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Révolution de la monarchie britannique : demain, une reine catho sur le trône ?
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Le Premier ministre britannique souhaite réformer l'Act of Settlement de 1701, qui détermine les modalités de succession au trône. Une tentative de réforme jugée électoraliste au Royaume-Uni.

Pauline Schnapper

Pauline Schnapper

Pauline Schnapper Professeur de civilisation britannique à l'université Paris 3.

Agrégée d'anglais et docteur en Science Politique (IEP Paris), elle est l'auteur de La Grande-Bretagne et la sécurité européenne.

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Atlantico : David Cameron a engagé une réforme de la monarchie britannique. Elle pourrait aboutir à l’abolition de la primogéniture masculine ce qui autoriserait donc les filles aînées à accéder au trône (ce sont actuellement leurs frères cadets qui sont prioritaires). Par ailleurs, il serait mis fin à l'interdiction d'accéder au trône pour les héritiers de la couronne mariés à des catholiques. Une telle tentative constitue-t-elle une première ?

Pauline Schnapper : L’idée de reformer le principe de la primogéniture masculine ainsi que la question religieuse qui interdit à un souverain d’épouser une catholique sont dans l’air du temps depuis très longtemps. Pour l’instant aucune réforme concrète n’a été entreprise et il n’est d’ailleurs pas certains que celle-ci aboutisse. Nous en sommes seulement à l’étape de la déclaration.

Il avait été question d’amorcer une réforme de la monarchie sous Tony Blair. Le prince Charles lui-même avait évoqué l’idée de n’être plus defendeur of the  faith, mais defendeur of faiths, au pluriel. Cette petite modification dans le titre du souverain, permettrait de supprimer la prépondérance historique de l’anglicanisme.

Cette réforme n’a pas abouti plus tôt pour des raisons de procédure, il est nécessaire d’obtenir l’accord des 15 pays du Commonwealth pour passer cette réforme. De la même façon, l’absence de séparation entre l’église et l’État ne facilite pas les choses. Ne négligeons pas non plus le calendrier, il y avait sans doute toujours plus urgent à faire. Soulignons enfin qu’il n’y avait pas de grosse pression de l’opinion publique, nous n’avons jamais vu de très grand mouvements de protestation dans les médias, ni dans les rues. Bref, cela n’empêche pas les Britanniques de dormir la nuit.

Ce qui est vrai c’est que la majorité des Britanniques est attachée à leur monarchie. Le mouvement républicain n’est pas majoritaire au Royaume-Uni. En France, en tant que républicains, nous observons toujours la monarchie avec fascination, or il faut relativiser son importance. Dans la vie politique britannique, elle ne représente pas une priorité.

La presse britannique a accusé David Cameron d'imposer là une mesure électoraliste...

J’ai entendu dire que les conservateurs s’inquiètent d’être impopulaires chez  les femmes. En effet, les nombreuses réformes entreprises par le gouvernement ainsi que les drastiques réductions budgétaires, affecteraient particulièrement les femmes.

Cette proposition de réforme est donc perçue comme un moyen de faire remonter la cote de popularité des conservateurs auprès de l'électorat féminin. Elle permettrait à la fille aînée d’un couple princier d’accéder au trône même si elle a des frères.

David Cameron a qualifié l'interdiction d'accéder au trône pour les héritiers de la couronne mariés "d'anomalie historique"

Il y a aujourd’hui tout un débat sur le fait que la religion anglicane soit la religion officielle. Cette situation héritée du passé ne traduit plus la diversité religieuse actuelle du royaume britannique. Il est un peu suranné d’avoir encore aujourd’hui une règle qui empêche un souverain d’épouser une catholique. Il y a de nombreux catholiques au Royaume-Uni, mais il existe aussi d’autres communautés religieuses. Le gouvernement rappelle ainsi que cette survivance du passé n’a plus grand sens à l’heure actuelle.

Cela dit, la réforme ne modifie pas la règle pour le monarque : il doit être anglican pour accéder au trône. Les enfants, s’ils souhaitent monter sur le trône devront choisir la religion d’État, c’est-à-dire la religion anglicane. Aujourd’hui, des membres de la famille royale sont catholiques ou ont épousé des catholiques, mais ils ont ainsi renoncé à tout droit sur le trône. Catholiques et Anglicans ne sont pas deux mondes étanches au Royaume-Uni.

Le côté suranné de la monarchie britannique ne fait-il pas son charme ?

En l’occurrence cela n’est pas qu’une question de charme ! La monarchie britannique a aussi un rôle constitutionnel et notamment ce rôle de chef de l’Église anglicane qui pose problème aujourd’hui à l’époque du multiculturalisme revendiqué au Royaume-Uni par ailleurs. Le fait que l’Église anglicane qui ne représente qu’une minorité de la population britannique, soit représentée à la chambre des Lords, pose un problème politique, qui ne relève ni du symbole, ni du charme. La règle de la primogéniture masculine règle vaut depuis Henri VIII, depuis les guerres de religions et le conflit avec la papauté.

La tentative de réforme du Premier ministre représente-elle une ingérence de l’exécutif dans la vie de la monarchie ?

Non, pas du tout. Le Premier ministre est ici tout à fait dans son rôle. La monarchie n’existe que parce qu’il y a un accord du peuple et du parlement. Le parlement est souverain au Royaume-Uni. C’est le cas depuis la révolution de 1688, au cours de laquelle le parlement a pris le pouvoir. Le pouvoir vient de l’accord entre la monarchie et le parlement, et le Premier ministre est issu du parlement.

A ma connaissance, la Reine n’a pas réagi à l’annonce de cette proposition de réforme. Je ne pense pas que cela lui pose de difficultés. La monarchie est à la fois conservatrice et souple. Elle a par exemple accepté la réforme qui l’obligeait à payer des impôts.

Pour l’heure, cette réforme ne changerait rien puisque le prince Charles et son fils aîné sont des garçons. Nous parlons aujourd’hui d’un sujet qui pourrait se présenter dans minimum 30 ou 40 ans.

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