l'on réfléchit à la conception de la décision en matière de politique étrangère américaine entre ce que veut le Président des Etats-Unis, et ce qui est la politique américaine en matière de politique étrangère. Cette différence tient principalement au rôle du Congrès. Ce qu'on peut remarquer dans la constitution américaine, c'est que le Congrès a une place qui est importante en matière de politique étrangère. C'est lui qui, par exemple, déclare la guerre. Un des premiers bilans des 6 premiers mois de Donald Trump est que le Congrès a pris de l'importance, et a grignoté du pouvoir sur le Président en matière de politique étrangère. Premier exemple : si le président décide de lever des sanctions sur un pays, le Congrès peut s'y opposer dans un délai de 30 jours. C'est une loi qui est passée assez inaperçue. Second exemple : le Congrès peut prendre la décision de renforcer des sanctions, sans avoir à prendre l'avis du président des Etats-Unis. C'est ce qui a été fait jeudi dernier. Donald Trump aurait cependant pu y mettre son veto, mais ne l'a pas fait. Il y a donc d'un côté ce que Donald Trump veut, c'est à dire se rapprocher de Vladimir Poutine, et de l'autre ce que Donald Trump peut, qui est lié au rôle institutionnel du Congrès. Rajoutez à cela le fait que le Congrès est en majorité républicain, et que ces derniers sont traditionnellement contre une politique de conciliation avec la Russie.

Dans quelle mesure la politique américaine, par ses jeux de contre-pouvoir, le pouvoir des administrations, des différents lobbys, pourrait s'apparenter à la métaphore d'un paquebot dont la trajectoire ne pourrait être déviée, même par Donald Trump ?

Ce qu'il faut voir là c'est que, pour reprendre la métaphore du bateau, dans le cadre des institutions américaines, pour que le bateau de la décision exécutive puisse bien naviguer, et aller au bout d'un certain nombre de décision, il faut que le navigateur fasse preuve d'un grand savoir faire. C'est à dire qu'il connaisse bien son bateau, et qu'il soit capable de bien naviguer. Est-ce le cas aujourd'hui? Pour le moment, on peut dire - et ce n'est pas du Trump bashing - que le principal problème de Donald Trump est Donald Trump lui-même. C'est-à-dire la création de crise interne à sa propre administration. Sans parler de "chaos", qui est un terme excessif mais souvent repris par la presse progressiste américaine, on peut parler de dysfonctionnement. Quelques exemples : le limogeage du Chief Staff Reince Priebus, qui est responsable du fonctionnement organisationnel de la Maison Blanche.  Il vient d'être remplacé par un général quatre étoile, John F. Kelly. Mais une crise antérieure était le remplacement de Sean Spicer, le porte-parole de la Maison Blanche suite à la nomination d'un nouveau directeur de la communication. On peut rajouter encore un autre exemple de crise interne : les critiques très virulentes de Donald Trump sur son attorney general Jeff Sessions (ministre de la Justice). Il a dit que "si c'était à refaire, il ne le nommerai pas". Donc, pour résumer, avant de parler d'un problème institutionnel, on peut dire que Donald Trump est son propre ennemi. Ce n'est pas du Trump bashing, mais on peut parler de dysfonctionnement.

Alors que cette situation pourrait sembler être une "garantie" offerte à la population américaine pour se prémunir de certains de ces dirigeants, quel risque y a t il de voir le pouvoir politique, et donc le choix des électeurs, être confisqué par "la machine" ?

La question que vous posez est fondamentale. Elle se pose à tous les américains. C'est à dire à ceux qui soutiennent Donald Trump, et ceux qui considèrent que ce n'est pas leur président. Mais la question est formulée différemment par les deux camps. Ceux qui soutiennent Donald Trump parlent d'une pesanteur du système, et se demande jusqu'à quel point il n'est pas possible de bouger ce système, et réformer ce pays. Les partisans de Donald Trump sont toujours là car ils estiment que, pour le moment, les blocages ne tiennent pas à Donald Trump, mais tiennent au système. Ils sont très attachés à Donald Trump car ils n'ont vu, pendant ces 6 mois, que des promesses accomplies. Le président des Etats-Unis ne va pas aux accords de Paris. Il ne va pas au bout du traité transatlantique. Donald Trump interdit les transgenre dans l'armée américaine, et vient juste de faire un discours face aux forces de l'ordre en leur enjoignant d'être plus sévères lorsqu'ils interpellent des suspects. La question se pose différemment pour ceux qui ne soutiennent pas Donald Trump. Eux considèrent que les institutions américaines sont plus fortes qu'un individu. Et que cette situation est, au contraire, positive. Un homme ne peut pas conduire le pays dans le mur car il y a suffisamment de contre-pouvoir. Cette question donc vue par les uns comme quelque chose de positif. et par les autres comme quelque chose de négatif.

>>> Pour aller plus loin : Confrontation entre Moscou et Washington mais bonne relation entre Poutine et Trump : comment comprendre ce qui se passe vraiment entre les deux pays ? <<<

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