Riposte de la Fed : les Américains parviennent à stopper net la baisse de l’euro<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Guerre de devise entre les deux continents
Guerre de devise entre les deux continents
©Reuters

Combat de monnaie

En annonçant, mercredi dernier, que la croissance américaine était moins importante que prévue, la présidente de la FED a montré que la hausse des taux d'intérêt sur le dollar risquait d'être retardée. En conséquence, une inversion des capitaux qui ont quitté les Etats-Unis pour l'Europe a été identifiée, conduisant à une hausse relativement limitée de l'euro par rapport au dollar.

Bernard Marois

Bernard Marois

Bernard Marois est Docteur en Sciences de Gestion et professeur émérite en finance à HEC ainsi que Président du Club Finance HEC qui réunit plus de 300 professionnels de la finance.

Il est  également consultant auprès de grandes banques et d'organismes internationaux et travaille dans le domaine du "private equity" à travers un fonds d'amorçage dédié aux "start-ups".

Il a publié plus d'une vingtaine d'ouvrages dont Les meilleurs pratiques de l'entreprise et de la finance durables, à l'automne 2010.

Voir la bio »

Atlantico : L'euro enregistre une timide remontée face au dollar depuis vendredi dernier. Aujourd'hui la monnaie européenne vaut 1,0934 dollar, contre 1,0821 vendredi. Comment expliquer ce phénomène ?

Bernard Marois : Historiquement, et ce depuis la création de l'euro, les fluctuations entre l'euro et le dollar ont été extrêmement fortes. Selon les périodes, nous avons assisté à des plus hauts où l'euro dépassait 1.60 dollar, et des plus bas où l'euro ne valait plus que 80 cents.

Le marché de l'euro, comme celui du dollar, sont des marchés d'échanges ouverts donc entièrement gérés par les forces du marché. Ce qui affecte les variations de change, ce sont les anticipations des investisseurs. Celles-ci s'appuient sur deux facteurs importants. D'une part, l'évolution des taux d'intérêts : le dollar augmente depuis six mois parce que les investisseurs anticipent une hausse des taux d'intérêts sur le dollar, qui augmenteraient donc leur rémunération. D'autre part, la croissance de l'économie entraîne l'amélioration des bénéfices des sociétés et donc la hausse de leurs rendements. Par conséquent, ces anticipations provoquent globalement des transferts de capitaux énormes vers les Etats-Unis de la part du reste du monde, et en particulier de l'Europe. Dans la mesure où ce phénomène est étalé sur de nombreux mois, cela entraîne une hausse du dollar et une baisse de l'euro.

Le changement de ces derniers jours doit être relié à la dernière réunion du comité d'open market de la FED mercredi dernier. La présidente Janet Yellen y a notamment expliqué que la croissance américaine était moins forte qu'on le croyait, la création d'emplois moins substantielle qu'espéré. Cela signifie que la hausse des taux sur le dollar risque d'être retardée et que les remontées de taux n'auront pas lieu en juin, mais plutôt en septembre. Pour les investisseurs, cela signifie qu'un placement sur le dollar est moins nécessaire à court terme, d'où la petite inversion des mouvements de capitaux qui quittent les Etats-Unis pour retourner vers l'Europe. Cela reste néanmoins une hausse assez limitée de l'euro par rapport au dollar.

Quel rôle joue également la BCE ?

Comme la FED, elle est très importante, puisque les deux déterminent l'évolution des taux d'intérêt. En pratiquant un quantitative easing, la BCE montrait son intention de ne pas augmenter les taux d'intérêts sur l'euro et de favoriser une augmentation de son bilan, donc de la création monétaire avec éventuellement une conséquence : une remontée un peu plus forte de l'inflation que ce qu'elle est actuellement. Ce qui n'est pas sans susciter des craintes chez les investisseurs : si l'inflation redémarre un peu en Europe, leur rendement en termes réels devient moins intéressant s'il placé sur de l'euro.

A quels autres éléments le phénomène peut-il être également lié ?

Les taux d'intérêts sont effectivement très importants, mais il y a aussi d'autres éléments. C'est toute la difficulté de faire de la prévision monétaire. Il n'y a pas uniquement un ou deux facteurs ou critères qui déterminent les taux de change. Cela peut être l'évolution de la conjoncture économique, la création d'emploi, l'évolution du taux d'inflation, d'éventuelles règlementations, etc. Tout cela est très difficile à mettre en équation. C'est pour cela que la prévision des taux de change est très difficile.

C'est pour cela qu'il est assez difficile de dire si cette remontée va se poursuivre ou pas. Il est vraisemblable, même si c'est une prédiction qu'il faut prendre au conditionnel, que l'on devrait se tenir à une certaine parité entre 1,15 et 1,20 dollar, ce qui correspond de la parité des pouvoirs d'achats.

Par contre, si l'on arrivait à un point, voire en dessous, cela serait beaucoup plus embêtant pour l'Europe et les Etats-Unis. Si le dollar devenait trop fort, le déficit commercial augmentant et la compétitivité des entreprises américaines baissant, les Américains seraient à même d'envisager de ne pas augmenter les taux d'intérêt aussi rapidement que prévu. A ce moment-là ce serait un moteur pour que l'euro remonte.

Pour l'Europe, si l'euro continue à baisser d'une façon trop importante, on assisterait à un raz-de-marée d'investisseurs étrangers venant racheter des entreprises européennes et investir en Europe. Evidemment c'est bien pour la croissance économique, mais en termes de souveraineté c'est autre chose. Les investissements étrangers ont un impact ambivalent, bon pour la croissance et l'emploi mais peut-être à moyen et long terme une perte de souveraineté économique voire politique.

La timide remontée de l'euro s'inscrit-elle dans une tendance lourde qui sera amenée à se prolonger ou est-elle simplement passagère ?

Je pense que ça devrait être passager. Pour que l'euro remonte à des niveaux de 1.25, 1.30 voire au-delà en dollars, il faudrait que les taux d'intérêts remontent en Europe ou ne remontent pas aux Etats-Unis. Il est clair qu'en Europe c'est hors de question pour l'instant. Aux Etats-Unis cela risque d'être un peu différé dans le temps.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !